28 décembre 2021

Les Amants sacrifiés

Le dernier film de Kiyoshi Kurosawa est un véritable puzzle pour l'esprit, un scenario suffisamment complexe pour maintenir l'attention du spectateur jusqu'au bout, bien que l'attention portée à la reconstitution de l'époque et donc des décors et des costumes ait tendance à l'obnubiler. Ce qui est souvent le cas dans les films historiques. Mais le film a suffisamment d'atouts pour passer outre cette gène passagère.

En 1941, le Japon qui avait envahi la Mandchourie 10  ans plus tôt, continue sa politique expansionniste et joint ses efforts à ceux de l'Allemagne pour détruire l'Occident. Ces faits sont connus, mais les exactions de l'Unité 731 le sont peut-être moins. C'est pourtant de cela que parle le film. Indirectement, car le spectateur est plutôt incité à s'intéresser à  la relation de couple entre Yusaku et Sakoto. Lorsque Yusaku, jeune homme d'affaires prospère, rentre de Mandchourie, il n'a qu'une idée en tête, témoigner de ce qu'il a vu, le faire savoir, preuves à l'appui qu'il s'agit de transmettre en Amérique. Un lanceur d'alerte  donc plus qu'un espion. Sa femme soupçonne une relation adultérine, mais lorsqu'elle apprend la vérité elle joint ses efforts à ceux de son mari sans qu'il soit possible de distinguer ce qui relève de la passion amoureuse ou de l'amour de la vérité. 

Le film joue parfaitement de l'ambigüité de cette relation, comme elle joue des hésitations du 3e personnage, militaire intransigeant et cruel, secrètement amoureux de Sakoto. Chacun soupçonne chacun  et chacun, à un moment ou à un autre joue un double jeu, en essayant, comme aux échecs, de trouver la stratégie gagnante. En tout cas, une chose est sûre, en plaçant le film sur le plan sentimental plutôt que sur le plan idéologique, Kiyoshi Kurosawa gagne sur les deux plans. Car dans tous les conflits politiques ce ne sont pas seulement des idées qui s'affrontent, mais bien des individus avec un vécu, un ressenti, des émotions.  Des individus amenés à faire des choix parfois déchirants.

26 décembre 2021

Rose



Je me réjouissais de retrouver Françoise Fabian dans ce film, et effectivement elle est à la hauteur de sa réputation. Mais le film d'Aurélie Saada est franchement lourdingue, avec une scène d'ouverture brouillonne qui n'en finit pas et la suite à l'avenant.  Situer le récit dans une famille juive séfarade n'apporte rien et ne fait qu'encombrer le film. L'histoire de cette vieille dame qui, une fois veuve, découvre la liberté sans rien perdre de sa dignité, avait pourtant un potentiel, mais je trouve que depuis quelque temps la vieillesse, la maladie et la mort envahissent un peu trop les écrans. Certes, ceux qui se déplacent encore dans les cinémas pour y voir des films d'auteurs sont majoritairement les têtes blanches mais ce n'est pas une raison pour nous bassiner avec des histoires de vieux, comme si les vieux ne s'intéressaient plus qu'à eux-mêmes ! Et bien non ! Ils s'intéressent encore et toujours à la vie, au tourbillon de la vie, surtout en ces mois de détresse.

21 décembre 2021

Un Héros

En sortant du film d'Ashgar Farhadi, on se dit d'abord que l 'Iran est vraiment  le pays des combines et des magouilles, la nuance entre les deux étant aussi fine qu'entre immoralité et illégalité. On se dit ensuite que les arcanes de la justice sont décidément aussi compliquées qu'incompréhensibles. Pourtant il n'y a pas dans Un Héros, l'ombre d'un ayatollah ! Ce qui laisse entendre qu'il ne s'agit pas de religion, à peine de politique, mais seulement de comportements humains et d'individus pris au piège de leurs mensonges et des effets médiatiques. Les deux combinés mènent nécessairement à la catastrophe.

Alors oui, l'histoire se passe en Iran et les femmes portent un voile sur la tête, mais elle pourrait se passer n'importe où, y compris en France. 


