24 septembre 2024

Les Barbares

 L'enfer serait, dit-on pavé de bonnes intentions. L'enfer je ne sais pas, mais le cinéma et la littérature le sont trop souvent. Et voilà le lecteur et le spectateur doublement piégés, parce qu'ils sont obligés d'acquiescer à la "bonne" cause qui leur est présentée et qu'il leur est difficile, sauf à desservir la cause, de dire du mal du film. 

L'histoire de ce petit villlage de Bretagne à qui on "refile" des réfugiés syriens plutôt que des réfugiés "ukrainiens" permet à July Delpy de développer son propos à savoir qu'il n'y a pas de bons et de mauvais réfugiés mais juste des gens en peine qu'il s'agit d'aider à retrouver une vie "normale". Et parce qu'elle choisit d'en faire une comédie vaguement caustique plutôt qu'un mélodrame édifiant, elle aligne les clichés et les caricatures faciles, dans une mise en scène qui est pour le moins lourdingue et que le procédé du film dans le film alourdit encore.

Mais voilà, malgré tous ses défauts, le film n'est pas désagréable à voir, les acteurs plutôt bons dans leurs rôles. Et l'évocation de ce petit village au coeur de la forêt de Brocéliande m'a rappelé quelques bons souvenirs....


17 septembre 2024

Ewald Arenz, L'été où tout a commencé

 

 

Le Parfum des poires anciennes avait été une jolie découverte et j'attendais avec curiosité le deuxième roman d'Ewald Arenz, sachant que le deuxième roman est toujours un passage difficile dans une carrière d'écrivain. Mais L'Eté où tout a commencé est à la hauteur du premier livre, avec cette même délicatesse, cette même tendresse, parfois un peu rude, pour des personnages qui sonnent assez juste. 

L'été où tout a commencé est une histoire d'adolescents dont la tonalité m'a semblé rappeler le poème de Rimbaud : On n'est pas sérieux quand on a 17 ans ! Le plongeoir de la piscine a remplacé la promenade sous les tilleuls verts, mais l'esprit est le même. 

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête ...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête ...  

Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.

Après avoir raté son année scolaire, Friedrich, le personnage principal, a droit à une session de rattrapage ; au lieu de partir en vacances en famille, il passera l'été chez ses grands-parents pour réviser. Rien de bien exaltant et l'adolescent appréhende l'été à venir qui se révélera au contraire plein de découvertes. Le roman joue à la fois sur les relations de Friedrich avec ses grands-parents, et avec ses amis du même âge, parmi lesquels, la jolie Beate rencontrée à la piscine. Oui le roman d'Ewald Arenz appartient bien à la tradition allemande du "bildungsroman", centré sur la sortie de l'adolescence, de la première révélation amoureuse, mais aussi sur la confrontation avec les générations antérieures, un mélange de sévérité et de tendresse qui permet à l'individu de prendre ses marques pour avancer vers son avenir. Le romancier joue certes la carte des émotions, habile à saisir tous ces moments fugaces, ces basculements incessants, ces doutes et ces incertitudes, qui sont le propre de l'adolescence. Mais il sait aussi ne pas en abuser.  De la sensibilité, oui. Mais pas de la sensiblerie. 

L'Eté où tout a comencé se lit avec beaucoup de plaisir et ... un brin de nostalgie.


16 septembre 2024

David Joy, Les Deux visages du monde

David Joy, comme Ron Rash sont des écrivains de terroir. Ils ont grandi dans la même région de Caroline du Nord, au pied des Appalaches, un territoire qu'ils n'ont pas quitté, auquel ils sont attachés et dont ils parlent bien. Ce n'est certainement pas la région la plus riante ni la plus séduisante des Etats-Unis, parce que c'est une région qui n'a jamais été particulièrement prospère et qui, dans les dernières décennies, a souffert de la fermeture des mines. Les médias traitent les habitants de cette région de "hillbillies" autant dire de péquenots auxquels on accorde bien peu de considération. Sans prétendre faire oeuvre de réhabilitation, David Joy et Ron Rash s'efforcent dans leurs romans d'expliquer et de faire comprendre ce que c'est que de vivre si loin du grand rêve américain. Ils ne sont ni sociologues, ni anthropologues, juste des écrivains avec un bon sens du romanesque. 

