16 octobre 2024

Célestin de Meeûs, Mythologie du . 12

 

 Le roman de ce jeune écrivain belge vient à point pour nous rappeler ce qui différencie la littérature des autres formes d'écrits. Car le sujet de Mythologie du.12, ce n'est au fond qu'un très banal fait divers que l'écrivain magnifie par l'écriture romanesque. L'histoire de cet homme excédé qui tire sur deux adolescents bruyants, c'est un peu comme l'affaire Berthet dont Stendhal a fait Le Rouge et le Noir ou le suicide de Delphine Delamare dont se serait inspiré Flaubert pour Mme Bovary. Je m'arrête là pour ne pas faire crouler Célestin de Meeûs sous les références, lui qui a su en 144 pages seulement créer une atmosphère de plus en plus fébrile au fil de la narration et des personnages parfaitement crédibles bien que fictifs, le tout dans une écriture quasi ....  proustienne. Proustienne ? Non, pas vraiment parce que réduire Proust à ses longues phrases est de toute façon abusif; il y a dans la recherche de très courtes phrases également, en fait il y a des phrases de toutes les longueurs,  mais je ne sais pourquoi, on ne veut jamais en retenir que les plus longues. Les phrases de Célestin de Meeüs, elles, sont effectivement longues, voire très longues. La première phrase (deux pages quand même ! ) ne concerne que Théo, la seconde (deux pages encore) met en place le deuxième personnage, le Dr Rombouts. Les phrases alternent ensuite passant d'un personnage à l'autre jusqu'à s'imbriquer, se fondre l'une dans l'autre au fur et à mesure que progresse le récit. Vertige de funambule qui se maintient sans faiblir sur sa ligne et souligne ainsi le caractère irréversible de la tragédie. 

Bien sûr, la lecture de Mythologie du.12 requiert du lecteur une attention sans faille, mais n'est-ce pas le propre de la littérature que de solliciter le lecteur pour lui permettre de suivre le flot ininterrompu des pensées des personnages, comme s'il était dans leur tête, et ainsi de s'éloigner des jugements hâtifs sur "ces jeunes qui n'ont rien dans la caboche, glandent toute la journée, des pas grand-chose qui pourrissent la vie des autres", comme des préjugés sur "ces soi-disant beaufs toujours prêts à sortir leur fusil dès qu'on empiète sur leur territoire". 

Célestin de Meeûs, s'essaye pour la première fois au roman, mais son habileté dans le maniement du langage est incontestable. Lui reprochera-t-on d'être trop brillant, de chercher avant tout l'effet de style. Peut-être, mais rien, dans le récit de ce "fait divers" n'est fait pour l'esbroufe car au final c'est bien des travers de notre société dont il parle, de cette fermeture des individus sur eux-mêmes, de l'ennui et du vide existentiel qui nous menace tous.

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