Hirokazu Kore-eda nous a habitués a tant de bons films (Nobody knows, Still Walking, Air doll, Tel père, tel fils, Notre petite soeur ... ) que je n'ai pas hésité à aller voir son dernier film, Third Murder, malgré un titre peu engageant. Et je ne l'ai pas regretté, car sous ses allures de thriller, le film est plus complexe, mais aussi plus subtil que ce que l'on attend du genre.
Un jeune et brillant avocat est chargé de défendre Misumi, accusé de meurtre. Or l'individu vient tout juste de sortir de prison où il a purgé une peine de 30 ans pour un premier meurtre. L'affaire se présente mal pour l'avocat, d'autant que l'accusé a avoué ce deuxième meurtre, mais change sans cesse de version. Alors même qu'il risque la peine de mort.
Non Third murder n'est pas un simple polar, bien que l'on cherche pendant tout le film le 3e meurtre, déjà commis, ou à commettre ? C'est un film qui n'a de cesse d'élucider les notions de culpabilité, de s'interroger sur les motivations d'un acte, sur ce qui pousse un être humain à en tuer un autre.
De film en film, Kore-eda imprime sa marque dans l'histoire du cinéma japonais en construisant des scenarios d'une extrême précision, en utilisant des images marquantes, mais sans esbroufe aucune, pour mener le spectateur là où il a envie de le mener : une réflexion profondément morale qui nous contraint à nous interroger sur nos certitudes qui ne sont souvent que des habitudes, des béquilles sur lesquelles nous nous appuyons pour ne pas avoir à penser.
30 avril 2018
29 avril 2018
Luna
Luna est "bêtement" tombée amoureuse d'un jeune macho, voyou sans intérêt. Elle s'est "bêtement" laissée entraîner dans une beuverie qui s'est terminée par l'agression sans raison d'un jeune homme. Mauvaise séquence.
Luna qui vient de se voir offrir un emploi stable par le maraîcher qui l'emploie depuis quelques temps, est bien décidée à oublier ses erreurs pour repartir d'un bon pied, quand surgit à ses côtés - coïncidence un peu forcée - le jeune homme victime de l'agression. Le scénario joue alors sur l'ambiguïté de la relation qui s'établit entre les deux personnages. Mais ce n'est peut-être pas l'essentiel.
L'essentiel c'est ce portrait d'une jeune fille, pleine d'énergie, mais qui peine à contrôler ses pulsions, agît sur un coup de tête, accumule les mauvaises décisions, à qui on voudrait dire de ralentir, de réfléchir un peu avant de faire n'importe quoi. Le film d'Elsa Diringer a quelque chose d'un roman de formation, avec pour une fois, une fille dans le rôle principal. C'est son principal intérêt. Avec l'excellent jeu de Laetitia Clément.
Un premier rôle et un premier film de bon augure ?
28 avril 2018
Eduardo Halfon, Deuils
L'histoire commence au bord du lac Amatitlan au Guatemala, un lac où se serait noyé enfant l'oncle du narrateur. Se serait... au conditionnel, car rien n'est moins sûr et le narrateur s'emploie à élucider peu à peu cette histoire. Une histoire d'autant plus compliquée que dans sa famille d'origine polonaise, on s'appelle Salomon de père en fils. Il faut donc remonter plusieurs générations, mais aussi passer d'un pays à l'autre parce qu'être juif c'est souvent être obligé de s'expatrier.
27 avril 2018
Sonate pour Ross
Sonate pour Ross est avant tout un film d'une beauté stupéfiante composées comme des tableaux : paysages enneigés, cascades de glace, Difficile d'imaginer que la Norvège en hiver, ce soit aussi beau.
L'esthétisme du film toutefois n'a rien de gratuit ; il s'accorde parfaitement avec son propos dont il compense d'une certaine façon la difficulté. Car, bien que largement ouvert sur la nature, le scenario est construit comme un huis clos à 3 personnages : la jeune femme qui prend la route pour rejoindre la maison de son enfance, sa mère, une femme austère, sèche avec laquelle elle entretient des rapports tendus, et son jeune frère, qui visiblement adore sa soeur.
Boudewijn Koole, le réalisateur a construit son film autour d'un moment particulier dans la vie de ces trois personnages, figés dans une relation dont on cherche à percer le secret, parce que le passé forcément explique en partie le présent sans pour autant présager ce qui va se passer ensuite.
La musique, comme le suggère le titre joue un rôle important. Plus qu'une bande son, elle est au coeur même du film.
L'esthétisme du film toutefois n'a rien de gratuit ; il s'accorde parfaitement avec son propos dont il compense d'une certaine façon la difficulté. Car, bien que largement ouvert sur la nature, le scenario est construit comme un huis clos à 3 personnages : la jeune femme qui prend la route pour rejoindre la maison de son enfance, sa mère, une femme austère, sèche avec laquelle elle entretient des rapports tendus, et son jeune frère, qui visiblement adore sa soeur.
Boudewijn Koole, le réalisateur a construit son film autour d'un moment particulier dans la vie de ces trois personnages, figés dans une relation dont on cherche à percer le secret, parce que le passé forcément explique en partie le présent sans pour autant présager ce qui va se passer ensuite.
La musique, comme le suggère le titre joue un rôle important. Plus qu'une bande son, elle est au coeur même du film.
26 avril 2018
Hostiles
Ravie de voir que les cinéastes d'aujourd'hui reprennent goût au western, ce genre cinématographique qui a déjà connu tant d'avatars, les meilleurs comme les pires.
Hostiles, le film de Scott Cooper fait partie des meilleurs, parce qu'il intègre parfaitement tous les clichés sans lesquels un western ne serait pas un western, tout en renouvelant le genre. Un western bien sûr n'est pas un essai et le revirement du capitaine de cavalerie, Joseph Blocker, farouche ennemi des Indiens au début du film, qui s'en fait par la suite le protecteur, est cousu de fils blancs. Mais le western n'a pas à s'encombrer de subtilités. Il a en revanche à nous montrer des paysages spectaculaires, des affrontements farouches, des personnages solitaires, hargneux, éprouvés mais fondamentalement droits et généreux et d'autres totalement pervers quelle que soit la couleur de leur peau. Il y a dans ce film des "bons Indiens" et des "mauvais indiens" comme il y a de "bons soldats" et de "moins bons".
L'Amérique depuis longtemps ne parle plus d'Indiens, mais de "Native americans", une terminologie apparemment plus respectueuse qui n'empêche en rien le fait que ces peuples pourtant indigènes soient toujours mis au ban de la société. Hostiles suggère qu'il pourrait en être autrement et que le Yellow Hawk, le vieux chef Cheyenne qu'il doit raccompagner sur ses terres mérite respect et bienveillance.
