28 février 2021
27 février 2021
Nastassja Martin, Croire aux fauves
Pas tout à fait un roman, plutôt un récit. Celui d'une jeune anthropologue qui après avoir vécu parmi les Gwich'in,, en Alaska, se propose d'étudier les Evènes qui vivent eux au Kamtchatka. Mais son séjour dans la péninsule de l'Extrême-Orient russe, est interrompu par une collision avec un ours qui lacère son crâne et lui emporte une partie de la mâchoire. Elle est d'abord soignée et opérée en Russie puis rapatriée et prise en charge médicalement en France. Croire aux fauves est le récit de cette aventure particulièrement douloureuse et totalement hors du commun.
Mais à la stricte relation des faits, se superpose une réflexion qui porte sur les relations que l'homme entretient avec la nature sauvage et sur le lien particulier qui unit l'auteur aux ours puisque Nastassja Martin, en bonne spécialiste de l'animisme et du chamanisme s'interroge sur le sens de sa rencontre avec l'ours, qui l'a laissée défigurée, certes, mais vivante !
26 février 2021
Stéphanie Hochet, Pacifique
Voici un petit roman qui sort de l'ordinaire. Si on se laisse prendre à la simplicité des phrases, et de la narration, on pourrait presque le prendre pour un roman japonais, mais il n'en est rien. Stéphanie Hochet, dont je n'ai lu pour le moment que ce seul livre, est française et semble, au dire des critiques, se renouveler à chaque roman. Ecrivain caméleon donc, capable d'écrire un roman anglais comme un roman japonais, elle fait apparemment preuve d'une belle aisance littéraire.
Le titre est pour le moins ambigu parce que l'histoire de ce jeune kamikaze n'a a priori rien de pacifique ! Il s'agit en fait des dernières semaines de la guerre du ... Pacifique, lorsque le Japon joue ses dernières cartes et envoie à la mort de jeunes recrues. Kaneda raconte comment toute son éducation, avant même l'entraînement militaire, l'a préparé à obéir aveuglément, du moment qu'il s'agit de l'honneur et de la gloire du Japon. Ce récit à la première personne montre à quel point il est facile de manipuler de jeunes esprits pour les faire embrasser une cause et en dépit des termes et des références à la culture japonaise, il n'est pas interdit de faire le rapprochement avec l'endroctrinement des jeunes islamistes...
Le roman de Stéphanie Hachet néanmoins ne s'arrête pas à cette démonstration puisque Kaneda échoue dans sa mission et se retrouve dans une île dont les habitants vivent en totale autarcie, à l'écart du monde. Changement radical d'univers pour le jeune homme, dont l'humeur belliqueuse peu à peu s'apaise.... jusqu'à ce que derrière les apparences idylliques de cet espace préservé, la barbarie ressurgisse, car elle n'est propre ni à un temps ni à un lieu, mais bien à l'humanité.
22 février 2021
Les Hommes préfèrent les blondes
En ces temps d'abstinence cinématographique, il n'est pas désagréable du tout de revisiter ses classiques, quitte à s'étonner de ce qui a fait leur succès. Parce que, même en remettant le film dans son contexte historique (1953, le grand cinéma hollywoodien, Howard Hawks au sommet de sa gloire), il est difficile à avaler pour une féministe d'aujourd'hui.
Bien sûr il s'agit d'une comédie musicale mais les chorégraphies sont souvent simplettes et servent avant tout à mettre en valeur les robes et la plastique des corps - Non sans ironie parfois comme dans le ballet au bord de la piscine, lorsque la somptueuse Jane Russel évolue au milieu des athlètes de l'équipe olympique, tout juste habillés d'un slip couleur chair .... la provocation érotique est pour une fois du côté des hommes !
Bien sûr il s'agit d'une comédie et le film joue sur tout les registres du comique, depuis l'ironie légère jusqu'au sarcasme. Le rythme est enlevé, pétillant et même devant les caricatures les plus évidentes - la terrasse de café à Paris ? - le spectateur ne peut s'empêcher de sourire. Pas plus qu'il ne peut s'empêcher d'être fasciné par le charisme des deux actrices.
