27 avril 2023

Stefanie vor Schulte, Garçon au coq noir


 Ce livre appartient incontestablement à l'univers des contes. Mais il n'est pas besoin de tout connaître de cet univers, ni même d'être un spécialiste de la littérature allemande pour l'apprécier : il suffit de se laisser emporter dans cet univers imaginaire, sans souci de réalisme bien que ... après tout, des pays de misère, des pays où les enfants sont maltraités, des peuples dont le pouvoir abuse, cela existe... et c'est sans doute la raison pour laquelle l'histoire de Martin n'est pas vraiment située dans le temps ni dans un lieu spécifique. La misère et la tyrannie  ne sont elles pas universelles ?

Stefanie vor Schulte construit son roman autour de Martin, seul rescapé d'une famille de 6 enfants, qui armé de son seul courage, et aidé par les conseils avisés de son coq noir, se lance à la poursuite du cavalier qui vient d'enlever sous ses yeux, une petite fille... Début plutôt insolite pour un roman,  mais très vite on s'attache à cet enfant, au peintre qui l'accompagne pendant un temps; on craint pour sa vie, on se réjouit de ses victoires. Et de péripéties en péripéties c'est une leçon de vie que l'on retient : courage et générosité valent mieux que lâcheté et cruauté. Oui, ce roman appartient définitivement à l'univers des contes. Et c'est très bien comme cela ! 

Et si vraiment vous êtes allergiques à l'univers des contes, il suffit de vous dire qu'il s'agit d'un roman de formation, un genre romanesque particulièrement fécond dans la littérature allemande. Et ces romans disent tous la même chose; il disent que c'est en partant de chez soi, en s'éloignant sur les chemins de la vie et en croisant toutes sortes de personnes que l'on devient adulte.


23 avril 2023

Isabelle Blochet, Descendre vers la mer

 Le titre prêtait à rêver. Mais il est passablement trompeur, car s'il y a bien quelques escapades sur un petit bateau de 5 mètres, la vie quotidienne de cette famille de Français moyens dans les années 70, n'a rien de folichon. Et le livre rien de passionnant. Sauf pour les amateurs de chroniques familiales, plutôt plates et au final assez déprimantes. 

 

Pas beaucoup d'enthousiasme non plus du côté des chroniqueurs de Babelio :  "Bref, une petite chronique (185 pages) qui donne, malgré tout, une impression de déjà vu et que l'on peut lire vite, ou même, ne pas lire !"    dunandrichard12



22 avril 2023

Alexis Jenni, J'aurais pu devenir millionnaire J'ai choisi d'être vagabond


Le titre  - une citation - est irrésistible. et la couverture séduisante, avant même que l'on sache qu'il s'agit en  réalité non pas d'un roman, mais d'une biographie plutôt bien troussée de John Muir, grand vagabond, grand voyageur, naturaliste par passion, amateurs de forêts et de glaciers, contempteur des villes, admirateur inconditionnel de la nature, à qui l'Amérique doit la création du Parc National des Yosemite.                                                                                                  

Le texte d'Alexis Jenni - une hagiographie plus qu'une biographie ! - n'a rien d'un travail universitaire sérieux et légèrement ennuyeux. Il est parfaitement documenté - l'auteur se targue d'avoir lu tous les écrits de John Muir, et quelques autres ouvrages le concernant - et se lit comme un roman.                                                                    

De toute évidence l'auteur admire John Muir et partage ses préoccupations, qui sont désormais aussi les nôtres : il est urgent de se soucier de préserver la nature, mais les raisons avancées sont moins scientifiques, moins écologiques, moins politiques qu'esthétiques : il n'est question dans ce livre que de la beauté de la nature. Et je ne suis pas loin de penser que c'est, pour ma part, l'argument le plus convaincant.

 
 

21 avril 2023

Dancing Pina

Elle respirait de tout son corps    La lumière l'accompagnait et lui faisait danser son ombre

Qui n'a pas eu la chance de voir un spectacle de Pina Bausch, ne sait rien de la danse contemporaine. Le documentaire de Florian Heinzen-Ziob vient opportunément combler ce manque en proposant non pas une captation d'un des nombreux spectacles de la chorégraphe, mais en suivant pas à pas la re-création de deux ballets, Iphigénie en Tauride et Le Sacre du printemps, par deux troupes radicalement différentes.  L'une à Dresde, l'autre à Dakar. 

