03 octobre 2022

Margaret Wilkerson Sexton, Miss Josephine


 Pas facile à résumer ce roman de Margaret Wilkerson Sexton, parce que, pour écrire cette saga familiale qui se déroule sur trois générations, l'écrivaine a choisi ce qu'au cinéma on appelle un montage parallèle, devenu quasiment la norme en littérature américaine. Cela oblige le lecteur à une gymnastique continuelle entre les époques (1855, 1924, 2017) et entre les personnages. Pour un lecteur français il importe d'avoir en mémoire que l'esclavage a peut-être été aboli en 1865, mais que les lois Jim Crow qui imposaient la ségrégation ont, elles, perduré jusqu'en 1964 et qu'en dépit de tout, le racisme reste endémique aux E-U. Trois périodes bien différentes et trois façons de vivre sa "négritude".

A chaque époque un personnage principal, Joséphine enfant au début, puis adulte, mère de famille et chef d'une exploitation agricole, Ava enfin, lointaine descendante de Joséphine : une lignée de femmes fortes, entourées d'une cohorte impressionnante de personnages qui occupent un rôle plus ou moins important selon les chapitres, les mariages, les naissances, les métissages ... .. Miss Joséphine est incontestablement un roman virtuose, parfaitement maîtrisé par son autrice. 

Le roman de Margaret Wilkerson Sexton, comme le suggère un commentaire est bien, "une belle fresque intimiste et réaliste ". L'écrivaine en effet porte un regard sévère  mais lucide sur la façon dont les Noirs ont été - et sont toujours - traités aux E-U mais elle porte aussi un regard empathique et admiratif sur les femmes responsables, encore et toujours, de la survie de leur famille. 

Le titre français, Miss Joséphine banalise épouvantablement et peut-être même trahit le projet de Margaret Wilkerson Sexton.  Mais j'avoue que le titre anglais The Revisioners paraît difficile à traduire. Il y a bien sûr les pouvoirs visionnaires de Joséphine, mais aussi l'idée d'une "révision" de l'histoire, vue cette fois-ci du côté des Noirs. Un nouveau courant de la littérature américaine dans lequel pourrait s'inscrire le roman de Nathan Harris, La douceur de l'eau ou celui de Jason Mott, L'enfant qui voulait disparaître. A moins qu'il ne s'agisse que d'un rapprochement fortuit au hasard de mes lectures...

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