19 décembre 2010

Basquiat versus Banksy

Pure coïncidence : à quelques jours d'intervalle j'ai vu l'exposition Basquiat au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris et le film de Banksy, Faites le mur.

Voilà qui fournit ample matière à réflexion et ... à discussion. Où commence l'art? Où s'arrête le graffiti ? Qu'est-ce qui distingue un véritable artiste d'un faiseur ? Voire d'un escroc ? La valeur d'une oeuvre est-elle déterminée pas son prix ? Par sa présence dans un musée ?

Basquiat et Banksy sont tous deux issus de la rue, ou plutôt du "street art" qui a poussé tant de gamins à poser leur marque sur les murs de leur ville. Mais outre leurs initiales, et un certain goût de la provocation, c'est à peu près tout ce que ces deux artistes ont en commun.
L'un a choisi la lumière, la couleur et la notoriété; l'autre a choisi l'ombre et la clandestinité.

De Basquiat on sait tout ou à peu près. Sa trajectoire fulgurante, de Brooklyn aux cimaises de Soho, puis à celles des musées; ses rencontres avec des artistes déjà "installés", Julian Schnabel, Andy Warhol etc., avec des galeristes et des critiques qui ont largement contribué à lancer sa carrière. Cette carrière, Cathleen Mc Guigan en a étudié tous les tenants et les aboutissants en 1985 dans un remarquable article du New York Times.





De Bansky on ne sait rien ou presque.
Enfant de Bristol, il préserve autant que faire se peut son incognito, mais laisse sa signature sur tous les murs ! Ce qui fait de lui l'inconnu le plus célèbre du moment et alimente sa légende. Ses dessins vivent leur vie souvent éphémère à Bristol, Londres, Los Angeles, Detroit ou Jérusalem sans que Banksy se soucie plus que cela de leur devenir. De toute façon, sur son site, ses dessins sont à la disposition de qui les veut , sans "copyright", à condition toutefois de ne pas en faire un usage commercial. Plutôt inhabituel, non ?

Passons maintenant au film. Faites le mur se présente comme un vrai/faux documentaire; l'illusion de réalité est suffisante pour que le spectateur s'y laisse aisément prendre. Le soi-disant Thierry Guetta qui filme tout et n'importe quoi de façon obsessionnelle et prétend réaliser un documentaire sur le Street Art avant que Bansky lui-même ne prenne les choses en main est plus que crédible. Et lorsqu'il se lance à son tour dans l'aventure artistique, suivi dans son entreprise par tous les gogos de Los Angeles... on finit par se demander où est le leurre, où est la cible.
De qui se moque Bansky ? De lui-même ? Des marchands d'art plus soucieux de marketing que d'art ? Des spéculateurs qui font monter artificiellement la côte d'un artiste ? Des nigauds prêts à suivre le moindre buzz plutôt que leur propre jugement ? De tous ceux qui ont bien trop peur de passer pour des c... et n'osent pas dire que "le roi est nu" ? Allons, il est temps de relire Andersen !

Je ne sais pas si Basquiat et Bansky sont de grands artistes. Mais cela vaut certainement la peine de se poser la question et pour cela d'aller voir le film et l'exposition.

P.S. Le titre anglais du film "Exit through the giftshop" est en tout cas beaucoup plus explicite que le titre français !

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