Dancing Pina s'intéresse moins au résultat final qu'au travail du danseur pour retrouver non pas les gestes, les mouvements, mais l'intention, le ressenti qui y mène. Les danseurs sont en cela aidés par d'anciennes danseuses ou danseurs de Wupperthal Ballet qui ont à coeur de passer le relai et de transmettre l'esprit de ces ballets pour que continue de vivre le travail de Pina Bausch. Le film est aussi une façon de montrer avec quelle intensité les danseurs se consacrent aux répétitions, se plient à tous les exercices pour trouver  non pas le geste parfait, mais le geste juste, celui qui vient du tréfonds de soi. Et l'on comprend que la danse n'est pas un métier, mais une vocation qui exige de la part de ceux qui s'y consacrent beaucoup d'obstination y compris pour résister aux préjugés qui pèsent encore sur cet art.


20 avril 2023

Désordres

 Désordres est un film hors du commun. A peine vu, déjà envie de le revoir tant il est ... extravagant ? insolite ? curieux ? Impossible à définir et encore plus à résumer.

 

D'abord c'est un film suisse. Une rareté. Ensuite c'est un film sur l'industrie horlogère à la fin du XIXe siècle. Et forcément un peu aussi un film sur l'industrialisation, le calcul des cadences, et plus généralement sur le monde ouvrier. Et les mouvements politiques qui l'agitent, socialisme, capitalisme, anarchie.... d'autant que Pierre Kropotkine, cartographe et futur théoricien du communisme libertaire passe là pas tout à fait par hasard et demande son chemin à Joséphine, une ouvrière chargée de régler le balancier, le mécanisme essentiel qui conditionne l'équilibre de l'horloge et donc du bon déroulement des heures....Que dire encore ? Que le film commence en Russie, se poursuit dans le Jura suisse, que l'on y jongle constamment avec trois langues.  Que les images sont magnifiques en particulier lorsqu'en gros plan elles montrent le travail des ouvriers, l'imbrication des pièces, la minutie des gestes. La fabrication des horloges, mais aussi le télégraphe, la photographie, les locomotives....le progrès tel qu'on le concevait alors. 

Bien sûr le film est un peu lent - après tout on est en Suisse - mais il prend le temps de montrer et de laisser entendre. D'une certaine façon il propose même de remonter le temps, de revenir à ce moment charnière où l'on a eu la possibilité de choisir, la possibilité d'aller de l'avant ou de s'arrêter, de décider quelle carte afficher au mur, celle des patrons qui était là depuis toujours - pourquoi changer ? - , ou celle des anarchistes, plus complète... Votation improvisée, à mains levées, c'est aussi simple que cela et le monde bascule d'un côté ou de l'autre.

Je n'ai pas vu ce film dans les meilleures conditions, mais ce qui m'en est resté, me donne envie de le revoir.  Sans attendre.

19 avril 2023

Le bleu du Caftan


 Celui-là, il y avait un certain temps que je voulais le voir. Un peu tire-larmes, mais pas trop, surtout à cause du personnage féminin, Mina, si menue mais si forte, si décidée. Un couple a priori banal, qui tient une boutique dans la médina de Salé. Halim brode des merveilles, Mina se contente de vendre. Entre eux c'est une longue histoire que l'on devine peu à peu, faite de tendresse et de complicité. Pourtant leur relation n'est pas banale parce qu' en réalité  Halim préfère les hommes.

Le sujet pouvait être scabreux, il ne l'est pas. Maryam Touzani, la réalisatrice a pris le temps de montrer, par une accumulation de petites scènes, la complexité de la relation qui unit les deux personnages, y compris quand un jeune apprenti embauché par Maryam vient travailler dans l'atelier aux côtés de Halim. 

