Quel drôle de film vraiment ! Drôle un peu, mais surtout bizarre ! Parce que sous des dehors extravagants, il semble se nourrir des dérives de son époque. Fantasque, superficiel mais réaliste aussi. Un peu fourre-tout donc.
Le démarrage est assez (trop?) lent, histoire de bien situer les deux premiers personnages - et de lancer le thème central : l'argent - avant d' embarquer l'influenceuse et son compagnon sur une croisière de luxe pour hyper-riches. La caricature est énorme et vire rapidement à la farce, grotesque d'abord puis franchement scatologique quand se déclenche la tempête qui fait perdre aux passagers leur superbe. La partie la plus intéressante est certainement la dernière, façon Koh Lanta, quand les rescapés du naufrage doivent se débrouiller pour survivre et découvrent enfin que dans ces circonstances, tout leur argent ne sert à rien. Voici les dominants désormais sous domination de celle qui sait pêcher et faire un feu, jusqu'au twist final.
Que le film de Ruben Östlund, bien que drôle par moments, soit de très mauvais goût c'est incontestable. Mais un film qui commence comme une pub pour Abercrombie et Fitch avec ces jeunes mâles qui affichent leur torse musclé, qui se poursuit sur le mode La Croisière s'amuse avec un hymne à l'argent, Money, money, money ! braillé sans complexe par l'équipage et enchaîne avec une (trop longue) séquence façon La Grande bouffe de Marco Ferreri, un film aussi bourré de références, affiche lourdement peut-être, mais clairement ses intentions. Et lorsque Sans filtre vire aux Saturnales, ces grandes fêtes d'hiver où l'ordre hiérarchique est momentanément suspendu et les rapports sociaux inversés, peu importent les références et les clins d'oeil, le message est passé.
Encensé ou critiqué, le film de Ruben Östlund pose une fois de plus la question essentielle à mes yeux de la relation entre un film et son, ou peut-être ses publics. Sans filtre est un film vulgaire (mais l'extrême richesse n'est-elle pas le comble de la vulgarité ?) qui propose une vision caricaturale et simplifiée de ce qu'on appelait autrefois la lutte des classes, ici réduite à une opposition entre ceux qui ont de l'argent et ceux qui les servent. Rien de bien nouveau. Mais en ne lésinant pas sur les moyens et en optant pour les codes esthétiques de la téléréalité le réalisateur a de fortes chances de toucher le grand public tout en établissant, par ses références culturelles, une certaine connivence avec un public plus intello. Et si Ruben Östlund avait simplement trouvé la bonne recette pour obtenir la Palme d'or du festival de Cannes ?
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