Ainsi le dernier roman de David Joy s'empare d'un sujet qui fait trop souvent l'actualité des médias : le racisme dans une petite ville. Toya Gardner est une jeune fille venue passer l'été chez sa grand-mère avec l'intention de poursuivre un projet artistique conçu à partir de l'enracinement de sa famille dans la région. Ce qui lui fait découvrir le passé esclavagiste de la petite ville. Mais profaner une statue, même par un geste artistique, n'est pas un geste anodin et Toya déclenche la colère des habitants et des membres du Ku Klux Klan, toujours actif dans cette région de Caroline du Nord. Comme son titre l'indique, le roman de David Joy passe constamment d'un côté à l'autre, du côté des suprématistes blancs ulcérés que l'on touche à leurs valeurs fondées sur le respect de l'Histoire et des traditions, et du côté des activistes noirs ou blancs qui n'admettent plus que l'on exhibe encore et toujours les symboles de ce passé raciste sans tenir compte de l'évolution des lois. L'écrivain compose avec cette binarité en incluant des figures intermédiaires, en creusant l'histoire personnelle des personnages, souvent plus importante qu'une quelconque idéologie pour expliquer leurs comportements. Sans cesse sur le fil du rasoir, parce qu'il risque à tout moment de tomber dans le roman à thèse, David Joy joue de la nuance, évite le piège du manichéisme - qui peut prétendre en effet que le monde n'a que deux visages, l'un blanc et l'autre noir -   tout en maintenant la tension jusqu'au jusqu'au renversement final. 

Les Deux visages du monde est un livre à lire l'esprit ouvert et sans préjugé. Son sujet est terriblement d'actualité, et servi par une qualité narrative indéniable.

En complément éventuel : https://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/klansville-faq/

15 septembre 2024

Septembre sans attendre

 Fêter son divorce plutôt que son mariage, c'est peut-être une bonne idée : se marier c'est faire un pari sur un futur très incertain; se séparer, c'est quitter un présent devenu insatisfaisant et retrouver sa liberté.

C'est en tout cas sur ce thème, celui du divorce festif, que Jonas Trueba a construit son film. Et c'est assez réussi parce que ni Ale ni Alex, malgré leur détermination commune et leurs certitudes affichées, ne sont au fond, très sûrs de ce qu'ils veulent. Le réalisateur enchaîne ainsi les petites scènes courtes, et les dialogues où tout est sous-entendu plutôt que dit, ou les non-dits et les silences ont autant d'importance sue les mots prononcés. Comme une photo floue que l'on cherche à mettre au point :  trouver la bonne focale, la bonne distance, tout est question d'ajustement. D'autant que familles et amis veulent tous
ajouter leur grain de sel. Dans ce film, que certains pourront trouver bavard et parfois répétitif, alors qu'il n'est que réaliste,  le destin des deux personnages se joue sur un regard, un geste et la réussite du film tient, en fait, à la direction d'acteur.

Septembre sans attendre n'est pas le premier film sur les aléas de la vie conjugale ou des relations sentimentales. On pense forcément à Truffaut, Rohmer, Bergman et quelques autres; mais le film de Jonas Trueba est bien un film contemporain, avec des préoccupations qui sont celles des jeunes adultes d'aujourd'hui. Eva en AoûtVenez voir, Septembre sans attendre : trois films qui dessinent avec finesse le portrait d'une génération. En tout cas d'une certaine jeunesse.

14 septembre 2024

Iain Levison, Les Stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques

Impossible de résister à un titre pareil. Et pour Justin Sykes, meilleur avocat de sa génération qui malgré ses diplômes ronflants a choisi d'être avocat commis d'office parce qu'il croit à la justice - la vraie, pas celle qui s'achète !  - impossible de résister à l'offre qui lui est faite de tenir une permanence d'une heure dans un cabaret pour conseiller les strip-teaseuses. Avec en complément l'obligation de passer la nuit dans le motel d'en face qui appartient ... au propriétaire du cabaret, avec consigne de garer sa voiture juste devant la porte de sa chambre.

Beaucoup plus vite que Justin Sykes, le lecteur se doute qu'il y a quelque chose de suspect dans cette proposition, mais qu'importe parce que le propos de Iain Levison n'est pas d'écrire un polar façon Agatha Christie, mais bien de se moquer du fonctionnement de la justice et plus généralement de la société américaine. Le livre, comme d'ailleurs tous les livres de Levison, est à la fois caustique et drôle, cinglant et tendre. 