Et puis, il faut bien l'avouer, retrouver le temps d'un film le Maroc, c'est presque comme un voyage. Et la boutique de caftans, pourtant bien petite, recèle des trésors, des tissus soyeux, veloutés, des broderies au fil doré d'une finesse étonnante. Plaisir des yeux, plaisir des couleurs, plaisir des sens. Et tant pis si la fin du film est vraiment trop téléphonée !

15 avril 2023

Nasim Marashi, L'automne est la dernière saison

Je n'ai pas beaucoup de goût pour les romans intimistes, mais celui-ci a su me retenir, sans doute parce que Nasim Marashi ne s'est pas intéressée à un personnage mais à trois ! Trois jeunes femmes d'aujourd'hui, chacune avec son caractère, ses doutes, ses échecs, ses rêves.... Leyla est journaliste, elle a refusé de suivre son mari, expatrié au Canada et se retrouve divorcée, seule et déprimée. Shabaneh très impliquée auprès de son frère, handicapé mental, hésite à répondre favorablement à la demande en mariage d'un de ses collègues. Rodja  qui vient d'être acceptée en doctorat à Toulouse, trépigne en attendant l'obtention de son visa. 

Elles sont amies depuis l'université, intelligentes, elles ont des choix difficiles à faire, d'autant plus difficiles qu'elles sont iraniennes et que rien n'est évident quand il faut tenir autant du contexte culturel que de ses propres envies. Très habilement l'écrivaine mise avant tout sur les personnalités - très différentes - de ces trois amies, dont on comprend les contraintes qui pèsent sur elles sans qu'il soit besoin d'insister. 

Le livre a été publié en Iran en 2015, longtemps avant les manifestations de cet hiver; on ne peut donc reprocher à Nasim Marashi de n'en avoir pas parlé dans son livre; certains l'ont fait pourtant qui voudraient qu'une femme iranienne soit forcément victime ou activiste. L'automne est la dernière saison montre au contraire des femmes qui s'interrogent, qui agissent et réagissent, cherchent leur voie. Ce ne sont ni des victimes, ni des héroïnes, juste des femmes ordinaires.

13 avril 2023

Ojoloco 2023 : La vache qui chantait le futur

Le titre est intrigant, et pas forcément vendeur. Mais il a le mérite de signaler le passage du réel au fantastique. 

La réalité est celle d'un élevage bovin où les vaches sont frappées d'un mal étrange. Cecilia, neurochirurgienne quitte son travail et se précipite au chevet de son père. Un retour au pays de l'enfance qui lui fait retrouver un passé familial compliqué qu'elle avait fuit et qu'elle doit maintenant affronter : sa mère s'est noyée il y a longtemps, un suicide apparemment; le fils est resté pour s'occuper de la ferme et la mésentente avec le père est flagrante. En faisant intervenir le "fantôme" de la mère, la réalisatrice permet à chacun de revenir sur le traumatisme initial, de s'interroger sur la responsabilité de chacun, de justifier son comportement, et ce faisant de prendre un nouveau départ, débarrassé des miasmes du passé. 

Le film de Francesca Alegria fonctionne assez bien comme révélateur des dysfonctionnements de la cellule familial et l'on peut concevoir que le recours au surnaturel soit plus cinématographique que des séances de psychanalyse. Mais j'avoue être restée de bois devant ce mélange de surnaturel et de réalisme au service d'une thérapie familiale. 

 

10 avril 2023

Ojoloco 2023 : Manto de Gemas

 

Pour être pleinement apprécié, le film de Natalia Lopez Gaillardo a besoin de quelques explications complémentaires. Parce qu'on se perd facilement dans le flou des images et dans les relations entre les différents personnages. 

Le film en effet tourne essentiellement autour de 3 femmes, l'une, Isabel, qui se sépare de son mari et revient dans la maison de son enfance où elle retrouve sa nounou, Mari qui s'occupe de maintenir la maison, mais est contrainte d'obéir au cartel local, dont un des membres est le fils d'une policière, Roberta, chargée de lutter contre le traffic de drogue. La propriétaire, la nounou, la policière : trois femmes dont le destin est entrelacé et conditionné par l'intrusion des cartels dans leur vie.

