24 mars 2016

Ojoloco 2016 : La Obra del Siglo

A côté des films de fiction, le festival Ojoloco présente aussi des documentaires. Celui-ci tient des deux genres puisqu'il alterne des séquences en couleur - le côté documentaire - avec des séquences en noir et blanc ou plutôt en gris - le côté fiction. On a un peu de mal à s'y faire au début mais l'ensemble est suffisamment étrange pour éveiller la curiosité d'abord et finalement l'intérêt du spectateur. En tout cas, la mienne.

Les images en couleurs, format carré, sont des images de propagande qui datent vraisemblablement de la période de construction de  la centrale nucléaire de Juragua que Cuba avait commencé de construire dans les années 80 avec l'aide de l'Union Soviétique. A la chute du mur, le projet a été interrompu puis définitivement arrêté en 2000. Le chantier est donc resté en l'état, c'est à dire à ciel ouvert, soumis aux intempéries, et aux dégradations, tout comme la cité "nucléaire" construite à proximité pour loger ouvriers, techniciens et ingénieurs.


C'est dans ce lieu à l'abandon que Carlos Machado Quintela met en scène trois personnages, le fils qui vient de connaître un échec sentimental, le père qui porte en lui le regret du projet inachevé, le grand-père, aussi  bougon que tyrannique qui ne s'intéresse qu'au poisson de son aquarium. Trois hommes désoeuvrés et dépressifs qui tournent en rond dans une cité qui n'en est plus une, trois génération de cubains revenus de toutes leurs illusions et désormais sans avenir. Cruel constat que le réalisateur souligne par le recours à une image grise, brouillée, limite floue qui contraste avec les couleurs saturées des images de propagande.

La Obra del siglo est un film qui n'entre dans aucune catégorie reconnue et qui peine sans doute à faire son chemin en dehors des festivals (Toulouse, Rotterdam etc. ) C'est dommage car c'est un film inventif - parfois jusqu'à frôler le surréalisme -  mais surtout exigeant, sur un pan de l'histoire cubaine qui fait froid dans le dos.



Tchernobyl est mentionné plusieurs fois et certaines images du film sont très suggestives. Il s'agit en réalité d'une simple fumigation anti moustiques mais libre au spectateur d'associer cette image à des désastres d'une autre nature.
Bien que surprise au début, j'ai finalement beaucoup apprécié ce film. Qui m'a, par moments, rappelé un autre film aussi étrange et aussi convaincant à propos de la folie d'une époque : Atomic cafe qui date de 1982, le début de la construction de la centrale de Juragua).

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