10 mai 2011

L'homme d'a côté

L'homme d'à côté est un film à trois personnages, dont le premier est une maison, la seule maison dessinée par Le Corbusier en Amérique Latine.
Construite pour un médecin de La Plata qui souhaitait pouvoir exercer sa profession et résider au même endroit, la villa Curuchet a été achevée en 1954, mais n'a été habitée par ses propriétaires que pendant une dizaine d'années. Longtemps négligée, dégradée et quasi oubliée, elle a finalement été restaurée dans les années 80 et déclarée Monument Historique National. Elle est actuellement le siège de l'Association des architectes de la Plata.

Toute en blancheur, transparence et lignes épurées, elle incarne, dans le film de Mariano Cohn et Gaston Duprat la réussite professionnelle d'un designer, Leonardo, véritable caricature de l'intellectuel branché. Rien, ni dans sa maison, ni dans sa vie n'échappe à ses exigences esthétiques, pas même la musique, bruitale, expérimentale qu'il écoute avec componction. Dans son environnement tout est parfaitement assorti, méticuleusement harmonieux. Jusqu'à la robe de sa femme (tendance hystérique), jusqu'au T-shirt de son adolescente de fille (tendance autiste).


Car voilà, la perfection esthétique n'est pas la vie. Et lorsque le voisin de Leonardo, qui ne demande qu'à attraper "un rayocito de luz", perce un trou dans le mur mitoyen, le monde si parfait du designer se fissure.Car Victor, le voisin, a des façons de faire aux antipodes de celles de Leonardo. Il est jovial mais vulgaire, brutal, impulsif et surtout très très kitsch.

La confrontation des deux personnages et de leurs univers respectifs est absolument jouissive. D'autant que les réalisateurs poussent la caricature dans les deux sens. D'un côté l'intellectualisme, la recherche esthétique, l'aspiration vers le haut dirait Baudelaire, mais tant de froideur. Un univers mortifère. De l'autre la laideur, la vulgarité, la force brutale et quasi animale, mais quelque chose comme la générosité, l'instinct de vie.

Ne comptez-pas sur moi pour dévoiler ce qu'il advient "in fine" des deux personnages. Ce serait gâcher votre séance. Sachez seulement que les deux réalisateurs sont vraiment très, très habiles.

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