Jane Russell et Marilyn Monroe : difficile de faire plus sculpturales ! Difficile aussi de faire moins caricatural. La blonde, faussement stupide mais atrocement vénale. La brune, plus cérébrale mais pas moins séduisante, qui au mirage de l'argent préfère la volupté des corps. L'une est prête à tout pour une tiare en diamants, l'autre pour un corps bien fait. Mais toutes les deux n'éhsitent pas à se servir de leur charme pour se sortir d'un mauvaisen pas.
Revoir ce film, c'est mesurer l'écart qui sépare les femmes d'aujourd'hui de celles d'hier. Comme le disaientt les publicités pour les cigarettes Virginia Slim "You've come a long way, baby ! " Oui, sans doute, bien qu'il y ait encore pas mal de chemin à faire, mais au moins aucun réalisateur du XXIe siècle n'oserait utiliser des corps féminins en guise de chandeliers ! Potiches on connaissait mais chandeliers ? Si, si, regardez bien les 30 premières secondes de la bande annonce ... Mais que cela ne vous empêche surtout pas de regarder le film en entier !
20 février 2021
Daniel Glattauer, Quand souffle le vent du Nord
Le roman épistolaire est un genre littéraire tout à fait désuet, malgré les tentatives parfois bienvenues de le réhabiliter - je pense Au cercle littéraire des amateurs d'épluchures de pommes de terre de Mary Ann Shaffer.
Daniel Glattauer reprend le principe et le met au goût du jour puisqu'il n'est plus question ici d'échanger des lettres manuscrites, mais des "mails". Ce qui nécessairement accélère la vitesse des échanges, si bien que l'épistolaire prend parfois des allures de dialogues piquants façon Marivaux .
Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Un amusant marivaudage !
A la suite d'une erreur d'adressage, Enni et Leo se lancent dans une relation virtuelle où chacun se dévoile peu à peu tout en veillant à ne pas se livrer complétement. Le roman devient prétexte à un habile jeu d'écriture et l'auteur fait ainsi la brillante démonstration du vieil adage que l'on doit à Buffon : "Le style est l'homme même". Incontestablement, Leo et Enni ont du répondant, et le lecteur s'amuse de leur audace, de leur impatience autant que de leur réserve et de leurs craintes.
Et bien sûr, tant que la rencontre dans le monde réel, plusieurs fois envisagée et toujours repoussée n'a pas lieu, le lecteur s'amuse, curieux de savoir ce que l'auteur fera de ces personnages.
19 février 2021
La Charge héroïque
Un western ? Oui, mais alors il faut le dire vite et considérer que tout film tourné en territoire indien, avec John Wayne et des chevaux, est un western. Ce qui est quand même assez réducteur.
Non, La Charge héroïque n'est pas vraiment un western, plutôt un éloge de la vie militaire et plus précisément de la cavalerie, bien que l'action soit située peu de temps après la défaite de Custer à Little Big Horn .
Et non, La Charge héroïque ne sera pas mon "western préféré". Pourtant les paysages ? beaux c'est certain puisque les cavaliers tournent en rond dans Monument valley, mais un peu trop cartes postales quand même. John Wayne ? avec une moustache et des cheveux passés à la teinture blanche ? Quasi méconnaissable. Quant aux jeunes militaires qui passent le plus clair de leur temps à se disputer les faveurs de la même femme, une demoiselle capricieuse qui n'en finit pas de jouer de son charme pendant que sa mère joue les infirmières dévouées .... oui, bon, le film date de 1950 et on ne peut pas demander à John Ford de refléter autre chose que les préjugés de son temps.
C'est peut-être là d'ailleurs le principal intérêt du film : il témoigne malgré lui des conventions et des normes d'une époque. Autant en ce qui concerne les femmes, que les Indiens d'ailleurs ! Ou même les militaires, incapables de concevoir une existence où ils n'auraient pas l'épée à la main. Il ne sert à rien de nier la réalité historique. En prendre la mesure permet de mesurer le chemin parcouru. Sans oublier pour autant celui qui reste à parcourir.
18 février 2021
Il sera bientôt là !
Il y a deux jours, les jardins étaient couverts de neige ...
Deux jours plus tard, la neige a disparu.
Covid ou pas, le printemps sera bientôt là !