Asghar Farhadi monte un scénario diabolique qui entraîne ses personnages dans une succession de découragements et d'espoirs, de succès et de défaites, un jeu de montagnes russes émotionnelles aussi passionnant qu'éprouvant pour les spectateurs qui ne sauront jamais où placer le curseur de la vérité. Rahim est un homme dont les médias ont fait un héros parce qu'il a rendu l'argent trouvé dans un sac à sa propriétaire.  Mais était-ce bien sa propriétaire ? Et était-ce bien lui qui l'avait trouvé.  Et n'est-il pas en prison pour de bonnes raisons ? Victime ou coupable ? Héros ou escroc? Quant à son créancier, est-il bien l'infâme usurier que l'on voudrait nous faire croire ou un homme généreux qui a sacrifié la dot de sa fille pour rendre service à Rahim et le sortir d'un mauvais pas ? Rahim dans ce cas ne serait qu'un ingrat, un égoïste, qui embarque sa famille dans ses combines, jusqu'à utiliser la fragilité de son fils ?  Tout, dans le film est à l'avenant, on ne sait jamais qui ment, qui dit la vérité et les apparences, c'est bien connu, sont souvent trompeuses. 

Démêler le faux du vrai n'a rien d'évident, mais quand les médias et les réseaux sociaux s'en mêlent, le moindre geste, le moindre propos est immédiatement commenté, amplifié, répercuté à l'infini ... 

Dans le poème de Goethe dont Dukas s'est inspiré pour composer L'Apprenti sorcier, le retour du maître met fin au débordement. Mais dans le film de Farhadi, il n'y a personne pour arrêter le désastre annoncé auquel chacun contribue en croyant pourtant bien faire.

19 décembre 2021

Chère Léa

 "Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli ..." C'est plutôt rigolo de voir un réalisateur d'aujourd'hui se plier aux injonctions de Boileau. Enfin presque par ce que, en fin de compte, "le fait accompli " ne l'est pas vraiment. La lettre que Jonas commence d'écrire pour reconquérir la femme qu'il aime ne sera jamais achevée et la femme  .... non je ne le dirai pas. parce que parfois, on perd un peu de vue l'objectif premier de Jonas tant sa journée est riche en événements et tant la vie d'un café de quartier est pleine d'imprévus. 


Il faut dire que le patron de café qui lit par dessus l'épaule du client, et se transforme en conseiller littéraire, ce n'est pas banal ! Un très joli rôle en tout cas pour Gregory Gadebois, parfait, avec ses airs bonasses, pour répondre au très tourmenté Gregory Montel. 

Un dialogue affûté, un  scénario qui tient sur un fil, de la drôlerie, de la légèreté, de la tendresse : juste le film qu'il faut pour se changer les idées sans se prendre la tête.

Margaret Wilkerson Sexton, Un Soupçon de liberté

J'aurais aimé ne dire que du bien de ce roman qui raconte l'histoire d'une famille afro-américaine de la Nouvelle-Orléans sur trois générations : juste après la 2e guerre, mondiale, dans les années 80 et  au début des années 2000. Le contexte historique et social est parfaitement étudié puisqu'il montre à quel point le racisme détermine la vie des personnages qui pourtant s'acharnent à lutter pour se faire une place dans la société.  

Un bon roman donc, mais qui cède à cette manie de casser la chronologie naturelle du récit pour changer sans cesse d'époque. Une prise de tête inutile qui casse l'élan de la lecture. La technique est ici parfaitement appliquée et Margaret Wilkerson Sexton s'accommode très bien de cette contrainte. Mais c'est un exercice de virtuosité qui n'apporte rien au roman et qui m'exaspère parce qu'il semble répondre plus à une mode ou à une prescription d'atelier d'écriture qu'à une nécessité littéraire. 

Comme il s'agit d'un premier roman, on peut espérer que l'auteur prendra de l'assurance et se détachera rapidement des influences pour imposer sa propre voix, car elle sait faire vivre des personnages, leur donner la parole et provoquer chez le lecteur la curiosité qui fait tourner les pages. 