Depuis Un petit boulot, Liana Levi a publié tous les livres de Iain Levison (une dizaine) et je les ai tous lus, toujours avec le le même plaisir. Comme un cocktail léger, mais qui laisse sur la langue un petit goût acide.


13 septembre 2024

Arles 2024 : Et pour terminer ...

... quelques photos plus perso...




Pour une fois sans commentaires ...

Les bonnes adresses d'Arles

A chacun ses bonnes adresses... Celles-ci ne sont  pas forcément les meilleures, mais ce sont mes préférées...


Le petit déjeuner au Tambourin, un incontournable :  un bar tenu par un ancien toréador, des vieux messieurs qui chaque jour à la même heure viennent échanger et commenter les nouvelles du jour et des conversations qui tournent, encore et toujours, autour ... de la corrida !

En terrasse ou à l'intérieur, selon la météo. 

La Cuisine de comptoir qui depuis que je vais à Arles n'a jamais changé sa formule : tartines au choix,  gaspacho ou salade pour compléter. Je ne m'en suis pas lassée... Pas plus que je ne me suis lassée de la pastilla de l'Entrevue, le restaurant de la librairie Actes Sud.

 

Petits plaisirs ajoutés en marge des expositions.  Et je n'oublie pas le marché du Samedi, aussi haut en couleurs qu'en saveurs.


Et voilà pourquoi revenir à Arles chaque année, est un vrai bonheur. En été pour les expos, en hiver et à n'importe quelle saison, pour le charme de la ville.


12 septembre 2024

Arles 2024 : styles vestimentaires




Pour une fois sans commentaire...




Nicolas Floc'h

 
 Au premier coup d'oeil, l'exposition est assez spectaculaire : tout ce bleu, ces dégradés de couleurs...

 
De près, c'est tout autre chose puisque Nicolas Le Floc'h a suivi le cours du Mississippi et parcouru son immense bassin d'affluents pour ne s'intéresser qu'à la couleur de l'eau qui varie bien entendu en fonction des terres que traverse le fleuve et de sa profondeur. Une sorte d'échantillonnage donc. Certaines couleurs paraissent improbables... mais non ! 

 

Les photos en noir et blanc qui accompagnent les colonnes d'eau documentent l'espace terrestre autour du fleuve : comme dans cette série qui reflète  la couleur sableuse pour ne pas dire boueuse de l'eau et les paysages plats du delta, quand le fleuve n'en finit pas de s'étaler avant de rejoindre les eaux du golfe du Mexique. 

Et si je suis attardée plus longuement sur la photo de cette maison montée sur pilotis, c'est parce que j'y retrouve des images connues. Après le passage de l'ouragan Katrina, beaucoup de maisons, qui étaient déjà construites sur pilotis ont été balayées par le vent et la mer. Certaines ont été reconstruites, mais surélevées de façon invraisemblable; la hauteur des colonnes rend manifeste la fragilité des constructions humaines lorsque la nature se déchaîne. Aussi banale que soit la photo, je la trouve poignante.





 

11 septembre 2024

Arles 2024 : Collection Astrid Ullens

 La collection Astrid Ullens de Shooten Whettnall, présentée à l'Atelier de mécanique générale est tout à fait étonnante. Elle l'est par le nombre de photographies et par le nombre de photographes exposés, des plus connus à ceux qui ne le sont pas du tout, ou du moins pas encore. L'idée majeure est qu'une seule photo, aussi forte, aussi remarquable soit-elle ne suffit pas à traduire une vision du monde. Pour rendre compte d'un regard, et faire sens, il faut plusieurs photos.  Un seul mot peut traduire une réaction immédiate,  une émotion, mais une phrase dûment formulée sera forcément  plus précise, plus pertinente. D'où la série, principe même de cette collection.

Les séries présentées sont de natures extrêmement variées, sobres jusqu'à l'austérité comme celles de Bern et Hilla Becher, parfois plus ludiques comme l'intriguante série intitulée Tapis volants, dont je n'ai bêtement gardé que 2 photos sur les 7 de la série. Et oublié de noter le nom du photographe. Sorry !

