30 novembre 2022

Mois de la photo : Gérard Staron

Ce sont les premières photos que l'on trouve en entrant dans la grande salle de l'ancienne bibliothèque. Des photos associées deux par deux et complétées par un texte. La première photo est celle d'une maison, vue de l'extérieur. La deuxième est une photo prise à l'intérieur, un coin de décor, un groupe d'objets... Et le texte ? Et bien,  le texte parle de celui ou celle qui habite là. Le procédé est simple et tout à fait fascinant. Car très vite on se demande quelle est la part de vérité, quelle est la part de l'invention. 

 

Entre réalité et fiction, Gérard Staron met en évidence le pouvoir de la photographie qui s'efforce de capter le réel de la façon la plus objective possible, alors même qu'elle offre à l'imagination un tremplin extraordinaire.  Un jeu auquel chacun peut se livrer : parmi les nombreuses et souvent surprenantes maisons proposées par le photographe, en voici une ...  A vous d'imaginer l'intérieur, d'inventer le personnage qui va avec  ... et de courir au musée place de Verdun, voir ce que Gérard Staron en a fait. Mais attention, à ce jeu là, il est imbattable !

Et sur son site, bien d'autres photos à découvrir. Et pas seulement des maison !
http://www.gerard-staron.com/

Parmi toutes les propositions, j'avoue que le portofolio Off season colors m'a particulièrement séduite.

http://www.gerard-staron.com/portfolio-couleur/off-season-colors/off-season-colors-consequences.html

29 novembre 2022

Aucun ours

Non, le film n'est pas facile, car oui, les fils sont un peu difficiles à démêler, mais ce que Jafar Panahi a à dire sur l'Iran, sur la difficulté de faire un film en Iran, même - surtout? - quand on est un cinéaste reconnu et estimé à l'étranger, mérite bien que l'on s'arrache à nos habitudes. 

D'abord et avant tout, il y a la frontière entre l'Iran et la Turquie, ce territoire interdit où l'on ne peut s'aventurer que de nuit et où il n'existe que deux pistes, celle des passeurs ou celles des contrebandiers et elles sont aussi dangereuses l'une que l'autre. 

Ensuite il y a la petite chambre rustique où Jafar Panahi s'est réfugié en comptant sur les réseaux informatiques pour diriger, à distance et avec l'aide d'un assistant, l'équipe de tournage qui se trouve de l'autre côté de la frontière. Mais dans ce village perdu de l'Est de l'Iran, les réseaux fonctionnent mal et sont souvent coupés. Le film n'avance pas. 

D'autant que les deux acteurs principaux, ne pensent qu'à une chose, obtenir leurs passeports pour pouvoir s'installer en France. Cela fait plus de 10 ans qu'ils attendent. 

Enfin il y a le village et ses habitants, dont la vie est depuis toujours dominée par les traditions comme celle qui consiste à attribuer dès sa naissance une fille en mariage à un homme. Peu importe qu'arrivée à l'âge de se marier, elle l'aime ou pas. Le mariage n'a  de toute façon rien à voir avec l'amour. Et si l'amour s'en mêle, le village entier va s'emmêler. Jusqu'au pire évidemment. 

Bien qu'il soit parfois drôle, Aucun ours n'est pas un film optimiste. Loin de là. Et le message du cinéaste est parfaitement claire. L'oppression est religieuse, politique, mais elle est aussi le fait des traditions immuables, de l'incapacité des êtres humains à changer, à évoluer.

Jafar Panahi, qui en 2010 avait été condamné à 6 ans d'emprisonnement, mais laissé en liberté conditionnelle avec interdiction de filmer ou de prendre la parole en public, a été arrêté en Juillet de cette année et se trouve actuellement en prison.

27 novembre 2022

Sophie Poirier, Le Signal


Le Signal.  Depuis 1970, cet immeuble bien banal de quatre étages se dresse face à la mer. Mais la mer a eu raison de l'immeuble,  et avec lui, des rêves de ceux qui avaient placé leurs économies dans un appartement avec "vue sur mer".

Sophie Poirier ne découvre l'immeuble qu'en 2014, quand il a déjà été vidé de ses habitants, squatté et vandalisé. Mais le charme opère toujours, parce que le bâtiment a beau être dégradé, les vitres éclatées, les murs tagés, la mer est toujours là, de plus en plus proche. Et Sophie est "tombée en amour" pour ce bâtiment.. Même lorsqu'après désamiantage, il ne reste que le béton brut, depuis la dune de l'autre côté de la route, elle observe une carcasse dont "chaque ouverture, à chaque étage, semble remplie d'océan. On voit la mer partout à travers." 