17 décembre 2021

Madres parallelas

Un film d'Almadovar, ça ne se manque pas. Même si certains de ses films sont parfois un peu décevants, je n'ai pas pris beaucoup de risques en allant voir Madres parallelas.  Et celui-ci est tout à fait réussi. Sa réussite tient essentiellement il est vrai au charme et au talent de Penelope Cruz, parfaite dans son rôle de femme à la fois forte et fragile. Forte parce qu'elle accepte une grossesse inattendue et néanmoins bienvenue. Fragile quand elle se laisse emporter par ses émotions. Forte encore parce qu'à une liaison mal partagée, elle préfère un célibat assumé ....  Une femme sans préjugés mais forte de ses valeurs.

 

Avec Janis et Ana (la deuxième mère de l'histoire),  on s'embarque pour un tourbillon d'événements et d'émotions, on passe du rire aux larmes, de la tragédie à la comédie sans avoir le temps de souffler mais avec l'impression de circuler dans un monde que l'on connaît déjà, celui des préoccupations et des fantasmes du réalisateur : la maternité, la condition féminine, l'identité sexuelle et bien sûr l'histoire de l'Espagne. C'est d'ailleurs ce dernier point qui paraît non pas sans intérêt, mais raccroché de façon un peu artificielle à l'histoire principale.  Connaître son passé pour mieux vivre son présent... la formule s'applique à l'enfant nouveau-né aussi bien qu'à l'Espagne, certes, mais le propos est pour le moins convenu. 


16 décembre 2021

Sylvie Tanette, Maritimes

Que voilà un joli petit livre. Un de ces livres que l'on n'éhsitera pas à recommander, à prêter ou à offrir. Pas prise de tête pour un sou, juste une belle échappée loin de notre grisaille hivernale. 

Car l'histoire se passe dans une île méditerranéenne. Toute petite, avec juste quelques habitants qui se connaissent tous et se contentent de ce qu'ils ont, c'est-à-dire très peu. Mais le soleil, la mer ... Le continent est loin assez loin pour se croire à l'abri de la dictature.

Un jour débarque du ferry,  qui malgré tout relie l'île au continent, un jeune homme beau comme un dieu grec, qui ne demande rien, juste une chambre pour y loger. Il s'installe, discrètement, participe à la vie de l'île, devient l'un des leurs.... 

Mais raconter l'histoire serait priver le lecteur du plaisir de sa découverte, serait trahir la beauté du récit, la légèreté de l'écriture pour un récit qui pourtant ne manque pas de gravité. Car Maritimes est un roman qui tient du conte et de la poésie. Une histoire simple pour les coeurs simples ? Mieux que cela, un roman lumineux qui rappelle sans insister ce que signifie faire cause commune pour mieux résister à une dictature. 




Matin givré


 

15 décembre 2021

West Side Story

Aller, ne pas aller voir West Side Story ? 

La question est presque shakespearienne. Pour qui a vu et revu le film de Robert Wise et Jerome Robbin, le "remake" était quasi impensable et Spielberg,  malgré sa réputation, ne pouvait être à la hauteur de ses prédécesseurs.

Pourtant j'ai été voir West Side Story et si je ne suis pas sortie de la salle de cinéma aussi enthousiaste qu'il y a ... 40 ans, le film ne m'a pas déplu. Il m'a paru plus ancré dans la réalité, celle de la rivalité entre anciens et nouveaux immigrants, qui pouvait passer, en 61, pour une convention scénaristique, pour la version Nouveau-Monde du vieux conflit entre Capulet et Montaigu, mais qui, après les années Trump, souligne l'échec du rêve américain supposé donner à chacun sa chance quel que soit sa couleur de peau.

Ceci dit, je ne crois pas qu'il faille comparer point par point les différences entre les deux films, comme le fait Richard Brody dans le  New Yorker.  Il vaut mieux,  pour apprécier le film, se laisser porter par la musique de Bernstein, se laisser emporter par l'énergie, la vitalité de la chorégraphie magnifiée par les couleurs,  et se laisser émouvoir par une histoire d'amour aussi vieille que le monde.

https://www.newyorker.com/culture/the-front-row/review-steven-spielbergs-west-side-story-remake-is-worse-than-the-original

05 décembre 2021

Katharine Dion, Après Maïda

Voilà au moins un roman qui m'aura appris ce que j'aime vraiment en littérature. Après Maida est un bon livre, qui plaira j'en suis certaine, à de nombreux lecteurs, bien que le thème principal - le deuil - soit un peu tristounet. Je l'ai lu sans déplaisir, mais hélas sans passion. 