17 février 2021
16 février 2021
Franck Bouysse, Buveurs de vent
"Un univers singulier et envoûtant tout à fait hors-norme dans le paysage littéraire français."
Voilà ce que dit son éditeur à propos du dernier roman de Franck Bouysse. Et il a absolument raison ! Certes il m'a fallu quelques chapitres avant de me laisser emporter par l'écriture d'abord, inhabituelle, plus travaillée que bien des romans, presque baroque parfois; par l'atmosphère ensuite, bizarre, sombre, et pour tout dire un peu inquiétante. Mais ce sont les personnages qui ont fini de me convaincre, ces 4 enfants, 3 garçons et une fille, unis comme les doigts de la main, qui s'accrochent par des cordes et se balancent sous un viaduc ferroviaire, fascinés par les trépidations lorsque passe un train.
Les 4 gamins, et leur famille, les ouvriers de la centrale, les gens du village ... autant de personnages hautement romanesques et pourtant bien ancrés dans la réalité, celle d'un petit village au fond d'une vallée dont un seul homme est le propriétaire. Fable sociale, fable politique, chronique familiale, roman policier, le roman de Franck Bouysse est tout cela, déroutant d'abord, mais rapidement envoûtant. Et je me réjouis de trouver enfin un auteur français qui n'a pas peur de raconter des histoires, d'entrer de plain pied dans la fiction, de mélanger l'intime et le social. Bref, qui n'a pas peur du romanesque !
15 février 2021
The Trial of the Chicago 7
Le film surprend d'abord, le temps de comprendre de quoi il s'agit parce que les émeutes de Chicago en 1968 c'est de l'histoire déjà ancienne. Il faut donc un certain temps pour repérer quels sont les groupes protestataires impliquées dans le procès. Mais le film d'Aaron Sorkin ne s'intéresse que secondairement à la restitution des faits; son vrai sujet c'est le procès qui a eu lieu l'année d'après, les enjeux du procès et surtout, surtout, le comportement totalement partisan du juge ! Julius Hoffman, qui n'est hélas pas un juge de fiction puisque le film s'appuie sur des fait et des personnages réels !
Rapidement, bien que le film ait été tourné en 2020 et ne porte que sur les quelques mois du procès tenu en 69, on ne peut s'empêcher de penser à ce qui s'est passé à Washington le 6 janvier, 2021 lorsque les partisans de Trump ont envahi le Capitol. Car dans un cas comme dans l'autre il s'agit de déterminer s'il y a eu complot, et qui est celui qui par ses mots, a enflammé les passions et dirigé la foule.
Ce rapprochement entre des événements passés et d'autres plus récents est purement conjoncturel, mais étrangement intéressant. C'est en tout cas le moment où jamais de replonger dans l'histoire américaine des années 60, dont on a tendance à ne retenir que l'aspect folklorique, les fleurs dans les cheveux, peace and love, alors que certains groupes que l'on n'appelait pas encore activistes se battaient contre la guerre du Vietnam et pour un monde plus égalitaire.
13 février 2021
Broadway Bill
Un petit Capra ? Peut-être mais un Capra quand même. Un riche industriel qui a l'habitude de faire la loi, dans ses entreprises comme dans sa famille. Quatre filles, dont trois sont déjà mariées; des gendres très obéissants, sauf un, qui sur un coup de tête s'en va tenter sa chance ailleurs, sur un champ de course aidée par la dernière fille, rebelle elle aussi et follement amoureuse! Les péripéties, les échecs ne sont là que pur éprouver la résistance du héros, qui puisqu'on est dans du Capra, finit par gagner une course, perdre son cheval, mais gagner sa liberté.
C'est gentil, alerte, vaguement satirique. Et par ces temps de pénurie cinématographique, ça se regarde sans déplaisir, même sans intérêt particulier pour chevaux et les courses de chevaux !
11 février 2021
La Captive aux yeux clairs
Oui, l'image est étonnante pour un western. Ce qui montre simplement qu'il y a place pour beaucoup de variantes dans un genre aussi polymorphe.