Hostiles, le film de Scott Cooper fait partie des meilleurs, parce qu'il intègre parfaitement tous les clichés sans lesquels un western ne serait pas un western, tout en renouvelant le genre. Un western bien sûr n'est pas un essai et le revirement du capitaine de cavalerie, Joseph Blocker, farouche ennemi des Indiens au début du film, qui s'en fait par la suite le protecteur, est cousu de fils blancs. Mais le western n'a pas à s'encombrer de subtilités. Il a en revanche à nous montrer des paysages spectaculaires, des affrontements farouches, des personnages solitaires, hargneux, éprouvés mais fondamentalement droits et généreux et d'autres totalement pervers quelle que soit la couleur de leur peau. Il y a dans ce film des "bons Indiens" et des "mauvais indiens" comme il y a de "bons soldats" et de "moins bons".
L'Amérique depuis longtemps ne parle plus d'Indiens, mais de "Native americans", une terminologie apparemment plus respectueuse qui n'empêche en rien le fait que ces peuples pourtant indigènes soient toujours mis au ban de la société. Hostiles suggère qu'il pourrait en être autrement et que le Yellow Hawk, le vieux chef Cheyenne qu'il doit raccompagner sur ses terres mérite respect et bienveillance.
25 avril 2018
Vent du Nord
Vent du Nord est un film sympathique, mais beaucoup trop didactique pour être passionnant. En effet, le réalisateur, Walid Mattar, entend démontrer les effets pervers de la mondialisation sur les deux rives de la Méditerranée, comme le suggère clairement son affiche.
En France c'est une usine qui ferme : un ouvrier entend faire fructifier ses indemnités en montant une petite entreprise de pêche familiale, et se heurte aux difficultés administratives. En Tunisie où l'usine française a été transplantée, c'est un jeune homme, récemment embauché qui déchante rapidement devant les conditions de travail et l'absence de perspectives. Des vies gâchées malgré les efforts des personnages.
La démonstration est certes efficace, mais un peu ennuyeuse malgré un casting très réussi.
24 avril 2018
Jenni Fagan, Les Buveurs de lumière
Ce pourrait presque être un roman de science-fiction puisqu'il se passe pendant l'hiver 2020. Mais c'est plutôt un roman sur le changement climatique puisque les températures ne cessent de descendre jusqu'à atteindre les - 50° (Celsius) !
Il fait donc froid, dans le camping-car dont vient d'hériter Dylan après la mort de sa mère et de sa grand-mère. Il est seul et triste mais fait rapidement la rencontre des autres habitants de ce parc de caravanes, en particulier de sa voisine Stella, une gamine plutôt délurée, et de sa mère, une femme qui sait tout réparer.
23 avril 2018
Kei Miller, By the rivers of Babylon
Voilà un livre à lire avec Bob Marley dans les oreilles ou avec en tête le Psaume 137.
" Sur les bords des fleuves de Babylone,
nous étions assis et nous pleurions,
en nous souvenant de Sion."
Comme le prêcheur volant, le lecteur se retrouve entre le ciel et la terre, entre une réalité difficile, violente parfois et un monde imaginaire, mystique, chaleureux.
By the rivers of Babylon est un livre peu ordinaire, avec énormément de charme.
22 avril 2018
Gabriel Tallent, My Absolute Darling
Beaucoup de bruit autour de ce livre, qualifié de "livre phénomène", de "roman inoubliable".
Mais j'avoue ne pas souscrire tout à fait à ces propos dithyrambiques. Et le roman de Gabriel Talent est loin de m'avoir convaincue.
On s'attache, c'est certain au sort de Turtle, cette gamine qui vit avec son père dans le Nord de la Californie parce que Gabriel Tallent est un écrivain habile. Trop habile peut-être, parce qu'il semble avoir composé son roman en reprenant certains thèmes porteurs qui fonctionnent bien en littérature : les grands espaces, la vie au plus près de la nature, le survivalisme tendance paranoïde.
A ces grands thèmes il ajoute une intrigue empruntée à la réalité la plus sordide, celle des enfants abusivement retenus par des adultes prédateurs, jouant de de la relation ambigüe, mais au fond totalement perverse qui s'établit entre eux. Le genre d'histoire que l'on trouve trop fréquemment dans les médias.
Malgré tout le talent de l'auteur pour tresser les fils de son roman et ménager un semblant de suspens le déroulement de l'intrigue m'a paru trop facilement prévisible. Il y a en fin de compte dans ce roman, un je ne sais quoi de trop fabriqué qui m'a donné l'impression que Gabriel Tallent cherchait avant tout à manipuler son lecteur.
Daniella Carmi, La Famille Yassine et Lucy dans les cieux
Pas terrible ce titre, beaucoup trop long, mais intriguant quand même.
Et le roman lui-même est intriguant. Bizarre aussi. Et un peu loufoque.
L'histoire est racontée par Nadia, qui bien que de famille chrétienne a épousé Salim un musulman. Ils vivent dans un petit village israélien et on adopté en enfant, Nathanael, dont ils ne savent rien si ce n'est qu'il a au moins 8 ans mais ils découvrent rapidement qu'il est autiste.
Ce rapide résumé pourrait être trompeur car il ne s'agit pas vraiment d'un roman sur l'éducation d'un enfant avec handicap, non il s'agit plutôt de montrer comment la société israélienne essaye de s'accommoder des impératifs religieux, comme des problèmes posés par l'immigration et bien sûr l'économie. Danielle prend le parti d'en rire plutôt que de s'en plaindre et c'est ce qui fait le charme du roman. Mais derrière les propos ironiques, transparaît la vérité : comme Nathanaël, la société israëlienne a son propre fonctionnement souvent incompréhensible pour ceux qui pourtant l'on adoptée de plein gré.
21 avril 2018
Ready Player One
Sortir à 3 mois d'écart deux films aussi différents que Pentagon Papers et Ready Player One relève de la gageure. Et pourtant le pari n'est pas loin d'être réussi ! Parce que le discours de Spielberg, d'un film à l'autre, ne change pas tellement : ce sont toujours les "bons" qui finissent par triompher des méchants.
Ce qui change d'un film à l'autre, c'est moins la nature du mal - qui connaît autant de versions attestées par l'histoire que de versions probables dans le futur - que la façon de le présenter, et par conséquent les spectateurs auxquels le réalisateur s'adresse. La sortie rapprochée de ses deux derniers film met clairement en évidence que Spielberg vise, avec Pentagon Papers, un public informé, rôdé au cinéma classique dont il apprécie l'efficacité lorsqu'il s'agit de rappeler un moment particulier de l'histoire du XXe siècle. Ready Player One, bien que porteur du même message humaniste (l'individu, ou plutôt des individus unis contre un système auxquels tous se sont soumis par ignorance ou par facilité) vise un public plus jeune, capable d'apprécier les références cinématographiques autant que l'immersion dans les jeux video et la cuture pop des années 80.