Le personnage de Gene, veuf éploré -  un peu mais pas trop - est pourtant parfaitement campé. Sa femme, la Maida du titre, est morte et il doit rédiger une oraison pour la cérémonie organisée un an plus tard à titre de commémoration. C'est l'occasion pour lui de replonger dans ses souvenirs :  sa rencontre avec Maïda, sa relation le plus souvent houleuse avec sa fille, et l'amitié indéfectible d'Ed et Gayle, une traversée de vie et un présent vaguement cahotique dont l'amour ou au moins le sexe n'est pas totalement absent. Ce que Katharine Dion raconte, c'est donc l'histoire d'un individu, d'un groupes d'individus plus exactement; c'est bien observé, bien mis en scène, les dialogues sont parfaits, le passage du temps, les attentes, les déceptions, les malentendus ... un très bon roman donc pour ceux que la découverte de la psyché des autres passionne.

Mais ce qui manque à ce roman, c'est, à mes yeux,  une dimension sociale. Ces individus ne représentent  rien d'autres qu'eux-mêmes et ne nous disent rien, ou si peu de la société dans laquelle ils vivent, des courants, des forces qui la traversent.  J'avais parfois l'impression de lire un manuel de psychologie. Coince entre anamnèse et introspection, j'ai fini par m'ennuyer.

04 décembre 2021

Ratée la photo ?

Moi, j'aime bien. 



03 décembre 2021

Aline

On espère pour elle qu'elle s'est bien amusée parce qu'Aline est un film de Valérie Lemercier, par Valérie Lemercier et avec Valérie Lemercier. En effet l'actrice, qui tient le rôle principal, est pratiquement de tous les plans.  Et joue avec une fougue qui reflète le dynamisme de la mise en scène. Alors oui on peut saluer ses efforts pour transformer ce vrai/faux biopic en comédie musicale, qui tourne souvent au roman-photo. Parce que c'est avec des yeux de midinette que Valérie Lemercier reconstitue l'histoire de cette petite fille pauvre devenue star à force de talent, de travail et de chance.


Il est vrai que je ne connais pas par coeur les chansons de Céline Dion et que je n'ai suivi de près ni de loin sa carrière ou sa vie privée. Mais je reconnais que le film est plein d'énergie et que la trajectoire de la chanteuse canadienne partie de peu pour arriver si haut a de quoi fasciner. Même si officiellement il ne s'agit pas de Céline Dion mais d'Aline Dieu. Et surtout de Valérie Lemercier qui aurait peut-être quand même dû laisser sa place à une doublure pour jouer le rôle de Céline enfant. Une convention comme une autre, mais plus crédible me semble-t-il que les effets techniques et les mimiques infantiles qui frôlent la caricature. 


30 novembre 2021

Boîte noire

 Cela faisait un sacré bout de temps qu'il était sur ma liste et vraiment, cela aurait été dommage de le manquer : un vrai polar, bien ficelé, en dépit de quelques toutes petites invraisemblances (plonger la nuit dans un étang quand on est myope et y retrouver l'élément décisif ???). Mais bon, c'est du cinéma, pas la vraie vie et tout ce que l'on veut c'est que l'on nous raconte une histoire qui nous tient en haleine parce que l'on hésite sans cesse entre deux pistes, deux interprétations possibles. Qui a raison ? Lui ou les autres ? Il y a vraiment eu magouille ou il est de plus en plus parano ? 

Une chose est certaine néanmoins : après avoir vu le film, je n'ai aucune envie de jamais conduire une voiture automatique et encore moins de prendre un avion dont le système de pilotage pourrait être détourné par un quelconque malveillant. Même si certains s'obstinent à parler d'intelligence artificielle ! 

29 novembre 2021

L'Albatros

Oui c'est une histoire de gendarme. Et oui c'est une histoire de bavure : Laurent, commandant de la brigade de gendarmerie d'Etretat tue celui-là même qu'il voulait sauver.

