Dès les premières pages nous voilà pris, intrigués et séduits par Kamal, ce narrateur qui parle de lui en disant "nous". Car Kamal, gamin de Marrakech, vit à deux dans un même corps, avec son frère fantôme, et ce n'est pas facile parce qu'ils sont très différents. Le sage et le fou, le calme et l'agité, l'obéissant et celui qui ne supporte pas les règles. Comme un soupçon de schizophrénie ? Mais ce n'est pas vraiment le propos de l'auteur qui met en scène autour de Kamal, sa famille, mère, frère, soeur et les petites gens de Marrakech. Car c'est dans les souks et sur la place Djemaa El Fna que tout se passe et comme Kamal est pendant un temps, le guide touristique le plus demandé de son agence, le regard qu'il porte sur les touristes est aussi drôle et parfois caustique que celui qu'il porte sur les Marrakchis !
Pourtant, derrière la rigolade, il y a aussi les larmes, les conditions de vie de sa famille, pauvre parmi les pauvres, les trafics d'Omar qui le mènent inéluctablement en prison, la propre descente de Kamal vers l'alcoolisme et la tragédie.
On en veut un peu à l'écrivain de ne pas sauver son personnage, mais il lui a donné sa chance et il n'a cessé de montrer qu'il avait le choix, qu'il aurait pu ... mais Mektoub, c'était écrit. Pensive en refermant le livre je m'interroge sur cette idée de prédétermination qui pèse sur les vies des personnages comme peut-être sur les nôtres. Mais si prédétermination il y a, elle est avant tout sociale. C'est en tout cas ce que nous invite à penser Mahi Binebine ce qui fait de Mon frère fantôme un roman plus profond que ne pourrait laisser croire la légèreté de son ton.
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