Dans son dernier film cependant je crains que le discours de Spielberg, simplifié au profit du formalisme, ne se soit perdu dans les effets visuels. Les personnages sont trop ... démonstratifs pour être vraiment crédibles et susciter quelque émotion que ce soit.
Pas d'émotion donc mais une petite irritation devant cette image de mains tendues entre un enfant - un être humain en voie d'achèvement? - et un être issu d'un brouillard céleste. Une image qui fait office d'auto-citation (E.T.) autant que de référence picturale (Michelangelo) et dans laquelle il est difficile de ne pas voir une allusion religieuse, comme une nécessaire re-création du monde. J'avoue que de ce genre de référence, je me passerais volontiers.
Ce qui change d'un film à l'autre, c'est moins la nature du mal - qui connaît autant de versions attestées par l'histoire que de versions probables dans le futur - que la façon de le présenter, et par conséquent les spectateurs auxquels le réalisateur s'adresse. La sortie rapprochée de ses deux derniers film met clairement en évidence que Spielberg vise, avec Pentagon Papers, un public informé, rôdé au cinéma classique dont il apprécie l'efficacité lorsqu'il s'agit de rappeler un moment particulier de l'histoire du XXe siècle. Ready Player One, bien que porteur du même message humaniste (l'individu, ou plutôt des individus unis contre un système auxquels tous se sont soumis par ignorance ou par facilité) vise un public plus jeune, capable d'apprécier les références cinématographiques autant que l'immersion dans les jeux video et la cuture pop des années 80.
Dans son dernier film cependant je crains que le discours de Spielberg, simplifié au profit du formalisme, ne se soit perdu dans les effets visuels. Les personnages sont trop ... démonstratifs pour être vraiment crédibles et susciter quelque émotion que ce soit.
Pas d'émotion donc mais une petite irritation devant cette image de mains tendues entre un enfant - un être humain en voie d'achèvement? - et un être issu d'un brouillard céleste. Une image qui fait office d'auto-citation (E.T.) autant que de référence picturale (Michelangelo) et dans laquelle il est difficile de ne pas voir une allusion religieuse, comme une nécessaire re-création du monde. J'avoue que de ce genre de référence, je me passerais volontiers.
Ernest Gaines, Mozart est un joueur de blues
- Zut j'aurais dû t'en parler hier.
- De quoi ?
- Du livre d'Ernest Gaines, Mozart est un joueur de blues.
- Et ça parle de musique ?
- Pas vraiment ! Mais ça parle de ce que c'est d'être noir en Louisiane, le sujet de tous les livres de Gaines publiés depuis une dizaine d'années par les Editions Liana Levi. Pas un roman mais 5 nouvelles, une préface et une postface. C'est la préface qui porte le titre Mozart est un joueur de blues. Gaines y explique comment, après être parti en Californie, il est revenu en Louisiane et a compris alors pourquoi il devait devenir écrivain : "si Mozart et Haydn apaisent mon esprit [...] ni l'un ni l'autre ne peut me parler de la Grande Crue de 1927 comme Bessie Smith et Big Bill Bronzy. Et aucun ne peut décrire comme Leadbelly la prison de l'Etat de Louisiane à Angola, ni aucun me dire comme Lightning'Hopkins ce que ça signifie d'être libéré sous caution et placé dans une plantation pour y faire son temps." Il s'est depuis appliqué à faire en littérature ce que les chanteurs de blues ont fait en musique. Il ne chante pas, il ne joue pas de la guitare; c'est par l'écriture qu'il exprime l'âme de son peuple.
- Ouais, je suis pas sûr d'avoir tout compris, . mais je sais que tu es une fan absolue de ce Gaines. Et ... Mozart est un jour de blues, c'est vraiment un bon titre !
- De quoi ?
- Du livre d'Ernest Gaines, Mozart est un joueur de blues.
- Et ça parle de musique ?
- Pas vraiment ! Mais ça parle de ce que c'est d'être noir en Louisiane, le sujet de tous les livres de Gaines publiés depuis une dizaine d'années par les Editions Liana Levi. Pas un roman mais 5 nouvelles, une préface et une postface. C'est la préface qui porte le titre Mozart est un joueur de blues. Gaines y explique comment, après être parti en Californie, il est revenu en Louisiane et a compris alors pourquoi il devait devenir écrivain : "si Mozart et Haydn apaisent mon esprit [...] ni l'un ni l'autre ne peut me parler de la Grande Crue de 1927 comme Bessie Smith et Big Bill Bronzy. Et aucun ne peut décrire comme Leadbelly la prison de l'Etat de Louisiane à Angola, ni aucun me dire comme Lightning'Hopkins ce que ça signifie d'être libéré sous caution et placé dans une plantation pour y faire son temps." Il s'est depuis appliqué à faire en littérature ce que les chanteurs de blues ont fait en musique. Il ne chante pas, il ne joue pas de la guitare; c'est par l'écriture qu'il exprime l'âme de son peuple.
- Ouais, je suis pas sûr d'avoir tout compris, . mais je sais que tu es une fan absolue de ce Gaines. Et ... Mozart est un jour de blues, c'est vraiment un bon titre !
18 avril 2018
Nola : Un peu de musique quand même (suite) !
- Ah ! Enfin !
- Quelques notes écoutées au hasard, pas beaucoup plus, car l'abondance des clubs, des bars et des restaurants où se produisent les musiciens est telle qu'il est vraiment difficile de s'y retrouver, à moins bien sûr d'être un initié et de vivre depuis plusieurs années à la Nouvelle Orléans.
- Ce qui sans doute ne te déplairait pas...
- Au moins quelques mois, ce qui m'aurait permis de retourner chez Mulate's qui fait plutôt dans la cuisine cajun et la musique zydecco.
- Encore un autre histoire ?
- Sans doute mais pas maintenant. Plus tard peut-être.
- Bizarre quand même, les musiciens sur tes photos, ils sont presque tous blancs.
- Et alors ?
- Ben j'croyais ... enfin l'histoire du jazz, c'est plutôt une histoire noire.
- L'histoire en effet. Mais quelle est la couleur de la musique ? Tiens si tu veux en savoir plus, j'ai un bon livre à te conseiller : Le Peuple du blues. Il date de 1963...
- ... pas franchement récent !
- ... mais l'analyse que fait LeRoi Jones est intéressante. En fait c'est plus une histoire du peuple qu'une histoire du blues parce qu'il utilise la musique pour montrer l'évolution de la société noire depuis l'installation de l'esclavage jusqu'aux années 60. C'est parfois un peu difficile à suivre parce qu'il y a beaucoup de références, mais c'est un livre capital pour comprendre quelle a été la place des Noirs dans l'histoire de l'Amérique.Une histoire vue de l'intérieur en quelque sorte.
17 avril 2018
Nola : Un peu de musique quand même !
- Ah! Quand même ! Tu te décides...