 Une autre série sur laquelle je me suis attardée longuement est celle de Hans Peter Feldman intitulée 100 Jahre et qui date de 2001 : 100 photos alignées sur 4 rangées; la première représente un nourrisson de quelques semaines, la dernière une vieille dame de 100 ans. Visages d'enfants, d'adolescents, d'adultes, de vieillards.  Visages d'hommes et de femmes, tous anonymes mais chaque spectateur y cherche le reflet de son âge, de sa jeunesse perdue ou de son devenir... C'est assez fascinant. Vertigineux même. 

 

10 septembre 2024

Arles 2024 : Stephen Dock

D'un lieu à un autre, les expositions parfois se répondent.  Après Mary Ellen Mark et Christina de Middel,  le travail de Stephen Dock permet de prolonger la réflexion entamée sur l'objet photographique vu a priori comme un outil chargé de transmettre la réalité ou un objet à visée artistique dont le rapport à la réalité n'est pas essentiel.  Sachant qu'entre les deux extrêmes, il existe forcément toutes sortes de nuances. 

Jeune photographe qui a fait ses premiers pas au début de la guerre en Syrie, Stephen Dock a repris 10 ans plus tard ses clichés pour - dit le catalogue des rencontres - déconstruire un registre photographique et proposer une image générique de la guerre moderne. C'est à dire, manipuler, triturer la matière photographique pour progressivement le rendre méconnaissable et  parvenir à ce que le sujet devienne quasi impossible à identifier. L'aspect documentaire de la photo est effacé, la part de réalité qu'elle avait enregistrée a été transformée jusqu'à ne plus constituer qu'une surface grisée où l'on ne distingue plus que des ombres, des silhouettes floues ... une sorte de pointillisme en noir et blanc, un brouillard qui altère la vision ...

En fin de compte, la photo n'est plus qu' un amas de pixels dont la couleur seule peut signifier le sang.  Peut-être. Extrapolation sans doute inutile puisque, l'image est passée de la figuration à l'abstraction. L'intention artistique a fini par gommer la réalité.

Reprenant le thème de la finitude humaine que Ronsard avait illustré avec une rose, Baudelaire avait choisi une ... charogne en putréfaction, proclamant ainsi que la beauté d'un poème ne dépend pas de son objet, que la beauté n'est pas dans l'objet lui-même, mais dans le regard que l'artiste pose sur cet objet. Ainsi le regard que Stephen Dock pose sur un campement de réfugié; pas de manipulation numérique sur la photo mais un cadrage qui souligne les ombres, le fondu des couleurs, les lignes ... Est-ce que cela suffit pour donner du sens à la photo (si tant est que la photo est besoin d'avoir un sens). Et en fin de compte, la beauté de la photo masque-t-elle la réalité ou souligne-t-elle au contraire la misère de ce campement.

Reste la question que je ne peux m'empêcher de poser : quelle est la légitimité de ces photos , une fois accrochée sur les murs d'une galerie,  si elles ne servent plus à dénoncer "toute la misère du monde" ? Si au lieu de susciter la compassion, elles ne servent plus qu'à amplifier  ... la notoriété du photographe.

09 septembre 2024

Arles 2024 : Christina de Middel



La proposition de Christina de Middel s'inscrit parfaitement dans la poursuite de ma réflexion  sur la fonction documentaire de la photographie, que celle-ci se contente de faire voir, de témoigner, laissant le spectateur libre de son jugement,  ou au contraire, selon le cas, de glorifier ou de dénoncer, imposant ainsi au spectateur une façon de voir et de comprendre. La photo dans ce cas, glisse je le crains vers la propagande. Un outil au service d'une pensée.

Partie du photojournalisme,  Christina de Middel s'en est éloignée pour construire des projets plus élaborés puisque, dans l'exposition intitulée Voyage au centre, elle retrace le parcours des migrants à travers le Mexique, depuis le Guatemala jusqu'aux Etats-Unis, dans une installation qui intègre au reportage d'origine, toutes sortes d'images, transformant ainsi le voyage  des migrants en fiction héroïque. Un peu à la façon de Jeane Cummins dans American dirt. Certaines images sont mises en scènes, voire crées de toute pièce. Au spectateur de démêler ce qui est vrai de ce qui est seulement vraisemblable voire totalement inventé. Que sait-on au juste de ces migrations si ce n'est ce qu'en disent les médias dont les points de vue sur un sujet aussi sensible, diffèrent nécessairement en fonction de leur appartenance politique. 

