02 août 2022

Dima Abdallah, Bleu nuit

Pourquoi lire, si ce n'est pour se mettre provisoirement à la place de quelqu'un d'autre que soi, et vivre d'autres vies que la sienne ?

C'est ce à quoi nous incite le deuxième roman de Dima Abdallah, dont le personnage principal est un homme de la rue. Il a un jour, claqué la porte d'entrée de son appartement, jeté ses clefs dans le première bouche d'égout venue, et depuis n'a pas quitté la rue. Pourquoi, comment en est-il arrivé là, c'est la question que l'on se pose dès les premières pages car on devine bien sûr qu'il y a eu, à un moment de sa vie, un événement hors du commun, une tragédie qui l'a mené à cette rupture radicale. La curiosité du lecteur sera assouvie dans les dernières pages du roman,  mais pas avant, parce que l'écrivaine distille régulièrement des indices pour maintenir en éveil la curiosité du lecteur et l'obliger à faire des suppositions. L'art de suspendre la résolution de l'intrigue, comme dans les meilleurs polars.  

Bleu nuit, malgré les apparences, n'est pourtant pas un polar. C'est plutôt la tragédie d'un homme et avec lui, celle de bien d'autres personnes. Dima Abdallah a fait de son personnage un ancien journaliste, c'est à dire un homme qui a l'habitude de regarder autour de lui, d'observer. Et c'est son regard sur ceux qui comme lui n'ont plus d'autre domicile que la rue que nous suivons. Un regard plein d'empathie, plein de compréhension, plus même que de compassion.

Bleu nuit est un roman à deux dimensions, sociale et psychologique, un projet ambitieux pour une écrivaine qui n'en est qu'à son deuxième roman. Le regard que porte Dima Abdallah sur les laissés pour compte de notre société, ses efforts pour faire comprendre ce que signifie être à la rue à travers une fiction sont en tous points louables. Il m'a semblé pourtant sentir une baisse de tension, à mi-chemin, comme si en cours de route l'écrivaine avait modifié en cours de route son projet pour le reprendre sur un mode narratif plus ordinaire. Peu importe parce qu'au final, Bleu nuit fait partie de ces romans que l'on n'oublie pas.

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