20 octobre 2025

Wanda

Unique film de Barbara LodenWanda est un bijou de cinémathèque. Un film pourtant déroutant. Parce que, même replacé dans le contexte de l'époque, le personnage principal est lui-même ... déroutant, voire perturbant. 

Wanda est une femme à la dérive : mariée, deux enfants, elle arrive en retard au tribunal qui doit acter son divorce, ne réclame pas la garde de ses enfants "ils seront mieux avec lui".  On la retrouve errant dans la ville, sans but, et bientôt sans argent lorsque son sac lui est volée; elle  traîne, regarde les vitrines, suit, jusque dans son lit, le premier homme qui lui propose un repas, un café... Elle n'a ni projet, ni regret, indifférente à tout et pas même en colère ou désespérée. Sa dérive ne s'arrête que lorsqu'à la suite d'un hold up manqué dans laquelle elle a été entraînée, elle se retrouve condamnée à 20 ans de prison. Soulagée. 

Même replacée dans son contexte historique, ce personnage est difficile à comprendre. Elle est tout sauf une rebelle, tout sauf une battante. La littérature américaine est pleine d'anti-héros, le cinéma un peu moins. Il n'est pas certain  d'ailleurs que Wanda s'inscrive dans cette tradition. On pense à Cléo dans le film de Varda (1962), dont l'errance avait cependant une raison précise, ou à la solitude de Mabel dans Une femme sous influence de Cassavetes (1974).

Quand le film de Barbara Loden sort en 1970, on est en pleine "deuxième vague féministe" et Wanda joue, me semble-t-il, le rôle de contre-modèle, celle à qui on ne veut pas ressembler. Epouse d'Elia Kazan, plutôt bien intégrée dans le milieu hollywoodien, la réalisatrice joue elle-même le rôle de Wanda, mais situe son personnage dans un milieu social et un décor - celui du délabrement industriel de la Pennsylvanie - qui pourrait expliquer à lui seul le malaise du personnage. En incluant le film dans un cycle sur la folie, la cinémathèque de Grenoble penche plutôt vers une interprétation clinique : neurasthénie, mélancolie, cette maladie si souvent attribuée aux femmes. Par facilité. Pour ne pas avoir à penser à la place de la femme dans la société. Et surtout pour ne pas avoir à remettre cette place en question. Féministe ou pas, Wanda est un film qui interroge. 


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