L'installation photographique de Christina de Middell, laisse le spectateur circuler librement d'une image à l'autre, attiré par l'aspect ludique ou esthétique de certains assemblages, rebutés par d'autres, intrigué souvent, troublé parfois. Les certitudes et les a priori s'effacent au profit du questionnement. En se positionnant à la limite du photo-journalisme et de l'installation artistique, la photographe ouvre, me semble-t-il une perspective intéressante.

07 septembre 2024

Arles 2024 : impression d'ensemble

 C'est peut-être prétentieux de parler de vue d'ensemble alors que je n'ai pas vu toutes les expositions et que beaucoup ont été parcourues au pas de course. Toujours est-il que l'on ne peut regarder tant de photos sans se demander, pour chacune d'entre elles, quelle est la raison qui a poussé le photographe à la prendre; on s'interroge sur ses intentions comme sur l'intérêt que soi-même on a trouvé à la regarder. Beaucoup de photos sont tout, sauf évidentes puisque l'effet esthétique, peut-être jugé trop décoratif ne semble plus être la principale préoccupation ni des photographes ni des curateurs. La recherche du beau était-elle d'ailleurs à l'origine de l'art photographique ? Je n'en suis pas certaine. Il s'agissait plutôt d'arrêter le temps en capturant un moment particulier d'une existence, d'un événement.
On a longtemps parlé d'instantanés,  de moments suspendus ...


Je pense à la photo de Lartigue surprenant sa cousine alors qu'elle saute les marches d'un escalier. Et dans le même esprit à la photo de Louis Faurer où l'on voit une femme sauter par dessus une large flaque de pluie.  


 

 

 

 

 

 

 

Saisir au vol un instant de vie, c'est bien ce que font tous les photographes de rue, en particulier Vivian Maier toujours prête à braquer son objectif sur un détail curieux,  le coup de vent qui soulève la jupe d'une femme sur un trottoir de Chicago. Saisir en une fraction de seconde ce qui ne reviendra jamais...

Parmi les photographes présentés à Arles, certains semblent s'inscrire encore dans cette tradition. Mais à partir du moment où leurs photos sont regroupées en séries - souvent consacrées aux aspects les plus sombres de la société - je me demande toujours pourquoi ces photos sont présentées à Arles plutôt qu'à Perpignan. Les photos de Mary Ellen Mark par exemple, me semblent tout à fait relever du photo-journalisme, bien qu'à l'espace Van Gogh elles aient été  présentées sans le texte accompagnateur supposé les expliquer et d'une certaine façon les justifier pour échapper au soupçon complaisance ou même de voyeurisme.

Qu'est-ce qui au fond distingue le documentariste de l'artiste ? Est-il même utile de les différencier ? Peut-être pas, mais d'expositions photos en expositions photos, je continue de me poser la question.  

Un même sujet, trois photos, trois époques différentes, trois photographes différentes - oui, le hasard  et seulement le hasard fait que ce sont des femmes  -   Dorothea Lange (1895-1965),  Vivian Maier ( 1926 - 2009), Mary Ellen Mark (1940 - 2015)

 

Celle-ci répond à une commande de la Farm Security Administration qui pour répondre à la crise des années 30 avait mandaté des photographes pour documenter l'état de la population dans le Sud des Etats-Unis.



Celle-ci ne s'inscrit dans aucun programme, ne répond à aucune demande, mais la scène a frappé la photographe qui passait alors dans la rue. Un instantané aussi intuitif que subjectif.

Un témoignage sur une famille dont la voiture est devenu le domicile, un cadrage et une pose destinée à impressionner, à émouvoir celui qui regarde. 

Indépendamment de toute considération technique ou esthétique, j'aurais a priori, une préférence pour la photo "gratuite", vidée de toute intention, qui se contente de porter un regard sur le monde.

06 septembre 2024

Arles 2024 : Alfred Latour

 L'artiste qui m'a le plus intéressée à Arles a fait de la photographie, mais c'était loin d'être son activité principale parce qu'il était aussi, à l'occasion, aquarelliste, peintre, graveur, illustrateur, graphiste et pour finir, designer textile.  Il s'agit d'Alfred Latour dont la carrière était retracée au musée Reatu. L'exposition  mettait en valeur les multiples talents de cet artiste et la façon dont il passait avec aisance d'un medium à un autre, la photo servant parfois ou souvent de base à d'autres projets plus élaborés ou simplement plus complexes. 