 L'intérêt du film de Xavier Beauvois est de porter son attention non pas sur la victime, le paysan au bord du suicide, mais sur le coupable, le gendarme qui voulait justement l'empêcher de se suicider. Et pour cela il commence par montrer le bonhomme, dans sa vie professionnelle comme dans sa vie familiale. Un type bien sous tous rapports que son geste malencontreux bouleverse totalement comme il bouleverse sa famille et ses collègues. Car il s'agit là non pas de justice, non pas de plaider la légitime défense dans un éventuel procès. Non ! Il s'agit avant tout de conscience : Laurent porte le poids de la responsabilité dans la mort d'un homme, une souffrance incommensurable qui risque de le faire sombrer.

C'est donc bien une réflexion morale que Xavier Beauvois propose au spectateur, mais à travers un film construit comme un polar et des acteurs, Jérémie Reiner et Marie-Julie Maille parfaits dans leurs rôles.

28 novembre 2021

Trésors de Venise à l'hôtel Caumont

 C'est le nom de l'exposition actuellement en cours à l'Hôtel de Baumont. En fait il s'agit d'oeuvres remarquables sorties de la collection Giorgio Fini. 

Il est toujours plaisant de retrouver les grands noms de la Renaissance italienne, qu'elle soit toscane, vénitienne ou ferraraise. Plaisant aussi d'y voir mêlées quelques oeuvres contemporaines comme ce triptyque d'Ettore Spaletti ...

 

... directement inspiré du Christ Rédempteur de Sano di Pietro.  Le Christ à la tunique rose. 

De quoi s'interroger sur l'évolution de la peinture, sur ce qu'un artiste contemporain, qui a fait des couleurs son terrain de jeu, retient d'une représentation religieuse du XVe siècle : le rose et l'or.  A moins qu'il ne faille voir dans la forme retenue, celle des retables, un vestige du sens du sacré ? Qu'importe la réponse, il est bon de s'interroger.

 
 

Et je m'interroge depuis longtemps sur l'accessibilité de la peinture religieuse pour ceux qui n'ont reçu ni éducation religieuse, ni éducation artistique. 

Que peut bien signifier ce bonhomme avec une hache ensanglantée dans la tête ? L'image est certes un peu glauque, mais le gros plan permet d'apprécier le rendu quasi photographique du visage ou de la main.

 

Il n'est pas interdit d'ailleurs de porter un regard iconoclaste sur ces tableaux et de remarquer que les braies déchirées du jeune berger ne sont pas très différentes des jeans trouées d'aujourd'hui. Pauvreté d'un côté; effet de mode de l'autre. 

Quant à Joseph, il semble ici se désintéresser totalement de son hypothétique paternité et dormir du sommeil du juste. Mais sur quoi est-il assis et que fait ce sac à ses pieds ?


Les tableaux de la Renaissance, lorsqu'ils sont scrutés de près, on toujours beaucoup à offrir. Même aux néophytes. Ou à ceux qui refusent de se laisser engluer dans le discours savant des cartels.

27 novembre 2021

L' Hôtel de Caumont

Je suis loin d'avoir épuisé les charmes d'Aix en Provence d'autant que je cantonne souvent mes pas au quartier Mazarin et aux petites rues proches du centre d'art Caumont, où je reviens régulièrement sous prétexte d'une exposition.

Mais avant d'être centre d'art, Caumont était un hôtel particulier, joyau architectural du 18e siècle et à ce titre représentatif d'une certaine esthétique bourgeoise, superbement conservée lors de sa dernière restauration.

  https://www.caumont-centredart.com/un-peu-dhistoire 

Mais si l'on accède aux étages d'exposition par le grand escalier monumental, on redescend  - Covid oblige - par l'escalier de service qui à mes yeux a tout autant de charme.

Le charme de la simplicité! 

Une simplicité toute provençale si le regard se porte vers les pied de l'escalier, les tomettes et la rampe. Une simplicité qui, pour peu que l'on regarde vers le haut, le rapproche de la modernité et de la formule si souvent citée de Mies van der Rohe : "Less is more"

  

Une vue qui frôle l'abstraction.

