Pas trop fan des romans à dominante psy, surtout quand il s'agit d'histoires de couples. Mais celui-ci est différent. D'abord en raison de son écriture, toute en méandres, toute en finesse. La phrase s'efforce de tout reconstituer, qu'il s'agisse des détails d'un paysage, d'une ambiance ou des hésitations, des nuances des émotions. Elle paraît parfois minutieuse, enveloppante, on pense forcément (un peu) à Proust. Puis on se laisse charmer parce qu'en effet, il ne s'agit pas de rester dans le flou des sentiments, mais bien de comprendre ce qui est exactement en jeu dans la relation entre Ismaël et Meriem, Isamaël et Médée, Ismaël et sa famille, ses amis.... Ismaël est neurochirurgien et l'on pense inévitablement au scalpel et à la main qui le manipule. Il y a dans l'écriture de Yasmine Chami quelque chose qui relève effectivement de ce travail de précision, comme si elle avait voulu faire de cet exercice de ciselure, quelque chose non seulement d'esthétique, mais de vital. Il n'est pas si fréquent de trouver une écriture aussi bien accordée à son sujet.
Dans sa chair est apparemment le deuxième volet d'un diptyque dont Médée chérie, publié en 2019, constituait le premier volet. Puisque l'on retrouve dans les deux livres les mêmes personnages. Mais si le premier donnait la version féminine de l'histoire du couple - cette séparation brutale et inexpliquée dans un aéroport - Dans sa chair en donne la version masculine. Plus rare peut-être, d'autant qu'il ne s'agit pas de savoir qui a tort, qui a raison, mais bien de comprendre pourquoi les choses se sont passées comme cela.
Et s'il fallait une troisième raison pour apprécier ce livre, il suffirait de dire que les personnages ne sont pas crées ex-nihilo, mais qu'ils sont situés à partir d'un environnement géographique (le Maroc), d'une culture, celle d'une famille de tradition juive, d'un contexte social et politique, autant d'éléments qui ne jouent qu'en arrière plan, mais qui peaufinent le tableau.
Je n'ai pour l'instant lu que ce roman, le deuxième donc, mais j'imagine que l'auteur pourrait bien dans un moment proposer un 3e volet : après les voix de Médée, puis d'Ismaël, j'aimerais entendre celle de Meriem, la jeune et brillante chirurgienne pour qui Isamël a quitté Médée.
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