J'avais déjà lu un roman de Carys Davies il y a quelques années, et j'avais été séduite par son originalité. Celui-ci est de la même veine, et il est tout aussi dépaysant.
Le roman vient d'être traduit en français sous le titre Eclaircie, mais comme il était depuis un sacré bout de temps sur ma PAL, je l'ai lu dans sa version originale et je me suis régalée parce que le charme du roman va bien au delà de son résumé : un homme, dont la femme est restée sur le continent, est envoyé sur une île perdue, au Nord de l'écosse pour y déloger l'unique et dernier habitant. La situation est insolite, bien qu'imaginée à partir de faits historiques réels, et l'on avance dans le roman sans savoir où l'écrivaine nous emmène. On apprend peu à peu à connaître les personnages, comme apprennent à se connaître les deux hommes qui ne parlent pas le même langage. On se perd dans des paysages comme seule l'Ecosse peut en présenter : rochers et falaises battus les vents et les vagues; la pluie, le brouillard, le froid; une masure en pierre, un feu de tourbe pour se réchauffer, une soupe au lait pour couper la faim. Une vie à l'écart du monde, mais au plus près de la nature et des personnages "grattés à l'os", c'est à dire débarrassés des préjugés qui nous encombrent.
Le titre anglais renvoie à l'idée de "clearance" au sens de "liquidation" plutôt que d'embellie météorologique ou de répit, mais peu importe puisque la mission jamais "clarifiée " de John Ferguson auprès d'Ivar et les quelques semaines passées dans la solitude vont permettre aux personnages de refonder leur vie. L'écriture toute en finesses et subtilités de Carys Davies, lui permet de rendre avec précision les changements d'atmosphères, qu'il s'agisse de variations météorologiques et des humeurs des personnages. Et si comme moi vous n'en pouvez plus de ces récits de vie égocentriques dont la littérature française se gargarise, le roman de Carys Davies a de fortes chances de vous plaire. Le "moi" y tient moins de place que le "tu", et si les listes de mots que John Ferguson s'acharne à transcrire vous paraissent parfois un peu longues, souvenez vous qu'apprendre la langue de l'autre, c'est tout simplement apprendre à le connaître. S'intéresser à l'autre plutôt qu'à soi même ! Enfin !

 
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire