09 février 2020

Délia Owen, Là où chantent les écrevisses


Ce premier roman de Delia Owens est un vrai plaisir de lecture ne serait-ce que parce qu'il nous entraîne bien loin de nos petites vies, plates et ordinaires. N'est ce pas ce que l'on attend d'un bon roman ?

Cela commence par un cadavre retrouvé dans un marais de Caroline du Nord. Rapidement le shérif et son adjoint soupçonnent un meurtre, mais toutes les traces étant effacées, la piste du meurtrier va être difficile à remonter.  Les soupçons se portent pourtant assez vite sur "la fille du marais", une sauvageonne qui vit seule dans une cabane au fond des bois, à la limite de la terre et de l'eau.



Le roman commence et se termine comme un polar, mais là n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est l'histoire de cette sauvageonne, qui se retrouve seule à l'âge de 5 ans parce que le reste de sa famille, sa mère, ses soeurs et ses frères ont fui la violence du père. Le roman bascule alors vers une histoire à la Robinson Crusoë : comment survivre dans l'isolement le plus total avec les seules ressources de la nature? C'est à ce moment là que le roman prend son envol. Parce que la gamine curieuse et attentive apprend peu à peu tous les secrets du marais, connaît mieux que personne ses plages de sable ou de galets, ses clairières, ses courants, sa faune et sa flore; elle se déplace sur l'eau comme sur terre avec l'aisance d'un animal et surtout écoute, observe, glane et collectionne les coquillages, les plumes, qu'elle dessine sur des morceaux de papier brun. La façon dont Kya, l'enfant sauvage s'inscrit dans la nature est certainement l'aspect le plus fascinant du roman.

Les années se succèdent et Kya parvient à survive dans la solitude la plus totale,  à la rare exception de quelques personnages dont elle croise le chemin :  Tate, qui partage avec elle l'amour du marais, Jumping et Mabel, le couple que leur couleur de peau condamne à vivre à l'écart de la bourgade - on est dans le Sud, dans les années 50 et la ségrégation est encore de mise. Et cet aspect du roman est aussi bien vu, et sonne tout à fait juste.

Comme Harper Lee dans Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, Delia Owens parvient avec quelques personnages seulement à  reconstituer une petite communauté blanche avec ses habitudes, mais surtout ses préjugés, ses mesquineries. Et il est amusant de constater que sa connaissance du monde animal  (Delia Owens est diplômée en zoologie) lui permet d'expliquer les comportements humains par référence à celui des animaux. A l'inverse de ce que faisait ce bon vieux Jean de La Fontaine  !

Quelles que soient les références qui viennent à la mémoire à la lecture de ce roman elles s'effacent devant le plaisir que l'on a à pénétrer dans un univers décrit avec une telle minutie que l'on croit voir chacun des détails de cet environnement aussi mystérieux que somptueux et que l'on partage à chaque page l'émerveillement de Kya.

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