En l'occurrence il ne s'agit pas de cow-boys à proprement parler, mais de trappeurs qui remontent le lit d'une rivière et s'avancent dans des régions peu explorées pour faire commerce de peaux avec les Indiens Pïeds-Noirs. Ils ont pour guide une jeune indienne, embarquée malgré elle dans l'aventure. Pour compléter cet équipage d'aventuriers - dont certains sont francophones (!) - deux têtes brûlées qui, bien entendu, vont se disputer le coeur de la jeune femme.
Et voilà comment dans le même film on peut trouver un récit, vaguement historique, sur l'exploration d'un territoire à l'Ouest du Mississippi, un document sur les conditions de vie des pionniers et le commerce des peaux, une histoire d'amitié entre deux hommes, une romance sentimentale... A chacun de choisir la ligne narrative qu'il préfère, en essayant d'oublier la façon dont les Indiens sont ici représentés. Après tout, le film date de 1952 et les "Peaux-rouges" n'étaient pas encore considérés comme des Native Americans.
La copie que j'ai vue était malheureusement en très mauvais état et les scènes nocturnes étaient particulièrement ... sombres. Souci de réalisme de la part de Howard Hawks ou dégradation du DVD ?
10 février 2021
Shoba Narayan, La Laitière de Bangalore
Voici un bouquin insolite et totalement dépaysant. L'auteur est une jeune femme, d'origine indienne, qui après avoir passé 20 ans à New York, décide de revenir s'installer à Bangalore, capitale du Karnakata au Sud de l'Inde. La ville, dont le développement est majoritairement axé sur les nouvelles technologies, est considérée comme la Silicon Valley de l'Inde. Un point important pour apprécier pleinement le livre tout entier centrée sur Sarala, la laitière et ses vaches. Surtout ses vaches !
Car dans cette mégalopole moderne, dans ce quartier luxueux, Sarala trait ses vaches et vend leur lait sur le trottoir en face de l'immeuble chic où Shoba s'est installée. Chacun sait que la vache est considérée comme un animal sacré en Inde, et qu'elles encombrent souvent les rues des villes. Mais avec la laitière de Bengalore on en apprend beaucoup sur les vaches en général et les vaches indiennes en particulier; sur leurs caractères, sur les bienfaits du lait et autres produits issus de la vache.
Le lecteur aura vite compris que la vache n'est ici qu'une porte d'entrée vers la culture indienne. La double culture de l'auteur lui permet restituer de l'intérieur la façon de penser de Sarala et de sa famille, tout en gardant un regard décalé et souvent ironique sur leurs façons de faire.
Non, La laitière de Bengalore ne remplacera pas tout à fait un voyage en Inde. Mais en attendant une hypothétique et lointaine ouverture des frontières, le livre permet au moins de mieux comprendre comment fonctionne la société indienne. Un tout petit bout de la lorgnette, mais c'est déjà ça ! Et comme le livre est souvent drôle, on finit par regarder les vaches - et l'Inde - d'un autre oeil.
09 février 2021
Willy Vlautin, Devenir quelqu'un
Et bien voilà ! J'ai la réponse à la question que je me posais lorsque j'ai lu le dernier roman de Willy Vlautin dans sa version originale il y a de cela 2 ans : le livre vient de sortir dans sa version française et le titre anglais Don't skip on me a été traduit par Devenir quelqu'un.
https://routedeslivres.blogspot.com/2018/06/willy-vlautin-dont-skip-out-on-me.html
J'ai donc relu l'histoire de ce jeune homme moitié irlandais, moitié paiute, recueilli enfant par un couple de ranchers qui l'aiment comme leur propre fils; il les quitte néanmoins pour tenter sa chance et devenir "le meilleur boxeur mexicain", son rêve de toujours, un rêve absurde mais qui lui permettrait enfin de "devenir quelqu'un".
Horace Hopper est, comme tous les personnages des romans de Willy Vlautin un être cabossé par la vie, mais je ne connais pas d'autre écrivain - sauf peut-être Kent Haruf - qui sache aussi bien parler de ces êtres abandonnés sur les bas-côté de l'Amérique triomphante.
Pas étonnant que depuis quelque temps les éditeurs européens s'intéressent à lui.