- Juste pour avoir la paix. Parce que la musique, il vaut mieux l'écouter qu'en parler, non ? Et franchement, à la Nouvelle Orléans, si t'es pas un expert, t'es perdu. Trop de musiciens, trop de clubs, trop d'orchestres, de fanfares...
- Et toi bien sûr .... Cause perdue ! Même pas la peine ...
- Et bien détrompe-toi ! Je t'ai trouvé une photo de Lionel Batiste, le percussionniste et batteur du Treme Brass Band ! Il est mort en 2012, mais comme il ne voulait pas que les gens le regardent "de haut" quand il serait dans son cercueil, il a exigé d'être présenté débout à ses funérailles.
- Beurk. Macabre ton histoire. T'as pas mieux ?
- Une messe gospel dans l'église St Augustine ?
- Déjà mieux !
- Oui mais il faut se plier à tous leurs trucs, debout, assis, à genoux... L'église en tout cas est intéressante, parce que c'est la plus vieille de Treme et qu'elle a, dès le départ, été une église intégrée.
- Intégrée ?
- Noirs libres, Créoles, Blancs et même esclaves tous admis dans la même enceinte. L'église a failli être abandonnée après Katrina, mais les paroissiens se sont mobilisée pour la garder. Un monument "à l'esclave inconnu" a même été installé en 2012 à l'extérieur du bâtiment en souvenir de tous ceux qui n'ont jamais eu de tombe.
- Une croix ... Franchement pas terrible.
- Regarde mieux !
- Dis donc, ton billet sur la musique, il devient franchement sinistre.
- Lugubre oui. Bien que là-bas, la mort soit envisagée d'une façon très particulière, carnavalesque et pas du tout lugubre. Va voir sur Youtube les "jazz funerals" et les "second lines". Un enterrement ? Juste un prétexte de plus pour jouer de la musique, danser et boire de la bière !
- Exactement ce qu'on fait dans les bars, non ?
- Exactement ! Mais on verra ça demain.
- Juste pour avoir la paix. Parce que la musique, il vaut mieux l'écouter qu'en parler, non ? Et franchement, à la Nouvelle Orléans, si t'es pas un expert, t'es perdu. Trop de musiciens, trop de clubs, trop d'orchestres, de fanfares...
- Et toi bien sûr .... Cause perdue ! Même pas la peine ...
- Et bien détrompe-toi ! Je t'ai trouvé une photo de Lionel Batiste, le percussionniste et batteur du Treme Brass Band ! Il est mort en 2012, mais comme il ne voulait pas que les gens le regardent "de haut" quand il serait dans son cercueil, il a exigé d'être présenté débout à ses funérailles.
- Beurk. Macabre ton histoire. T'as pas mieux ?
- Une messe gospel dans l'église St Augustine ?
- Déjà mieux !
- Oui mais il faut se plier à tous leurs trucs, debout, assis, à genoux... L'église en tout cas est intéressante, parce que c'est la plus vieille de Treme et qu'elle a, dès le départ, été une église intégrée.
- Intégrée ?
- Noirs libres, Créoles, Blancs et même esclaves tous admis dans la même enceinte. L'église a failli être abandonnée après Katrina, mais les paroissiens se sont mobilisée pour la garder. Un monument "à l'esclave inconnu" a même été installé en 2012 à l'extérieur du bâtiment en souvenir de tous ceux qui n'ont jamais eu de tombe.
- Une croix ... Franchement pas terrible.
- Regarde mieux !
- Dis donc, ton billet sur la musique, il devient franchement sinistre.
- Lugubre oui. Bien que là-bas, la mort soit envisagée d'une façon très particulière, carnavalesque et pas du tout lugubre. Va voir sur Youtube les "jazz funerals" et les "second lines". Un enterrement ? Juste un prétexte de plus pour jouer de la musique, danser et boire de la bière !
- Exactement ce qu'on fait dans les bars, non ?
- Exactement ! Mais on verra ça demain.
16 avril 2018
Nola : 9th Ward
- Et là tu fais quoi ? Des photos pour l'office du tourisme de la Nouvelle Orléans ?Tu crois pas que t'exagères un peu ?
- Et toi, tout de suite prêt à râler ! La carte postale tu veux bien, mais la réalité ? Franchement, ça ne te serre pas le coeur quand tu vois des maisons dans cet état ?
- Ouais, un peu. Mais c'est sûr que les maisons de bois, si on fait pas gaffe, ça moisit vite avec l'humidité.
- Et quand il ne reste rien de rien sauf un peu de béton...
- Oh, ça va, j'essayais juste de faire semblant. Parce que je sais très bien ce qui s'est passé ici en 2005.
- En effet, c'est facile à comprendre. Derrière le mur, il y a un canal qui fait la jonction entre le lac Pontchartrain et le Mississippi. Une brèche dans le mur et c'en est fini pour les maisons en contre-bas.
- "3400 familles dont 50% étaient propriétaires de leurs logement". C'est bien ce qu'il y a marqué sur le panneau ?
- Oui. Et la plupart de ces maisons ? Disparues, "washed away" en quelques minutes. Tu as beau savoir, sur place le souvenir de ce qui s'est passé est encore plus poignant.
-Tu m'étonnes !
- Mais ce que je voulais voir, c'est l'état du quartier 13 ans plus tard. Et je n'ai pas été déçue. Parce qu'en dehors des traces laissées par Katrina, il y a les efforts faits pour reconstruire. Le quartier des musiciens, de l'autre côté du canal par exemple et les efforts de la fondation Make it right, dirigée et financée par Brad Pitt. L'idée étant d'essayer de maintenir sur place la population si durement touchée.
- Et ça marche ?
- A vrai dire, je n'en sais rien parce qu'il faudrait pouvoir accéder aux bilans s'ils ont été effectués. Mais je trouve le projet intéressant. Soit construire sur place une centaine de maison, qui répondraient à des critères précis : pilotis pour parer d'éventuelles inondations, matériaux recyclables, panneaux solaires, bref des maisons écologiques ET économiques pour qu'elles restent accessibles à la population d'origine (afro-américaine pauvre).
- L'est pas un peu utopique le projet ? Genre Bisounours.
- Evidemment il a ses détracteurs ! Toujours est-il qu'une centaine (?) de maisons ont été construites, qu'il a été fait appel à des architectes de renom et que les futurs habitants ont eu leur mot à dire. Du coup cela donne des maisons modernes, avec un petit quelque chose en plus genre "couleur locale", comme les couleurs pastel et les porches, si utiles pour observer ce qui se passe et entamer la conversation avec un voisin.
- Ouais, plutôt sympa.
- Je reconnais que pour le moment c'est un habitat un peu clairsemé, essentiellement résidentiel... Mais ça ne fait qu'une dizaine d'années que le projet a démarré.
-T'as qu'à y retourner dans 10 ans !
