Les Yeux fermés est un film qui prend son temps, ce qui permet au spectateur de s'installer dans une histoire dont il ne sait pas où elle va le mener. Le temps long du romanesque, confortable parce qu'on pénètre peu à peu dans l'esprit des personnages. On imagine, on suppose ...
Cela commence par le tournage d'un film un peu étrange, vaguement exotique, on y parle chinois, anglais, espagnol ... un enquêteur est chargé de retrouver une jeune-fille ... fausse piste. Un bond dans le temps et l'on apprend qu'une émission de télé se prépare pour tenter d'élucider le mystère de ce film tourné 20 ans auparavant et resté inachevé : l'acteur principal a disparu du tournage et n'a jamais été retrouvé. Dernier emboîtement : Michel Garay, le réalisateur du film est interrogé ... et contraint de s'interroger sur son passé, sur les gens qui ont de près ou de loin participé au tournage. Peu à peu les pièces du puzzle se mettent en place. En réalité, le fil - ténu - de l'enquête sert surtout à mettre en place un certain nombre de personnages dont les trajectoires de vie, très différentes, se croisent et se décroisent.
Avec quatre longs métrages en 50 ans, Victor Erice n'est pas le plus connu des réalisateurs espagnols mais chacun de ses films - L'esprit de la ruche, Le Sud, Le Songe de la lumière - ont laissé des traces dans ma mémoire et celui-ci, sans éclats, sans précipitation, mais avec beaucoup de tendresse raconte des occasions manquées, des rêves qui n'ont pas abouti, des chemins qui ont bifurqué, des vies sommes toutes ordinaires. Un film pour les amoureux du cinéma qui savent que, de toute façon, la vie dépasse toujours le cadre de l'écran.