08 février 2021
Lola et Model shop
J'avais vu Lola mais pas Model shop et comme les deux films sont sur le même DVD, je les ai visionnés successivement ce qui donne certainement plus de charme au second puisqu'on retrouve à Los Angeles le même personnage féminin. Joué par la sublime Anouk Aimée . Et autour d'elle, des personnages en errance, ou en partance, un peu paumés, à la croisée des chemins avec, dans Model shop, comme dans les Parapluies de Cherbourg, la menace d'un ordre de mobilisation qui risque à tout moment de faire bifurquer leur existence.
Nantes en 61. Los Angeles en 69. Ce n'est ni tout à fait la même époque, ni le même pays, mais Demy restitue très joliment une atmosphère, quelque chose comme des "images du monde flottant", d'un présent flou, où l'illusion de l'amour serait le seul repère.
Lola et Model shop, deux films entre douceur et amertume, qui donnent envie de revoir, les uns après les autres, tous les films de Jacques Demy.
07 février 2021
06 février 2021
Charles O. Locke, La Fureur ds hommes
Double découverte : une collection, dirigée par Bertrand Tavernier chez Actes Sud : L'Ouest, le vrai qui entend faire connaître en France les romans américains à l'origine des grands western.
Et un roman tout à fait à la hauteur des ambitions de la collection : La Fureur des hommes de Charles O. Locke.
L'histoire, comme souvent dans les westerns, est simple. Un jeune homme qui a tué un homme (en légitime défense) est poursuivi par les frères et le père de la victime. Alors que son cheval a été abattu il traverse une région désertique, manque d'y mourir, mais en dépit des obstacles, en dépit des dangers, poursuit son chemin vers le Sud à la recherche de son père. Beaucoup de mauvaises rencontres, quelques belles rencontres pour compenser. Tot Lohman n'a rien d'une tête brûlée, c'est un jeune homme réfléchi, qui tire mieux que personne mais répugne à tuer.... si bien que le roman, loin d'être une apologie de la violence, ou une exaltation de la force montre que le vrai courage est plutôt dans la détermination à aller jusqu'au bout de sa route, même si celle-ci, au final ne mène nulle part.
Surprenant dans sa forme, qui inclut un certain nombre de lettres, ce roman répond parfaitement aux exigences formulées par Tavernier pour définir sa collection.
"Tout à la fois films et livres, j’ai choisi ces romans pour l’originalité avec laquelle ils racontent cette époque, pour leur fidélité aux événements historiques, pour leurs personnages attachants, le suspense qu’ils créent… mais aussi pour leur art d’évoquer des paysages si divers dont leurs auteurs sont amoureux : Dakota, Oregon, Texas, Arizona, Utah, Montana… l’Ouest, le vrai, quel irrésistible dépaysement ! » Bertrand Tavernier
J'ai apprécié le roman; reste maintenant à localiser le DVD et à découvrir ce que Henry Hattaway en a fait.
05 février 2021
Leonardo Padura, Ce qui désirait arriver
A défaut d'un voyage à Cuba .... De jolies nouvelles de cet écrivain que je suis en train de découvrir. Et qui sait si bien rendre l'atmosphère de son pays. Des nouvelles toutes teintées de désespérance, que l'humour seul parvient à juguler : la guerre en Angola, les amis perdus de vie, la tentation de l'exil, le mal du pays...
03 février 2021
Shenandoa
Shenandoa ou Les Prairies de l'honneur.
Pour une fois il ne s'agit pas à proprement parler d'un western puisque le film de A.V. McLagen se passe en Virginie pendant la guerre de Sécession. Plutôt un film historique donc, mais centré sur une famille de fermiers, dont les terres se trouvent exactement (!) entre les deux fronts de bataille et sont donc en permanence traversées par des soldats en uniforme bleu (les Nordistes) ou gris (les Sudiste). L'enjeu du film ne réside pas dans l'issue des batailles, mais, et c'est ce qui fait tout l'intérêt de ce film par ailleurs assez médiocre, dans la nécessité de s'engager d'un côté ou d'un autre, voire la nécessité des guerres en général.
