Le Kamtchatka ... trois syllabes qui claquent et déjà l'imagination s'envole loin, très loin, jusque vers cette péninsule de l' Extrême-Orient soviétique.
Pour y trouver deux petites filles, deux adorables chipies, Sophia et Alyona, qui par un beau jour de juillet, reviennent de la plage où elles ont passé l'après-midi et .... disparaissent ! Disparition inquiétante, c'est le terme policier car le roman de Julia Phillips commence bien comme un roman policier. Du genre "on a tout compris!".
Mais non, rien compris du tout puisqu'au chapitre suivant on change non pas de lieu - on est toujours au Kamtchatka - mais de personnages. On est en Septembre et on s'intéresse désormais à Olya et Diana, deux adolescentes à l'amitié tumultueuse. Le chapitre nous donne aussi l'occasion de faire la connaissance de Valentina (la mère d'une des adolescentes) et du policier qui mène l'enquête. Car non, la disparition des petites filles du premier chapitre n'est pas oubliée.
Au chapitre suivant, on est en octobre, et.... inutile de poursuivre le résumé car on comprend rapidement que le roman procède chronologiquement, que chaque chapitre correspond à un mois et introduit de nouveaux personnages, pour la plupart féminins, qui ont nécessairement un lien avec l'événement initial, sans que cela soit bien clair au début, mais peu à peu la certitude s'installe : c 'est un gigantesque puzzle qui est en train de se mettre en place. Au lecteur de retrouver l'ordre initial des pièces.
Dégels, c'est aussi une fresque qui propose une bonne douzaine de portraits de femmes, de tous âges, conditions, professions, situations familiales ou amoureuses. Des enfants, des adolescentes, des jeunes femmes, des mères fatiguées, des célibataires en mal d'amour, chaque personnage étant vu comme de l'intérieur, dans ce flux de la pensée qui se traduit par des gestes ordinaires. Quelques personnages masculins aussi. Evidemment.
Dégels est un roman totalement dépaysant, un roman qui permet de découvrir une contrée non seulement lointaine mais très peu connue parce qu'à part des montagnes, des volcans et des ours, il n'y a pas grand' chose pour attirer les touristes. Mais ça n'a pas manqué, arrivée au milieu du roman j'ai craqué et je suis passée sur Google map pour faire la route avec les personnages, entre Petroplavlosk, la capitale du Kamtchatka (182711 habitants), la région du Nord, Esso (1924 habitants) et Palana, plus au Nord encore, territoire des Evènes, ethnie minoritaire. Car le roman de Julia Phillips, mine de rien, nous en apprend beaucoup sur la société post-soviétique et en particulier sur les relations entre les différentes populations du Kamtchatka.
Dégels en fin de compte c'est toute la littérature que j'aime, celle qui me fait voyager par procuration, y compris et surtout dans des lieux où je n'irai jamais; celle surtout qui, par personnages interposés, m'en apprend un peu plus sur notre humanité.
Le plus étonnant à propos de ce roman aux allures de roman russe, est de découvrir que son auteur, Julia Phillips est américaine, qu'elle parle russe et qu'elle a passé un an au Kamtchatka, un pays que visiblement elle a beaucoup aimé.
https://www.themoscowtimes.com/2011/11/02/welcome-to-kamchatka-a34706
Si le voyage plus que la lecture vous tente, cette photo de Petropavlosk ...
et ce reportage trouvé dans Geo :
https://photo.geo.fr/viree-sauvage-au-kamtchatka-35488#retour-a-l-etat-sauvage-615318
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