Voilà pour l'essentiel; et si malgré tout l'on se perd c'est parce que la réalisatrice joue sur la complexité du montage et les ellipses, comme elle joue sur la mise au point de l'objectif avec pour résultat un passage constant du flou au net. Ce qui d'une certaine façon correspond bien à la façon dont le spectateur appréhende le film : c'est clair / c'est confus....  Et l'on quitte la salle de cinéma convaincu qu'il est très difficile de vivre dans un pays où les cartels impactent en permanence la vie des individus. Si donc le film, au premier abord paraît chaotique, c'est tout simplement parce que le Mexique est un pays passablement chaotique lui aussi.


09 avril 2023

Ojoloco 2023 : Rinoceronte


Rinoceronte est l'histoire d'un enfant massacré par un père aussi violent que négligent. Mais astucieusement, Arturo Castro Godoy ne montre jamais le père, des fois qu'on lui trouve la moindre excuse... Absent, il reste le mal absolu et le film peut se consacrer à l'enfant, Damian qui passe le plus clair de son temps à traîner dans les rues, jusqu'au jour où il est récupéré par les services sociaux et confiés à une "maison" où des adultes responsables et bienveillants essayent de "réparer" des gamins dans son genre. Le film s'attarde un peu sur le fonctionnement de cette structure d'accueil autant que sur le mal-être profond des enfants, mais prend tout son sens lorsqu'il met en valeur la relation que Leandro, le travailleur social chargé de Damian, essaye de nouer avec lui : avec un passé que l'on devine semblable à celui de Damian il est plus qu'un autre capable de comprendre l'enfant et de le pousser doucement vers la résilience. 

L'histoire est bien évidemment poignante mais le réalisateur n'abuse pas de la corde sensible, le film joue plutôt la carte du réalisme et de la sobriété en insistant sur le ressenti de l'enfant. Arturo Castro Godoy est argentin, mais des enfants perdus, abandonnés à eux mêmes, abîmés par leur famille, il y en a partout ailleurs. Pas seulement en Amérique latine.

08 avril 2023

Ojoloco 2023 : La Barbarie

Barbares ? Ils le sont tous ! C'est en gros ce que l'on se dit en sortant du cinéma. 

Le film d'Andrew Sala a un double mérite. Celui tout d'abord de plonger le spectateur dans un milieu qu'il ne connaît pas, celui des grandes haciendas argentines. Il y a donc pour commencer un récit quasi documentaire sur l'élevage des bovins ce qui ancre le film dans la réalité et déjà une certaine brutalité. 

Mais c'est plutôt ce qui se passe entre les humains qui justifie le titre du film. Nacho a fui le domicile de sa mère et arrive sans autre explication chez son père. Plutôt mal accueilli au début, il participe tant bien que mal aux travaux et côtoie ainsi la famille de vachers qui travaille pour son père. Sous son regard se dévoilent peu à peu les relations de classes entre exploitant et exploités, les abus, la violence. Critique du capitalisme, sans doute, mais l'essentiel est ailleurs. Il est dans le regard de ce garçon, qui comprend peu à peu ce qui se passe, prend conscience des enjeux et doit surtout choisir son camp, celui qui répond à la barbarie par la barbarie ou celui qui apprend à maîtriser ses pulsions et se conduire non pas en barbare mais en être humain responsable. 

Pas mal pour un premier  (ou second) film, parfois un peu trop allusif mais c'est aussi au spectateur de faire un effort pour saisir tous les indices qui font penser que ...




07 avril 2023

Luca Brunoni, Les Silences

 


Un village isolé dans les montagnes suisses. Ida est une orpheline de 13 ans que les services sociaux ont placée chez un couple de fermier : travail harassant, à peine nourrie, mal logée, sans cesse rudoyée.  En ce milieu de XXe siècle la vie à la campagne est dure pour tout le monde; encore plus dure pour Ida. D'autant que dans le villages pèsent de lourds secrets : les paysans sont des taiseux et il ne convient pas que l'on s'écarte un tant soit peu des habitudes, des convenances. Alors on ne dit rien. Mais on sait ...