25 novembre 2021

Amants


 

Voilà un film bien décevant. Un triangle amoureux, soit ! Mais avec autant de préjugés que de poncifs. 

Cela commence par une relation passionnelle et très charnelle entre une jeune fille - qui travaille dans l'hôtellerie  - et son jeune amant, dealer, mais dans les quartiers chics ! Une overdose, un homme mort sous leurs yeux. L'amant prend la fuite pour échapper à la justice. Tant pis pour la morale. 

On les retrouve 3 ans plus tard, aux Maldives ou à l'île Maurice, en tout cas dans un hôtel de luxe. Lui est plagiste, elle est venue en touriste avec son mari, riche forcément ! Et Suisse accessoirement ! 

Je continue ? 

Difficile vraiment de s'intéresser à ces individus si ce n'est pour conclure que l'argent ne fait pas le bonheur, pas plus que l'absence de moralité. Dommage ! J'attendais bien mieux d'un film de Nicole Garcia.


 

19 novembre 2021

Abstractions ?


Pas vraiment !

  


18 novembre 2021

17 novembre 2021

Paris en octobre (bis)




En gris, en bleu ...


mais vertical !


 

16 novembre 2021

Paris en Octobre


Paris tout bleu ...

 

Paris tout gris, avec juste un peu de rose ...


15 novembre 2021

Maggie O'Farell, Hamnet

A force de trop lire, le plaisir de la lecture s'estompe parfois. Mais il suffit de retomber sur un très bon livre, pour que le plaisir réapparaisse, encore plus intense. Pourtant ce n'était pas gagné : un roman inspiré en partie par la biographie de Shakespeare, alors que l'on sait très peu de choses sur la vie du grand dramaturge.... Visiblement, c'est ce "très peu de chose" qui a permis à Maggie O'Farrell de tout imaginer ou presque et avec quel talent !


Dès les premières pages, le roman emballe par la précision des descriptions, qu'il s'agisse de faire le portrait d'un personnage ou de décrire un lieu. Cela pourrait être ennuyeux, c'est juste époustouflant de justesse, de verve, de délicatesse. Et lorsqu'il s'agit de faire vivre ses personnages Maggie O' Farrell fait preuve d'une inventivité aussi étonnante : une famille mal recomposée, une jeune fille fantasque, un frère très protecteur, une autre famille ruinée par les magouilles d'un père autoritaire et violent,  un adolescent rêveur ... l'histoire d'amour entre la jeune fille à la crécerelle et le jeune précepteur est bien trop romanesque pour être tout à fait vraie, mais qu'importe ! On se laisse emporter par la fougue du récit, jusqu'à ce que la tragédie survienne. C'est le moment où la lecture devient difficile parce que soudain tout devient trop réaliste, et que le chagrin d'une mère est incommensurable. C'est le moment aussi où l'on se dit que l'écriture de Maggie O'Farrell est trop efficace et que loin d'épargner son lecteur, elle le plonge dans un deuil insupportable. Alors on tourne la tête, ou plutôt les pages, on saute un paragraphe pour reprendre un peu plus loin. Non, ce n'est pas une lecture orthodoxe. Mais on lit comme on peut !  Car quelle que soit la part de la fiction dans le récit et quelle que soit la distance historique, c'est de la mort d'un enfant qu'il s'agit.

En tout cas une chose est sûre, dès que j'en aurai l'occasion, je lirai un autre roman de Maggie O'Farrell, tellement plus passionnant que les auto-fictions et les romans bricolés pour coïncider avec les préoccupations du moment.


09 novembre 2021

Bonnard

Que du vert ! 

Alors qu'on est depuis un certain temps entré dans l'automne, de l'exposition Bonnard actuellement présentée au musée de Grenoble,  je n'ai retenu que du vert !


 "Des verts", serait plus exact tant sa palette est variée quand il s'agit de travailler cette couleur.

 

 

  

Du vert, donc. Et un peu de bleu aussi ...

 Parfois même beaucoup de bleu. Mais toujours du vert !