Comme ce motif noir sur fond bleu inspiré, on veut bien le croire, par...

 ... la photo d'un enchevêtrement de roues de bicyclettes.

 
Ou ces motifs végétaux trouvés dans la nature. La photo visiblement donne une forme, ensuite retravaillée, simplifiée, épurée, et éventuellement colorée pour pouvoir être reproduite à l'infini comme l'exige l'impression d'un tissu.
 
 
Si vous voulez en savoir plus .... direction Arles et le musée Reatu www.museereattu.arles.fr
la Maison des Consuls à Eygalières, mairieeygalieres.com
 l'Espace Alfred Latour, 2 Place du Nord
à Lausanne et à défaut le site de la Fondation Alfred Latour. fondation@alfred-latour.org
 

Marseille Notre Dame de la Garde, 1958

 


04 septembre 2024

Pourquoi tu souris

Pourquoi tu souris est un film gentil, limite simplet, mais au final plutôt agréable dans le genre "feel good movie". Le casting qui oppose  Jean-Pascal Zadi (faux immigrés clandestin, mais vrai SDF) et  Raphael Quenard (vrai parasite au bagou intarissable) à Emmanuel Devos (bénévole au grand coeur un brin nunuche) est parfaitement réussi, et on se laisse prendre à ces arnaques à la petite semaine lancées par les deux tocards jusqu'à la rencontre finale avec Judith Magre, parfaite aussi dans son rôle de vieille richarde excentrique. 

Ce n'est peut-être pas aussi fouillé que du Ken Loach, mais dans le genre comédie sociale qui finit bien parce que si elle dénonce les travers de notre société, elle met surtout l'accent sur les qualités humaines des protagonistes et leur grain de folie, le film de Christine Paillard et Chad  Chenouga est  plutôt réussi.



02 septembre 2024

Arles 2024

Arles, malgré la chaleur, est une ville propice à la flânerie, assez tortueuse pour essayer de s'y perdre, mais trop marquée par sa géographie et son histoire pour qu'on y parvienne. Et puis, au fil des ans et des Rencontres photographiques, l'oeil se plaît à trouver de nouveaux points de vue, de nouveaux cadrages ... parfois un peu surréalistes comme la proximité de l'affiche du festival avec un vélo et des bouteilles de gaz : il y a sans doute un point commun puisque mon oeil a tilté, mais lequel ?

 
 
La fondation Lumas a pris beaucoup de place, mais il reste toujours des lieux improbables, des lieux abandonnés, décatis, sommairement installés le temps d'un été pour accueillir photos et visiteurs,  comme la maison des peintres  ...

 
Ou le joliment nommé Croisière qui propose entre deux expos une halte agréable avec chaises longues et parasols,  un décor propice à imaginer des voyages lointains. Empreinte carbone zéro !


 

01 septembre 2024

Arles 2024

 Revenir à Arles a toujours quelque chose d'excitant parce qu'il s'agit chaque fois de voir ce qui a changé et ce qui demeure. "Same, same but different ! " Des souvenirs, des regrets parfois - le Capitole, ancienne chapelle, ancien cinéma, ne propose plus d'expos depuis un certain temps déjà - des découvertes, des lieux transformés, métamorphosés...

L'école Nationale Supérieur de Photographie, tout en transparence et linéarité est, depuis 2020 un agréable contrepoint aux formes tarabiscotées de la tour Lumas. Entre les deux architectes, Frank Gehry et Marc Barani je n'hésite pas, malgré la renommée du premier. L'un a fait ce qu'il fait toujours, quel que soit le lieu et le contexte. L'autre a construit en tenant compte de la morphologie du lieu. L'un érige un labyrinthe intérieur, qui se suffit à lui-même; l'autre ouvre le bâtiment sur la ville, offrant une perspective infinie au regard.

Je concède cependant à la fondation Lumas sa transformation du parc des ateliers SNCF qui n'était qu'un vaste terrain vague, abrutissant de chaleur (mais dont j'ai malgré tout la nostalgie.)


 et qui, une fois végétalisé, devient peu à peu un îlot de verdure ...

 
... qui, au fil des ans, prend plus en plus d'ampleur.
 

Certes, pour la fraîcheur il vaut mieux compter encore un peu sur l'ombrière ....