On pourrait sans doute qualifier le roman de Luca Brunoni de "polar rural", avec une atmosphère pesante qui rappelle - un peu -  le réalisme noir et bien documenté du Zola de La Terre.  En tout cas ce n'est pas le roman qui me donnera envie de passer de la ville à la campagne.


06 avril 2023

Ojoloco 2023 : Oliverio y la piscina

Le film pourrait être une tragédie et il l'est en partie, mais son réalisateur, Arcadi Palerm, a choisi d'en faire une comédie, qui parfois tourne même à la farce. 

Lorsque votre monde s'écroule, lorsque vos parents vous apprennent qu'ils vont divorcer et que dans la foulée, votre père meurt d'une rupture d' anévrisme, que faire? Comment réagir ? Comme le Baron perché, Oliverio s'extrait du monde : il s'installe sur une chaise longue au bord de la piscine et décide de n'en plus bouger. De là où il vit désormais, il observe le monde absurde des adultes, tous plus ou moins perchés, tous plus ou moins ridicules, tous passablement hypocrites. Derrière ses lunettes noires, Oliverio voit le monde tel qu'il est.  Pas étonnant qu'il n'est aucune envie de le rejoindre. 

Il faut du temps pour faire son deuil. Il faut surtout du temps pour accepter d'être celui que l'on est vraiment une fois débarrassé des contraintes sociales et des masques derrière la plupart des adultes se cachent. Jolie leçon pour ce film mexicain qui pour une fois se situe hors de la misère et de la violence.

04 avril 2023

Christine Montalbetti, Le Relai des Amis

 Le Relai des Amis, c'est le nom d'un bar dans une petite station balnéaire de la côte normande. Soit. Mais c'est depuis janvier de cette année le titre d'un roman subtile et facétieux.

Le Relai des Amis, c'est le nom d'un bar dans une petite station balnéaire de la côte normande. Soit. Mais c'est depuis janvier de cette année le titre d'un roman subtile et facétieux. 

Marabout, bout de ficelle, selle de cheval ... tout le monde connaît ce jeu de mots que très savamment les dictionnaires appellent concaténation. Et bien le livre de Christine Mantalbetti fonctionne sur le même principe et permet au lecteur de faire, sans effort aucun, un voyage qui, parti de la campagne normande, l'emmènera jusqu'au bout du monde ou presque, en utilisant les modes de transports les plus variés et en passant sans discontinuer d'un personnage à un autre, un personnage qui au demeurant peut-être une mouche, un oiseau.... Pas de bagages à porter,  pas de passeports à montrer, mais tant de lieux aperçus par la vitre d'une voiture, d'un train, le hublot d'un avion, tant de rencontres surtout... le livre anti-confinement par excellence !

C'est un joli défi que s'est donné l'écrivaine, qui n'hésite pas à l'occasion à faire participer le lecteur, à lui donner le choix : par ici ou par là ? quel personnage va-t-on suivre ? et si .... Bien sûr, au final c'est toujours elle qui décide, mais un court moment on s'est mis à sa place, on a imaginé ...  et si c'était à nous de mettre les doigts sur le clavier ? 

Mais non, je laisse à d'autres la tentation de l'écriture. Mais j'irai certainement chercher en bibliothèque d'autres livres de Christine Montalbetti (dont j'ai mis, une fois n'est pas coutume, la photo plutôt que la couverture du livre parce que la couverture blanche de P.O.L. est nettement moins photogénique !)

03 avril 2023

Ojoloco 2023 : Les Rois du monde

 Le titre bien sûr est une antiphrase parce que les cinq adolescents auxquels le film s'intéresse sont dépourvus de tout : ni éducation, ni argent, ni place dans la société. Ils n'ont que leur agilité et leur force physique qui les pousse en permanence à défier ceux qui menacent leur territoire ou à s'affronter entre eux. Laura Mora, la réalisatrice excelle à montrer la fougue, l'ardeur de ces adolescents, les corps en mouvement, emmêlés dans la lutte, ou recroquevillés sur eux-mêmes, abandonnés dans la fatigue. Elle lance ensuite ces jeunes garçons dans une quête hasardeuse : l'un d'eux doit récupérer une maison, un terrain restitué par le gouvernement colombien à la suite d'un accord attendu depuis longtemps. La façon dont la réalisatrice met en scène ces garçons, qui affrontent toutes les situations même les plus périlleuses avec la même intensité, mettent leur vie en danger pour le plaisir d'une prouesse, est assez extraordinaire. Direction d'acteurs ? A peine. On dirait plutôt qu'elle a lâché la bride à des poulains fougueux qui ne cessent de se heurter aux diktats de la société. Et à plus forts qu'eux. Car derrière la fougue de la jeunesse et les espoirs insensés, il y a aussi un discours politique. Impitoyable.