Mais j'avoue que pour apprécier les tableaux de Bonnard, il m'a d'abord fallu les dépouiller des lourds cadres dorés. Et ne retenir, comme le suggérait le titre de l'exposition,  que les couleurs et la lumière, les formes étant au mieux évanescentes, voire insaisissables... Bonnard ou l'éloge du flou ?

C'est alors que me sont revenus en mémoire les vers de Verlaine dans son Art poétique

        De la musique avant toute chose,
        Et pour cela préfère l'Impair
        Plus vague et plus soluble dans l'air,
        Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
        [...]
        C'est des beaux yeux derrière des voiles,
        C'est le grand jour tremblant de midi,
        C'est, par un ciel d'automne attiédi,
        Le bleu fouillis des claires étoiles !

        Car nous voulons la Nuance encor,
        Pas la Couleur, rien que la nuance !

Bonnard, peintre de la nuance !


08 novembre 2021

Automne


             Oh! L'automne l'automne a fait mourir l'été

             Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913


06 novembre 2021

Compartiment n° 6

 Un film d'un réalisateur finlandais, Juho Kuosmanen, mais qui se passe en Russie, entre Moscou et Mourmansk, une ville au--delà du cercle polaire.  Un huis-clos à deux personnages, mais dans un train qui parcourt plus de 2000 km de voie ferrée. Et pour cultiver l'art du paradoxe, le scénariste invente deux personnages qui n'ont, au départ, absolument rien en commun. Mais là on retombe dans le cliché. Ce qui en soi n'est pas désagréable parce que les deux personnages sont suffisamment intrigants pour maintenir l'intérêt tout au long du film.

Elle, la Finlandaise, venue à Moscou pour étudier le russe part seule pour un voyage qu'elle devait faire avec son amie, avec l'intention de voir les pétroglyphes de Kanozero  Lui part pour travailler dans les mines et gagner de l'argent. Solitaires tous les deux, ils n'ont ni la même éducation, ni la même culture, commencent par se mépriser avant de s'écouter et d'apprendre à se connaître. 

Pas de suspens haletant dans ce film mais un intérêt constamment maintenu entre l'évolution de la relation entre les deux personnages d'une part et le tableau que fait Juho Kuosmanen de la Russie d'autre part,  entre crasse et misère, entre rigueur soviétique et générosité slave. La séquence finale  dans la neige et le froid est particulièrement éblouissante et l'on sort du cinéma avec l'idée que le rustre grossier a ramené vers la vie la jeune renfrognée.

The French dispatch

Pas tout à fait un film, plutôt une série de sketchs, plus ou moins réussis. Bien sûr on connaît la touche Wes Anderson,  et je sais que son cinéma, aussi inventif que drôle se démarque de la production habituelle. Sa réputation lui permet d'ailleurs de réunir une floppée de bons acteurs. Mais là je me suis franchement ennuyée. 

Son Paris de pacotille, les couleurs suaves du décor, le jeu étriqué des acteurs transformés en marionnettes ... je sais bien que le cinéma n'est que faux-semblant, que les décors sont en carton et les clairs de lune artificiels, mais encore faut-ils qu'il y ait un peu d'aventure, un peu d'émotion, quelque chose de vrai, pour que le spectateur s'emballe. Ben non, pas d'emballement. Tout est bien trop calculé.



05 novembre 2021

Vivian Maier

 

 Deux expositions déjà à Grenoble, une autre au Jeu de Paume ... le livre de Gaelle Josse, Une femme en contre-jour ... je croyais en savoir déjà pas mal sur Vivian Maeir, mais l'exposition du musée du Luxembourg a non seulement confirmé l'intérêt que je porte à cette photographe, mais complété le peu que je savais de son travail. 

 

En choisissant de juxtaposer, quand c'était possible, des tirages qui datent du vivant de Vivian Maier et des tirages récents, Anne Morin, commissaire de l'exposition, n'élude pas la polémique, mais elle pose la question de l'identité artistique : les photos de Vivian Maier n'existent, pour la plupart, que sous forme de négatifs. On ne peut donc savoir comment elle aurait choisi de les tirer, de les recadrer éventuellement, d'accentuer les noirs ou les gris etc.... elle  ne les a pas signées... Soit ! Mais Schubert, Beethoven ont bien laissé des symphonies inachevées, et Mozart un requiem; on ne conteste pas pour autant leur art. La juxtaposition des tirages permet en tout cas de s'interroger sur les choix possibles.