-10 ans ! ça fait long !
15 avril 2018
Nola : la couleur des quartiers
Juste pour le fun !
- Alors, tu les trouves comment ces maisons ?
- Plutôt funky !
- Oui, pas grand chose à voir avec les balcons de fer forgé du Quartier Français ! Moi, ce qui me réjouis, c'est l'extraordinaire variété de ces maisons. Mais ce qui m'inquiète c'est l'effet AirBnB !
Des maisons, restaurées, séduisantes, et des habitants "de passage", pas de vrais voisins et donc, pas de vie de quartier ! Tu achètes une maisons qui a survécu à Katrina mais a été bien amochée, tu la restaures avec des couleurs pimpantes et hop tu la mets sur le site. La meilleure façon de tuer une ville.
- T'exagères pas un peu, là ?
- D'accord, je corrige : la meilleure façon de tuer un quartier.
- Et tu te crois drôle !
13 avril 2018
Nola : Treme, Baywater, Algier's Point
- Tu veux voir quoi, au fait, des clichés, une ville de carte postale ? Non La Nouvelle Orléans est une ville bien vivante, qui bouge, qui se transforme parce que la population a changé depuis 2005 et qu'elle continue de changer.
- Tu veux dire après Katrina ?
- Oui. Et après Treme aussi peut-être...
- Treme, la série de David Simon ? T'exagère pas un peu ?
- Peut-être... Après tout, je ne suis ni urbaniste, ni sociologue, je fonctionne juste à l'intuition...
- Au feeling !
- Regarde, sur la carte de la Nouvelle Orléans, à l'Ouest du French Distric...
- Le quartier français !
- ... tu trouves Iberville (l'ancien quartier rouge) et, au Nord. le Faubourg Treme.
- Quartier rouge ?
- Alcool et prostitution ! Le quartier s'appelait alors Storyville. Et Treme, juste à côté, est considéré comme le lieu de naissance du jazz, parce que le dimanche, les "personnes de couleur libres" - majoritaires dans le quartier - et les esclaves se retrouvaient sur Congo Square pour faire de la musique et danser. Depuis le parc, devenu Louis Amstrong Park, a été agrandi, des sculptures y ont été installées, comme celle de Buddy Bolden ...
- Buddy Bolden ? le trompettiste qui a fini schizo dans un hôpital de Jackson ? Génial le mec ! Tu te rends compte ? C'est carrément lui qui a inventé le jazz !
- .... et deux auditoriums ont été construits, tous les deux gravement endommagés par Katrina, mais pour le moment un seul a été restauré.
- Décidément, en musique t'es vraiment nulle !
... Bon, si t'es nulle en musique dis moi au moins à quoi ressemble le quartier. Il est comment ?
- Et bien justement, il y a quelques années je n'y aurais pas mis les pieds. Mais désormais, à cause de la série, Treme fait partie des circuits touristiques.
- L'effet TV !
- Et le début de la gentrification, avec ses avantages et ses inconvénients. Ce qui se passe à Treme, c'est ce qui s'est passé ou se passe encore dans le Faubourg Marigny, Baywater ou même Algier's Point de l'autre côté du Mississippi.
D'une façon générale, les couleurs vives, les peintures fraiches indiquent la reprise après Katrina, de maisons souvent modestes, par une population plus aisée que la précédente, plus jeune et souvent plus blanche.
- Aie !
- Aie en effet ! Et les démographes chargés d'étudier l'évolution de la population de la Nouvelle Orléans auront certainement beaucoup à dire.
En attendant, cela fait de jolies rues colorées, bien différentes de ce que tu vois dans les quartiers traditionnellement chics, comme Garden District ou bien encore le long d'Esplanade Avenue.
- Et c'est quoi la différence ?
- Dans les beaux quartiers, les maisons sont pour la plupart inscrites sur le registres des bâtiments historiques, et soumises à des codes couleurs beaucoup plus restreints, beaucoup plus sobres. Du blanc, du beige, du gris clair...
- Du chic plutôt que du "shabby chic" !
- Je dirai plutôt ... l'ancien Sud et le nouveau Sud.
11 avril 2018
Nola
- Alors ce voyage aux Etats-Unis, tu continues?
- Oui, oui, mais tu sais je n'ai pas que ça à faire...
- Je sais : le cinéma, les livres...
- Les photos...
- OK, on a compris, mais tu perds du temps là. On y va ? Tu étais dans le Mississippi...
- Le Sud du Mississippi, celui justement que décrit Michael Farris Smith.
- Ah oui, le bouquin dont tu as parlé l'autre jour : Nulle part sur la terre. Mais toi, t'as bien été quelque part, après le Mississippi ?
- A Nola.
- Nola ?
- Oui, la Nouvelle Orléans. C'est son surnom
- Ah ... la Nouvelle Orléans, le jazz, le quartier français, Bourbon street... 🎶
- Mais non ! ou plutôt oui, bien sûr, mais pas seulement !
- 🎷🎶🎺
- Tu sais, il m'a fallu pas mal de temps (et plusieurs voyages) pour apprendre à aimer cette ville. En fait, j'ai commencé à l'aimer quand j'ai compris que Nola n'est pas "une" ville, mais un assemblage de quartiers tous différent avec pourtant un petit quelque chose en commun.
- Same, same but different, c'est ça ?
- Regarde ...
- Ben, c'est pas tout à fait comme ça que je l'imaginais.
- Pourtant la Nouvelle Orélans est bien située à l'embouchure du Mississippi, avec un grand port de commerce, des gratte-ciel, et des berges en voie d'aménagement. On est bien à la Nouvelle Orléans.
- Et il fait plutôt gris !
- Et ça, ce sont les immeubles du CBD.
- Du.. C...B...D ...?
- Central Business District. D'accord, les rues sont un peu vides le soir, mais les palmiers, ça fait un peu Sud quand même. Et puis j'aime bien le vieil immeuble de briques, très XIXe, qui a l'air de se pelotonner à l'abri du grand building tout en verre et en reflets.
- Oui, oui, mais tu sais je n'ai pas que ça à faire...
- Je sais : le cinéma, les livres...
- Les photos...
- OK, on a compris, mais tu perds du temps là. On y va ? Tu étais dans le Mississippi...
- Le Sud du Mississippi, celui justement que décrit Michael Farris Smith.
- Ah oui, le bouquin dont tu as parlé l'autre jour : Nulle part sur la terre. Mais toi, t'as bien été quelque part, après le Mississippi ?
- A Nola.
- Nola ?
- Oui, la Nouvelle Orléans. C'est son surnom
- Ah ... la Nouvelle Orléans, le jazz, le quartier français, Bourbon street... 🎶
- Mais non ! ou plutôt oui, bien sûr, mais pas seulement !
