14 avril 2020

Philip Roth, Le Complot contre l'Amérique


De façon très inhabituelle, j'ai lu le roman de Philip Roth tout en suivant les premiers épisodes de la série HBO qui en a été tirée.
En temps ordinaire j'aime bien séparer littérature et cinéma, qui m'apparaissent comme deux arts totalement séparés. Je n'ai fait exception à cette règle que pour Brûlant secret adapté d'une nouvelle de Stefan Zweig et L'insoutenable légèreté de l'être, adapté du roman de Milan Kundera. Le complot contre l'Amérique sera sans doute la troisième exception.

La série n'est pas encore finie, mais j'ai déjà terminé le roman qui m'a alternativement passionné et ennuyé. Imaginer au début des années 2000 (le roman a été publié aux E-U en 2004) qu'aux élections de Novembre 1940 Charles Lindbergh, héro de l'aviation et pro-nazi notoire, gagne les élections présidentielles devant Franklin D. Roosevelt, qui avait, grâce au New Deal sorti les Etats-Unis de la crise, est assez culotté et suppose de manipuler habilement vérité historique et fiction. Ce qui fait que, parfois, faute de connaissances suffisantes, on peine à démêler le vrai du faux. Mais l'hypothèse est suffisamment terrifiante pour que l'on s'accroche au récit que l'écrivain en fait. D'autant qu'il a choisi de faire vivre cette histoire par une famille juive de Newark. Le plus jeune fils de la famille Levin s'appelle Philip et l'on peut supposer, sans trop craindre de se tromper, que les angoisses de l'enfant, sont autobiographiques. C'est ainsi que l'uchronie s'ancre dans le récit de vie et lui donne sa justesse.

La peinture du petit milieu juif de Newark est particulièrement convaincante car ellel permet au lecteur qui n'appartient pas à ce milieu de mieux comprendre les réactions de ceux qui voient  l'antisémitisme gagner la société américaine, qui découvrent comment, sous-prétexte de favoriser l'assimilation, on en vient à déporter des familles loin de leur milieu d'origine et qu'il ne faut pas grand chose pour que les préjugés et le racisme un temps jugulés, refassent surface. Le roman montre assez bien comment, à l'intérieur d'une même famille, les points de vue peuvent différer et dresser des barrières entre ceux qui veulent collaborer, ceux qui veulent résister et ceux qui veulent tout simplement fuir.

La série garde bien l'esprit du roman, mais le fractionnement des scènes, l'alternance entre les différents personnages suivis tout à tour dans leur évolution, fait que l'on s'y perd un peu, un peu plus en tout cas que dans le roman. Lire Le complot contre l'Amérique parallèlement à la série m'a d'ailleurs permis de mieux m'y retrouver, de mieux comprendre ce que chacun est supposé représenter. Néanmoins le grand nombre de scènes nocturnes, et la semi obscurité des scènes d'appartement, parfaitement réalistes j'en conviens fatigue l'oeil et ne joue pas en faveur de la clarté du récit.

Me voici donc revenu à mon préjugé antérieur : ou le roman, ou le film, mais pas les deux. Sauf à faire de la comparaison un exercice stylistique.

Aucun commentaire: