Les Coeurs purs, ce pourrait être la version 2018 de Romeo et Juliette, tant les deux personnages appartiennent à des milieux, des cultures différentes. Agnese est élevée par une mère confite en religion, qui tient à ce que sa fille s'engage solennellement à rester vierge jusqu'à son mariage.
Stefano, qui essaye tant bien que mal de gager sa vie comme gardien de parking, a la charge de ses deux parents, deux pas "grand'chose" qui se complaisent dans leur rôle d'assistés.
Qu'Agnese et Stefano se rencontrent tient du pur hasard, qu'ils s'aiment, de la fiction cinématographique. Mais le réalisateur évite habilement le piège de la romance sentimentale en montrant comment chacun des personnages est conditionné par sa culture, car le propre de l'être humain est bien de s'émanciper, de faire ses propres choix, comme Stefano, en équilibre précaire entre le droit chemin et la délinquance ou Agnese qui s'efforce de sortir du cocon confortable des certitudes religieuses ?
Coeurs purs c'est d'abord l'histoire de deux personnages qui avancent à tâtons vers leur liberté.
Mais le réalisateur élargit son propos en mettant en scène un troisième groupe de personnages qualifiés de gitans et installés de l'autre côté du parking gardé par Stefano. De culturel, l'affrontement devient alors économique et social, reflet d'une société où les immigrants sont considérés comme des privilégiés puisqu'ils bénéficient d'une aide à laquelle les précaires comme Stefano n'ont pas accès. Le film pourrait à ce moment basculer vers la diatribe politique; il n'en n'est rien. La revendication nationaliste n'est, comme la délinquance, qu'une tentation de plus sur le chemin de Stefano, remarquablement interprété par Simone Liberati.
Le plus étonnant dans ce film est sans doute de voir la religion remise en question : oui, l'aveuglement, l'intégrisme, existe bien dans la religion catholique. Roberto De Paolis montre à rebours que la distinction entre le bien et le mal ne dépend pas de la religion, mais de la conscience individuelle.