- 🎷🎶🎺
- Tu sais, il m'a fallu pas mal de temps (et plusieurs voyages) pour apprendre à aimer cette ville. En fait, j'ai commencé à l'aimer quand j'ai compris que Nola n'est pas "une" ville, mais un assemblage de quartiers tous différent avec pourtant un petit quelque chose en commun.
- Same, same but different, c'est ça ?
- Regarde ...
- Ben, c'est pas tout à fait comme ça que je l'imaginais.
- Pourtant la Nouvelle Orélans est bien située à l'embouchure du Mississippi, avec un grand port de commerce, des gratte-ciel, et des berges en voie d'aménagement. On est bien à la Nouvelle Orléans.
- Et il fait plutôt gris !
- Et ça, ce sont les immeubles du CBD.
- Central Business District. D'accord, les rues sont un peu vides le soir, mais les palmiers, ça fait un peu Sud quand même. Et puis j'aime bien le vieil immeuble de briques, très XIXe, qui a l'air de se pelotonner à l'abri du grand building tout en verre et en reflets.
- Mmmouais. Déjà vu non ? Boston, Chicago... T'as pas mieux à me montrer ?
- Les musées au bout de la rue ? Parce qu'il y en a 3 qui se font face. Le Civil War Museum, le musée Ogden, consacré à l'art sudiste et ... le WWII Museum, le musée de la deuxième guerre mondiale !
- Plutôt mastoc le musée ! C'est qui l'architecte ? Parce que ça tient un peu du blockhaus ce bâtiment !
- Bartholomew Voorsanger. C'est vrai que le bâtiment est énorme et il y en a un deuxième aussi monumental de l'autre côté de la rue. Mais imagine la taille des véhicules à faire entrer dans le musée ? En particulier les LCV...
- Encore des sigles. T'es casse-pied aujourd'hui
- Landing craft vehicules, les Higgins Boat, les péniches de débarquement fabriquées pendant la guerre à la Nouvelle-Orléans...
- Ah c'est pour ça !
- "Si les Ricains n'étaient pas là.."
- Ah non, pas Sardou ! Mais ... la musique, le jazz tout ça ?
- Un autre jour, tu veux bien ?
10 avril 2018
Michael Farris Smith, Nulle part sur la terre
Deux êtres abîmés par la vie qui n'ont nulle part où aller si ce n'est la petite ville où ils ont grandi.
" C'était l'un de ces petites bourgades pittoresque du Sud qui auraient pu servir ou avaient peut-être déjà servi de décor de cinéma. De grandes maisons victoriennes. Des magnolias majestueux. Des réverbères fin de siècle. Des églises dont la flèche transperçait les nuages. Il passa devant un alignement de bicoques étroites. Une bleue, puis une jaune, puis une rose, puis une blanche. "
Une ville comme une carte postale, mais qui ne leur a pas porté chance ni à l'un, ni à l'autre.
Elle a connu le pire, en allant d'hommes en hommes; elle ne tient debout que parce qu'elle a une petite fille de 6 ans. Lui vient de passer 11 ans en prison, mais s'il a purgé sa peine, certains n'ont pas oublié et pensent que ce n'est pas assez.
Le roman de Michael Farris Smith est un roman ancré dans un territoire, le sud du Mississippi, autant que dans un milieu social. Il décrit ainsi, sans misérabilisme mais avec précision la vie de gens ordinaires dans une ville ordinaire, tout en ménageant suspens et rebondissements comme dans un polar. Mais ses personnages sont des êtres incarnés auxquels on s'attache rapidement, car s'ils ont commis et continuent de commettre des erreurs c'est surtout la vie, qui ne leur a pas été favorable. Maben et Russel, inévitablement vont se rencontrer, mais comment deux êtres aussi marqués peuvent-ils s'apprivoiser?
"Dans les marais du sud du Mississippi on peut regarder le monde s'éveiller quand les rayons d'or pâle du soleil s'immiscent entre les arbres et la mousse et les grues aux larges ailes. Les libellules bourdonnent et les ratons laveurs sortent de leur tanière et crapahutent le long des troncs d'arbres effondrés. Les tortues vont se percher sur les souches qu'inondent bientôt la chaleur du jour et mille autres créatures cachées frétillent sous les eaux noires, armées d'une patience et d'une agilité meurtrière. Des branchages accablés par le temps, incapables de soutenir leur propre masse, ploient et se brisent tels des vieillards se résignant à rejoindre leur tombeaux marécageux. Les reptiles ondoient et les merles criaillent dans le paysages zébré par la lumière de l'aube venue prendre la relève de la nuit profonde et paisible. "
Chez Michael Farris Smith, les descriptions sont d'autant plus évocatrices qu'elles sont aussi métaphoriques : l'ambiguïté de la nature, à la fois paisible et meurtrière, sombre et ensoleillée est aussi celle de l'humanité.
" C'était l'un de ces petites bourgades pittoresque du Sud qui auraient pu servir ou avaient peut-être déjà servi de décor de cinéma. De grandes maisons victoriennes. Des magnolias majestueux. Des réverbères fin de siècle. Des églises dont la flèche transperçait les nuages. Il passa devant un alignement de bicoques étroites. Une bleue, puis une jaune, puis une rose, puis une blanche. "
Une ville comme une carte postale, mais qui ne leur a pas porté chance ni à l'un, ni à l'autre.
Elle a connu le pire, en allant d'hommes en hommes; elle ne tient debout que parce qu'elle a une petite fille de 6 ans. Lui vient de passer 11 ans en prison, mais s'il a purgé sa peine, certains n'ont pas oublié et pensent que ce n'est pas assez.
Le roman de Michael Farris Smith est un roman ancré dans un territoire, le sud du Mississippi, autant que dans un milieu social. Il décrit ainsi, sans misérabilisme mais avec précision la vie de gens ordinaires dans une ville ordinaire, tout en ménageant suspens et rebondissements comme dans un polar. Mais ses personnages sont des êtres incarnés auxquels on s'attache rapidement, car s'ils ont commis et continuent de commettre des erreurs c'est surtout la vie, qui ne leur a pas été favorable. Maben et Russel, inévitablement vont se rencontrer, mais comment deux êtres aussi marqués peuvent-ils s'apprivoiser?
"Dans les marais du sud du Mississippi on peut regarder le monde s'éveiller quand les rayons d'or pâle du soleil s'immiscent entre les arbres et la mousse et les grues aux larges ailes. Les libellules bourdonnent et les ratons laveurs sortent de leur tanière et crapahutent le long des troncs d'arbres effondrés. Les tortues vont se percher sur les souches qu'inondent bientôt la chaleur du jour et mille autres créatures cachées frétillent sous les eaux noires, armées d'une patience et d'une agilité meurtrière. Des branchages accablés par le temps, incapables de soutenir leur propre masse, ploient et se brisent tels des vieillards se résignant à rejoindre leur tombeaux marécageux. Les reptiles ondoient et les merles criaillent dans le paysages zébré par la lumière de l'aube venue prendre la relève de la nuit profonde et paisible. "
Chez Michael Farris Smith, les descriptions sont d'autant plus évocatrices qu'elles sont aussi métaphoriques : l'ambiguïté de la nature, à la fois paisible et meurtrière, sombre et ensoleillée est aussi celle de l'humanité.
