24 octobre 2021

First cow

 S'il y a un film à voir en ce moment, c'est bien celui-là parce qu'il y a, dans l'histoire de cette première vache, tout ce que l'on attend d'un bon film ! 

A commencer par les paysages de l'Oregon, les forêts qui longent la rivière Columbia, celle-là même qui permit à Lewis and Clarck d'atteindre le Pacifique au terme de leur longue expédition. La nature donc somptueuse et quasi sauvage, où des hommes pourtant essayent de s'installer, des trappeurs essentiellement, venus d'ailleurs, de Russie ou de Chine. Ou du Maryland tout simplement comme Cookie, engagé comme cuisinier par une bande de ruffians. 

Film de pionniers ? Western ?  Oui il y a un peu de cela dans le film de Kelly Reichardt, mais un western (puisque l'histoire se passe dans l'Ouest) version réaliste, celle où l'on a constamment les pieds dans la boue et le plus souvent le ventre vide. Celle où quelques planches suffisent à construire une cabane précaire qu'un bouquet d'herbes sauvages transforme en maison. La caméra s'attarde sur les loques dont les hommes se vêtent, sur les visages rugueux, les mains crasseuses, qui témoignent des difficultés affrontées jour après jour et le film prend alors des allures de documentaire, d'autant que la réalisatrice souligne l'écart entre les gens ordinaires acharnés à faire mieux que survivre et les représentants de l'Etat, aussi prétentieux que ridicules. 

Mais le vrai sujet du film, ce qui fait vraiment son intérêt c'est l'amitié entre Cookie et King-Lu, une amitié née d'une rencontre fortuite qui devient vite une évidence; une amitié qui se passe de mots mais qui permet aux deux hommes de partager d'autant mieux leurs rêves que leurs compétences se complètent. Le film peut paraître long par moment, mais il faut du temps pour absorber tout ce que les images montrent, ou simplement suggèrent, tant le cinéma de Kelly Reichardt est riche de sens. Et la scène de la rencontre entre les deux hommes est de celles que l'on n'oublie pas : Cookie errant dans la forêt à la recherche de quoi se nourrir se trouve soudain devant la silhouette à peine devinée d'un homme nu caché sous les fougères, visiblement encore plus démuni que lui. Face à face décisif, celui de la couverture apportée, de la main tendue, de la protection assurée. Joli moment d'humanité. Intemporel.


 Oui j'ai aimé ce film, j'ai aimé ces scènes incongrues, cette vache aux longs cils que Cookie va traire toutes les nuits pour préparer les beignets qui doivent assurer leur fortune. J'ai aimé Cookie le taiseux, et les spéculations incessantes de King Lu, sa façon de tirer des plans sur la comète, sa fougue entreprenoriale pour ne pas dire capitaliste. J'ai aimé jusqu'à l'incertitude qui plane sur la fin, malgré le prologue : on peut mourir d'une balle dans la tête, on peut mourir aussi d'inanition, de froid, mais dans le film de Kelly Reichardt, on ne meurt pas seul.

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