Un deuxième roman de Paola Pigani, lu dans la foulée du premier, et dont le titre m'enchante autant que le précédent. N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures, est un proverbe manouche, cité au début du livre. Car c'est à cette population que s'intéresse ici l'écrivaine. Et plus précisément au sort qui a été réservé en 1940 à ceux que l'on n'appelait pas encore les gens du voyage. La libre circulation des individus étant désormais interdite par décret, les Manouches de Vendée sont internés dans un camp fait de méchants baraquements entourés de barbelés et gardés par des policiers français. Ils y resteront jusqu'en 1946 !
C'est cet épisode bien peu glorieux pour le gouvernement français qu'évoque Paola Pigani, en s'appuyant sur un témoignage direct (celui d'une femme qui a grandi dans ce camp) et sur un savoir faire romanesque qu'elle maîtrise parfaitement. C'est avec les yeux d'Alba, gamine de 14 ans au début du roman, que l'on découvre les conditions dans lesquelles elle a vécu et avec elle, sa famille et toute la communauté manouche. On s'attache forcément à ces personnages, qui vivent non seulement dans le plus complet dénuement, mais dans des conditions qui vont à l'encontre de leurs habitudes, de leur culture profonde. Le roman prend parfois des allures de réquisitoire, mais sans excès de manichéisme grâce à deux personnages, un gardien "aux yeux doux", et une infirmière qui fait tout son possible pour palier leur détresse parce qu'à la sédentarisation forcée s'ajoutent insalubrité et sous-alimentation.
Le roman de Paola Pigani joue à la fois sur la sensibilité du lecteur et sur son envie d'en apprendre un peu plus sur la façon dont la France a traité les Manouches. Une façon peut-être de lever quelques préjugés ?
https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/linternement-des-tsiganes-en-france-1940-1946
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