09 avril 2018
Ojoloco 2018 : Sergio et Sergueï
Comment font les Cubains pour garder leur sens de l'humour alors que leur monde s'écroule ? C'est sans doute un des secrets de ce film dont le côté bricolo fait parfois penser aux films de Méliès !
Sergio et Sergeï n'a certainement pas bénéficié d'un budget hollywoodien. Et les "effets spéciaux" n'ont rien à voir avec ceux de .... Spielberg.
Mais côté vérité humaine, cette pochade se pose vraiment là. Car il s'agit de rien moins que de la chute de l'URSS et de la période dite "spéciale" qui a marqué pour Cuba la fin du support économique apportée par le grand frère communiste. Sergio, qui enseigne le marxisme à l'université de la Havane est le premier témoin de l'échec de cette idéologie, et d'un système politique qui se soucie de son fonctionnement (dysfonctionement plutôt) au détriment de êtres humains dont il est pourtant supposé assurer la survie. Ne parlons même pas du bonheur !
Cette fable, traitée comme une farce sur fond d'amertume montre que les individus en dehors de tout système politique ont suffisamment de ressources en eux pour tendre la main vers leurs semblables. Et ramener sur terre un cosmonaute oublié dans l'espace.
Sergio et Sergeï n'a certainement pas bénéficié d'un budget hollywoodien. Et les "effets spéciaux" n'ont rien à voir avec ceux de .... Spielberg.
Mais côté vérité humaine, cette pochade se pose vraiment là. Car il s'agit de rien moins que de la chute de l'URSS et de la période dite "spéciale" qui a marqué pour Cuba la fin du support économique apportée par le grand frère communiste. Sergio, qui enseigne le marxisme à l'université de la Havane est le premier témoin de l'échec de cette idéologie, et d'un système politique qui se soucie de son fonctionnement (dysfonctionement plutôt) au détriment de êtres humains dont il est pourtant supposé assurer la survie. Ne parlons même pas du bonheur !
Cette fable, traitée comme une farce sur fond d'amertume montre que les individus en dehors de tout système politique ont suffisamment de ressources en eux pour tendre la main vers leurs semblables. Et ramener sur terre un cosmonaute oublié dans l'espace.
08 avril 2018
Ojoloco 2018 : Arabia, El Autor, Les Filles d'Avril
Un festival de cinéma, c'est l'occasion de découvrir toutes sortes de films, y compris des films pas totalement réussis comme Arabia, de Jao Dumans, qui voulait évoquer, à travers un personnage, la vie économique et sociale du Brésil, mais qui lasse le spectateur avec un scénario mal ficelé et inutilement compliqué.
Comme El Autor, de Manuel Martin Cuenca, qui met en scène un personnage d'écrivain manipulateur emprunté à Javier Cercas et se moque au passage des ateliers d'écriture et des master class dont se gavent les apprentis écrivains : un sujet sans doute plus littéraire que cinématografique.
Mais un festival comme Ojoloco, c'est aussi l'occasion de voir des films manqués au moment de leur sortie comme Les Filles d'Avril de Michel Franco. Un film sur les relations mère-filles, toujours compliquées, mais ici particulièrement tordues, parce qu'Avril est une mère abusive qui sous prétexte d'aider sa fille de 17 ans, finit par se substituer complètement à elle. Le film est enlevé, enjoué même grâce au talent virevoltant de l'actrice principale, Emma Suarez.
Comme El Autor, de Manuel Martin Cuenca, qui met en scène un personnage d'écrivain manipulateur emprunté à Javier Cercas et se moque au passage des ateliers d'écriture et des master class dont se gavent les apprentis écrivains : un sujet sans doute plus littéraire que cinématografique.
Mais un festival comme Ojoloco, c'est aussi l'occasion de voir des films manqués au moment de leur sortie comme Les Filles d'Avril de Michel Franco. Un film sur les relations mère-filles, toujours compliquées, mais ici particulièrement tordues, parce qu'Avril est une mère abusive qui sous prétexte d'aider sa fille de 17 ans, finit par se substituer complètement à elle. Le film est enlevé, enjoué même grâce au talent virevoltant de l'actrice principale, Emma Suarez.
07 avril 2018
Ojoloco 2018 : Matar a Jesus
Pas vraiment convaincue par ce Matar a Jesus, premier long métrage de Laura Mora Ortega. Sans doute parce que la confrontation entre Paula, une jeune étudiante, issue de la bonne bourgeoisie de Medellin et le petit voyou qui a assassiné son père m'a paru de bout en bout hautement improbable. En tout cas peu réaliste.
On perçoit les intentions du film, la volonté de s'interroger sur la complexité des sentiments de Paula, coincée entre la volonté de venger son père et l'empathie qu'elle finit par érpouver pour le jeune voyou. Quelque chose comme le syndrome de Stockholm ? La démonstration en tout cas m'a paru un peu laborieuse et le film assez ennuyeux.
On perçoit les intentions du film, la volonté de s'interroger sur la complexité des sentiments de Paula, coincée entre la volonté de venger son père et l'empathie qu'elle finit par érpouver pour le jeune voyou. Quelque chose comme le syndrome de Stockholm ? La démonstration en tout cas m'a paru un peu laborieuse et le film assez ennuyeux.
05 avril 2018
Ojoloco 2018 : Ultimos Dias en la Habana
Ah, le cinéma cubain... Je ne sais pas comment ils se débrouillent, mais les films qui arrivent jusqu'à nous sont presque toujours bons. C'est encore le cas de Ultimos dias en la Habana, de Fernando Perez .
C'est pourtant un film désespéré et désespérant car les derniers jours sont ceux de Diego, malade du sida, qui vit reclus dans sa chambre. Miguel, son vieil ami d'enfance, aussi taiseux et renfrogné que Diego est extraverti et fantasque, partage l'appartement et veille sur lui avec une tendresse bourrue. Autour de ces deux personnages centraux, une cohorte de silhouettes, un amoncellement de petits faits, de rencontres qui mettent en scène le Cuba d'aujourd'hui, plus déglingué que jamais : pénurie de tout, débrouille sur tous les fronts, rien à voir avec la Havane des catalogues touristiques. Mais il y a quelques chose dans ce film qui marque profondément, peut-être cette relation entre deux personnes adultes, cette inaliénable affection que rien - dans le film tout du moins - n'explique. Ou alors ... "parce que c'était lui, parce que c'était moi."