L'exposition surtout permet de mieux cerner les sujets préférés de Vivian Maier en particulier sa frénésie à capturer son propre visage dans le moindre reflet, une vitrine, un rétroviseur, un miroir... mais plus encore son insatiable curiosité pour le monde qui l'entoure, l'attitude des passants dans la rue, des enfants dans une voiture, des chaussures, des journaux .... mille et un petits détails insignifiants que son oeil sait percevoir et que son objectif met en valeur, leur octroyant le statut de nature morte et partant d'oeuvre d'art. De toute évidence, pour Vivian Maier il n'y a pas de sujet plus noble qu'un autre. C'est le regard qu'elle pose sur l'objet le plus humble qui lui confère sa noblesse.

Voir des photos de Vivian Maier, c'est apprendre à regarder le monde plus attentivement. Passablement inspirant non ?

04 novembre 2021

Accord subtil...

... entre la tenue de la visiteuse (anonyme)  et l'oeuvre photographiée.

 


 

Othoniel

Pas plus ludique que les oeuvres de Jean-Michel Othoniel exposées au Petit Palais ! Pas de prise de tête, pas d'interrogation métaphysique, juste le plaisir des yeux.  



Dans le jardin, on se laisse surprendre par le chatoiement des boules dorées, qui jaillissent et retombent entre les feuillages comme le ferait l'eau des fontaines.

 

Sous la galerie on peut s'approcher suffisamment des sphères entremêlées pour suivre l'entrecroisement labyrinthique des courbes et surtout on joue à voir son reflet déformé et multiplié dans le miroitement des boules argentes. 

 Au sous-sol la couleur prend le dessus. Couleurs froides, mais sans exclusivité.  On aimerait avoir pour soi seul l'espace entier pour en jouir égoïstement. ... Mais ce matin là, il y a foule dans les galeries du Petit Palais.

 





03 novembre 2021

Georgia O'Keeffe

En réservant mon billet pour l'exposition O'Keeffe, je craignais le pire. Parce que toute la communication autour de cette exposition semble tourner autour de ses tableaux de fleurs, qui, pour beaucoup, ressemblent  à des sexes féminins. A chacun ses fantasmes !


Des images de fleurs, il y en a effectivement quelques unes, ne serait-ce que sur l'affiche supposée attirer les visiteurs. Mais sur les cimaises du centre Pompidou, il n'y a pas que des tableaux de fleurs. Ouf !

Il y a, en fait dans cette exposition, beaucoup d'autres tableaux, qui montrent bien la diversité de l'oeuvre, et mettent en valeur l'audace, l'originalité, et le caractère bien trempé de Georgia O'Keeffe. 

Alors loin d'être déçue, j'ai aimé retrouver ces paysages du Nouveau-Mexique, ces collines pierreuses et ravinées qu'elle voyait tous les jours depuis sa maison d'Abiqiu au Nouveau-Mexique. 

https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/Xz1GSc9

Figurative, sa peinture est le plus souvent d'une grande simplicité, surtout quand il s'agit de peindre des paysages. 

 

et l'on ne s'étonne pas de voir le motif disparaître au profit des lignes seules, toujours très souples,  et des couleurs. Surtout les couleurs !

 
Car Georgia O' Keeffe est avant tout, à mes yeux du moins, une coloriste.  Et j'aime par dessus-tout la fluidité de ses formes, des courbes qui se roulent en spirales et entraînent l'imagination du visiteur vers des contrées vaporeuses et même un peu molles, comme les montres de Dali
 

 Mais à peine lovée dans des volutes de douceur, on se retrouve soudain devant des espaces géométriques, des représentations aussi épurées que les façades en pisé des maisons de Santa Fe. 

 


Représentations que la couleur vient totalement modifier dans un autre tableau, totalement époustouflant ! 

D'un coup de pinceau, Georgia O'Keeffe abolit la frontière entre figuratif et abstraction.