 


02 avril 2023

Mick Kitson, Poids plume


 La boxe, ce n'est vraiment pas mon truc !  Pourtant j'ai non seulement lu ce roman de bout en bout - y compris les description des combats et des coups portés - mais je l'ai beaucoup aimé. Parce qu'il s'agit tout simplement d'une histoire très humaine,  librement inspirée d'un personnage qui a réellement existé,  William Perry, plus connu sous le nom de Slasher de Tipton.

Pourtant, bien que William Perry soit un personnage important,  c'est la petite gitane qu'il a achetée - oui achetée - et adoptée qui est au coeur du roman. Et l'on comprend très vite que la fiction le dispute largement à la réalité, fût-elle historique. 

Anny Perry est une petite gitane. L'extrême dénuement dans lequel vit sa famille a contraint sa mère à la vendre. Auprès de William, ex-chamion de boxe, grand buveur de bières et nouveau propriétaire d'un pub dont il a tendance à boire le fonds, la petite fille grandit, apprend la boxe et apprend la vie tout court. Une vie qui n'a rien de facile, d'autant que William à force de distribuer des bières gratuitement et d'en boire plus qu'il n'est raisonnable est constamment couvert de dettes. Les paris autour des matchs de boxe (illégaux) remportés par Anny leur permettent de se remettre plus ou moins à flot. 

Bien sûr on pense à Dickens en lisant ce livre parce que c'est la société anglaise de la fin du XXe siècle qui apparaît en filigrane derrière les personnages, avec ses mines de charbon, ses miséreux, mais aussi ses aristocrates dégénérés et des personnages secondaires aussi bien campés que William et Anny : Janey, la femme de Bill, Paddy, le Marinier ...   Il y a même, un mystérieux détrousseur de grands chemins surnommé Black Coat et un beau jeune homme dont Anny tombe amoureuse,  bref une atmosphère qui est celle des romans d'aventure avec, ce qui n'est pas coutume, un beau personnage féminin, une héroïne résiliente, tonique, coriace, sauvage ... Tout ce que j'aime ! 

 



01 avril 2023

Ojoloco 2023 : Doutor Gama

L'intérêt des festivals de cinéma - surtout si on privilégie les films en compétitions, qui souvent n'ont pas encore trouvé de distributeur -  c'est de donner au spectateur  l'impression de partir un peu à l'aventure. Ou du moins à la découverte, comme avec ce Doutor Gama de Jeferson De

Le film retrace la vie d'un personnage très connu au Brésil mais pas forcément en Europe : Luis Gama.  Né libre il a été vendu comme esclave par son père quand il avait une dizaine d'années. Il a réussi non seulement à apprendre à lire, mais à faire des études et à devenir avocat. Non content d'avoir obtenu sa liberté il s'est ensuite soucié d'obtenir celle des autres. Un beau personnage donc et des thèmes forts : l'esclavage, le racisme... Il n'est pas difficile de se prendre au jeu et de suivre avec intérêt la trajectoire de vie de Luis Gama et son combat pour la liberté et l'égalité. La mise en scène est très classique et, en dehors des personnages principaux, le jeu des acteurs est parfois un peu guindé d'autant que la reconstitution historique, contraignante pour le réalisateur, tient souvent le spectateur à distance. Mais en dépit de ces défauts somme toute mineurs, le film défend son personnage avec tant de vigueur et de rigueur que l'on sort convaincu et l'on comprend aisément que le Brésil ait fait de Luis Gama un de ses héros préférés.