C'est pourtant un film désespéré et désespérant car les derniers jours sont ceux de Diego, malade du sida, qui vit reclus dans sa chambre. Miguel, son vieil ami d'enfance, aussi taiseux et renfrogné que Diego est extraverti et fantasque, partage l'appartement et veille sur lui avec une tendresse bourrue. Autour de ces deux personnages centraux, une cohorte de silhouettes, un amoncellement de petits faits, de rencontres qui mettent en scène le Cuba d'aujourd'hui, plus déglingué que jamais : pénurie de tout, débrouille sur tous les fronts, rien à voir avec la Havane des catalogues touristiques. Mais il y a quelques chose dans ce film qui marque profondément, peut-être cette relation entre deux personnes adultes, cette inaliénable affection que rien - dans le film tout du moins - n'explique. Ou alors ... "parce que c'était lui, parce que c'était moi."
04 avril 2018
Ojoloco 2018 : Cabros De Mierda
J'ai hélas manqué les premiers jours du festival Ojoloco, dont les premiers films vus m'ont un peu déçue :
El vendedor de Orquideas, un docu-biopic sur Oswaldo Vigas, un peintre vénézuelien. Le film est réalisé par son propre fils d'où le ton légèrement hagiographique.
Nadie, un documentaire-témoignage un peu bavard et inutilement compliqué sur les désillusions de la révolution cubaine.
Princesita, un film de fiction dont le principal intérêt est de montrer le fonctionnement d'une secte et le pouvoir de l'adulte-guru sur une adolescente.
Et puis, enfin, un bon film : Cabros de Mierda du réalisateur chilien Gonzalo Justiniano. Un film de plus sur la dictature, mais qui prend le parti de montrer la vie au jour le jour de ceux qui résistent. Le scénario tourne autour de Gladys, une jeune femme aussi jolie que drôle et délurée, qui tout en agissant dans la clandestinité, gère le quotidien de la petite tribu réfugiée dans sa maison. Mais en choisissant de faire vivre ces personnages sous le regard d'un jeune missionnaire américain venu apporter la bonne parole aux Chiliens, le cinéaste parvient à garder une distance ironique tout en rappelant la part prise par les Etats-Unis dans l'installation et le maintien de la dictature au Chili.
Un bon film assurément intelligent, drôle, émouvant !
El vendedor de Orquideas, un docu-biopic sur Oswaldo Vigas, un peintre vénézuelien. Le film est réalisé par son propre fils d'où le ton légèrement hagiographique.
Nadie, un documentaire-témoignage un peu bavard et inutilement compliqué sur les désillusions de la révolution cubaine.
Princesita, un film de fiction dont le principal intérêt est de montrer le fonctionnement d'une secte et le pouvoir de l'adulte-guru sur une adolescente.
Et puis, enfin, un bon film : Cabros de Mierda du réalisateur chilien Gonzalo Justiniano. Un film de plus sur la dictature, mais qui prend le parti de montrer la vie au jour le jour de ceux qui résistent. Le scénario tourne autour de Gladys, une jeune femme aussi jolie que drôle et délurée, qui tout en agissant dans la clandestinité, gère le quotidien de la petite tribu réfugiée dans sa maison. Mais en choisissant de faire vivre ces personnages sous le regard d'un jeune missionnaire américain venu apporter la bonne parole aux Chiliens, le cinéaste parvient à garder une distance ironique tout en rappelant la part prise par les Etats-Unis dans l'installation et le maintien de la dictature au Chili.
Un bon film assurément intelligent, drôle, émouvant !
03 avril 2018
The Rider
S'il y a un film à voir cette semaine, c'est bien celui de Chloé Zhao, The Rider. Un film qui ne vous surprendra pas si vous avez déjà vu - et aimé - son premier film, Les Chansons que mes frères m'ont apprises. Parce que dans les deux films, la réalisatrice, née à Pékin mais éduquée en grande partie aux Etats-Unis, s'intéresse à l'Amérique, mais une Amérique qui n'est pas celle des grands sites touristiques, qu'ils soient naturels ou urbains. Non, l'Amérique qui l'intéresse c'est celle des démunis, comme ceux qui vivent sur la réserve indienne de Pine Ridge dans le Dakota du Sud.
Dans son premier film, elle s'intéressait surtout aux "native americans", là c'est aux cow-boys, blancs pour la plupart mais tout aussi démunis, qu'elle s'intéresse. Elle suit en particulier un jeune homme, Brady, qu'un coup de sabot vient de blesser à la tête et qui doit apprendre à renoncer à ses rêves.
On peut se contenter de voir dans ce film un documentaire sur le monde très particulier du rodéo, ses rituels, ses héros, ses dangers. Mais il est beaucoup question aussi d'apprentissage, dresser un cheval, maîtriser son corps, sa peur... Il faut surtout apprendre à faire la part de la réalité, aussi cruelle soit-elle. A l'accepter pour simplement continuer à vivre.
Emouvant souvent, et même poignant, le film évite toutefois le mélo parce que la caméra filme les personnages au plus près, scrute les visages sans abuser des dialogues. Dans ce milieu du rodéo, on parle peu, mais on partage les mêmes rêves et les mêmes difficultés. Alors il suffit souvent d'un regard pour se comprendre.
Chloé Zhao est une réalisatrice à part, très respectueuse des gens dont elle croise le chemin, dont elle fait les personnages de ses films et qu'elle prend toujours soin de cadrer dans leur environnement habituel : en l'occurrence, les grands espaces des Badlands ainsi nommés parce qu'incultivables mais tellement beaux.
Dans son premier film, elle s'intéressait surtout aux "native americans", là c'est aux cow-boys, blancs pour la plupart mais tout aussi démunis, qu'elle s'intéresse. Elle suit en particulier un jeune homme, Brady, qu'un coup de sabot vient de blesser à la tête et qui doit apprendre à renoncer à ses rêves.
On peut se contenter de voir dans ce film un documentaire sur le monde très particulier du rodéo, ses rituels, ses héros, ses dangers. Mais il est beaucoup question aussi d'apprentissage, dresser un cheval, maîtriser son corps, sa peur... Il faut surtout apprendre à faire la part de la réalité, aussi cruelle soit-elle. A l'accepter pour simplement continuer à vivre.
Emouvant souvent, et même poignant, le film évite toutefois le mélo parce que la caméra filme les personnages au plus près, scrute les visages sans abuser des dialogues. Dans ce milieu du rodéo, on parle peu, mais on partage les mêmes rêves et les mêmes difficultés. Alors il suffit souvent d'un regard pour se comprendre.
Chloé Zhao est une réalisatrice à part, très respectueuse des gens dont elle croise le chemin, dont elle fait les personnages de ses films et qu'elle prend toujours soin de cadrer dans leur environnement habituel : en l'occurrence, les grands espaces des Badlands ainsi nommés parce qu'incultivables mais tellement beaux.
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