26 août 2021

L'échiquier du vent

Deux films iraniens coup sur coup ? Pur hasard de programmation. Car entre La loi de Téhéran et l'Echiquier du vent, il y a près de 50 ans d'écart entre les deux réalisations, et presque un siècle si l'on s'en tient aux histoires racontées. Il s'agit pourtant du même peuple, du même pays.

Sorti en 1976, le film n'a jamais été montré en France. Retrouvé par hasard, il a été restauré et le voici présenté pour la première fois à un public occidental. C'est donc un film curieux, un peu déroutant, mais qui ne laisse pas indifférent. 

 Au coeur du film, une immense demeure que plusieurs personnes cherchent à s'approprier, quitte à falsifier ou à brûler des documents, quitte aussi à tuer. La maison constitue un décor somptueux,  luxueux même, avec des boiseries et des tapis épais qui étouffent les sons, des tableaux et de lourdes draperies qui empêchent la lumière de pénétrer.  L'atmosphère y est pesante d'autant plus que l'héritière, cheveux courts et lunettes (traduisez : une femme moderne) est handicapée et ne se déplace que dans un lourd fauteuil en bois, manipulé le plus souvent par sa servante. Dans ce huis-clos étouffant se succèdent meurtres et trahisons, chacun des héritiers potentiels ne pensant qu'à éliminer les autres. 


Les seules scènes d'extérieures montrent des femmes en train de laver du linge autour d'un bassin, qui commentent l'action à la façon du choeur dans une tragédie antique. Une façon de ponctuer l'intrigue et de souligner la présence parmi les femmes de la jeune servante dont on découvre à la fin que son rôle dans l'élimination de l'aristocratie n'est pas anodin.

 Derrière l'esthétique vaguement gothique, il y a en effet un film qui m'a paru très politique puisqu'il montre une aristocratie totalement décadente et oisive, attachée à ses privilèges qui finit par s'autodétruire. Mais la fin de l'histoire reste apparemment à écrire, car le complot auquel a participé la jeune servante a échoué; ne restent au seuil de la maison qu'un jeune garçon et une vieille femme. Et sur ce dernier plan la caméra s'élève dans un traveling qui survole peu à peu la ville entière, dans laquelle la maison était insérée, un plan qui laisse entendre que la maison, c'est aussi un pays dont on ne sait ce qu'il va devenir puisque la caste dirigeante/possédante est désormais éliminée.

Le film de Mohammad Reza Aslani reste aussi intriguant qu'il l'était au début. Un film trop complexe pour n'accepter qu'une seule interprétation. Un film prophétique peut-être ? En tout cas un film à voir.

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