Le fermier en question est un veuf, père de 6 garçons (et 1 fille !), qui, ne possédant aucun esclave, refuse de s'engager d'un côté ou d'un autre. "Cette guerre ne nous concerne pas". Mais lorsqu'un de ses fils est fait prisonnier par erreur, toute la famille, fille comprise, se met en branle pour aller au secours d'un de siens. Le portrait de cette famille frôle souvent la caricature, mais le film étant sorti en 1965, au moment où les Etats-Unis s'enfonçaient dans la guerre du Vietnam, c'est le message antimilitariste qui en a fait le succès.
02 février 2021
Gauz, Black Manoo
Originale, colorée, dynamique, africaine : voici une couverture qui suggère beaucoup, et, une fois le livre lu, on se dit qu'elle a effectivement bien transcrit l'essence du roman (?) de Gauz. A un "détail"près: Black Manoo n'est pas une femme, mais un jeune homme qui débarque un jour à Belleville en provenance d'Abidjan, sans papiers évidemment, et tente tant bien que mal de se faire une vie, entre squats et colocations, entre petits boulots et et trafics pas toujours licites, entre déveine, mains tendues et rêves inaccessibles.
Le regard que pose Black Manoo, sur la société française et sur celle des immigrés et clandestins est mi-compatissant, mi-ironique, mais sans apitoiement; sa langue n'est pas celle de Molière, mais bien celle des quartiers parisiens quand on traîne du côté de La Chapelle, elle va à l'essentiel, rapide, colorée. Comme la couverture !
Black Manoo est un petit livre qui détonne, qui bouscule. Etrangement tonique, malgré une réalité plutôt sombre.
01 février 2021
Stephen Markley, Ohio
Je viens d'en terminer la lecture et m'interroge sur l'engouement du public français pour le roman de Stephen Markley, Ohio.
Certes la construction du roman est habile bien que compliquée puisqu'il s'agit de suivre successivement quatre personnages différents qui, par hasard, convergent au même moment vers le même lieu et vont se croiser à un moment ou à un autre. Si l'on ajoute que l'intrigue est fournie par le passé commun des personnages, élèves du même lycée 10 ans plus tôt, on se dit que l'auteur n'ignore rien des règles de la tragédie classiques formulées par Boileau ! Mais qu'il a su également répondre aux exigences de la littérature d'aujourd'hui qui veut que l'intrigue soit fractionnée, contraignant ainsi le lecteur à suivre attentivement les fils qui relient les personnages entre eux, mais aussi les fils qui relient le présent de chaque personnage à son passé. Beau travail littéraire que je ne conteste pas.
Ce qui me gène en revanche, c'est que les personnages du roman de Stephen Markley - pour lesquels il est bien difficile d'éprouver la moindre empathie - sont supposés être représentatifs de la société américaine aux yeux des lecteurs français. Ce qui n'est pas totalement faux, à condition de se souvenir qu'il s'agit non pas de toute une génération, mais de quelques individus, nés dans une petite ville qui offre bien peu de ressources; l'univers de ces adolescents ne tourne qu'autour de l'alcool, de la drogue et du sexe. On pense forcément au film de Larry Clark, Kids, censé représenter la jeunesse new-yorkaise des années 90, comme ses photos d'adolescents de Tulsa représentaient la jeunesse des années 70. L'erreur est de toujours généraliser et de vouloir expliquer toute une société par le comportement d'un petit nombre d'individus. Ce qui n'est apparemment pas l'intention de l'auteur, mais c'est ce que certains lecteurs retiendront de son roman.
J'ai pour ma part été frappée par l'importance que les années lycées occupent dans la psychée des personnages, qui 10 ans après, restent bloqués sur les événéments de leur adolescence, un adolescence particulièrement trash il est vrai. Il y a là une forme de déterminisme, qui les empêche d'évoluer, de devenir adultes. Un peu comme s'ils souffraient d'un syndrome post-traumatique, ce qui est effectivement le cas de l'un d'entre eux, Dan qui a servi pendant 3 missions successives en Irak et reste hanté par les souvenirs de ce qu'il a vécu. L'adolescence, aussi traumatisante que la guerre ?
Iohio est un roman un peu trop "trash" pour être plaisant à lire, mais il fait réfléchir sur la place que la violence et le sexe occupent désormais dans la société. Et pas seulement dans la société américaine !
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/10/10/entretien-avec-stephen-markley/