L'histoire du Signal a souvent fait la une des journaux parce qu'elle marque trop bien l'insouciance des hommes, leur refus de prendre en compte l'accélération du dérèglement climatique, le réchauffement de la planète et la montée des eaux. Le livre de Sophie Poirier dit tout cela, mais il dit surtout la fascination pour un lieu abandonné, pour le passage du temps qui efface les traces, mais pas les souvenirs. Il y a dans ce récit un peu de mélancolie, mais beaucoup de tendresse aussi. Et l'on souvient, en le lisant, de l'amour que Diderot et quelques autres, écrivains ou peintres portaient aux ruines. Le béton brut est peut-être plus difficile à aimer que les vieilles pierres moussues, mais l'attachement à des lieux, ou plutôt à ce qu'ils ont représenté dans l'histoire des hommes n'est pas très différent. On ne qualifie plus de "ruinistes", mais d'explorateurs urbains (urbex si on préfère le terme anglais) ceux qui aiment s'aventurer dans des lieux abandonnés, arpenter des friches industrielles, des entrepôts désaffectés, des hôpitaux délaissés. Et les sites consacrés à cette passion sont innombrables. Les livres de photo aussi. Les récits, comme celui de Sophie Poirier plus rares. Mais pas moins appréciés. Et pas besoin pour cela d'avoir été propriétaire d'un appartement au Signal.

 

https://urbexsession.com/le-signal/

26 novembre 2022

Mains basse sur la ville

 

 50 ans plus tard, rien n'a changé et les immeubles s'effondrent encore dans les rues de la ville.... 

En dehors de cette coïncidence et de la réputation du film de Francesco Rosi qui en fait un classique incontournable du cinéma italien, j'ai trouvé le film un peu ennuyeux. Très, trop démonstratif. Tous ces messieurs en manteau et chapeau, qui s'agitent dans les hémicycles du pouvoir. Qui se ressemblent tant, bedaines et cravates, que l'on peine à identifier leurs couleurs politiques (le militant communiste et le bon docteur mis à part). Il n'est de toute façon question que de garder le pouvoir... et l'argent qui va avec.  Servir le peuple ? Quelle idée ! C'est au point que je me demande si ce film, qui était supposé susciter l'indignation, ne produit pas l'effet contraire : l'écoeurement et le renoncement à tout engagement politique. 


PS. Malgré l'affiche très "pulp fiction",  que j'ai choisie de mettre en avant, le film est en noir et blanc !


22 novembre 2022

Attica Locke, Au paradis je demeure

Deuxième essai : après Blue bird, blue bird, j'ai lu le dernier roman d'Attica Locke avec la même attente impatiente et au final les mêmes réserves. 

J'ai trouvé ce que je cherchais, c'est à dire une atmosphère, des personnages typés, un suspens maintenu jusqu'au bout après une myriade de fausses pistes. J'ai aussi apprécié la description d'un coin perdu de l'Est du Texas, à la lisière de la Louisiane, le lac Caddo et la petite ville de Jefferson, le genre d'endroit que je me plais à découvrir quand j'ai la chance de voyager aux E-U. Et pour finir, les relations complexes entre les différents groupes ethniques, sur lesquels le poids de l'histoire pèse plus qu'on ne pourrait l'imaginer, permettent de comprendre à quel point la couleur de la peau détermine le comportement des uns et des autres. 

Pourtant comme dans le précédent roman, j'ai eu du mal à démêler les fils de l'intrigue et les relations entre les personnages dont certains ne m'ont pas paru vraiment nécessaires à l'intrigue. Les romans d'Attica Locke me laissent au fond l'impression d'une écrivaine qui veut tellement bien faire, tellement bien documenter son récit qu'elle en fait un peu trop. Mais qui sait,  un troisième essai me permettra peut-être de changer d'avis et de confirmer ce que dit le bandeau de couverture.

21 novembre 2022

De vernissage en vernissage

 Certains week-ends sont plus réjouissants que d'autres. Comme le précédent, où le petit monde de l'art s'était donné le mot pour ouvrir ses portes. 


A Voiron, les superbes natures mortes de Nicole Richard sont là pour combler tous ceux que le genre  fascine. Natures mortes d'aujourd'hui qui tiendraient leur place à côté d'oeuvres plus classiques comme celles que l'on trouve au musée de Grenoble, sous la signature d'Osias Beert. J'avoue même une petite préférence pour les photos de Nicole Richard, dont la disposition des objets et légumes paraît plus naturelle, plus spontanée, bien qu'elle soit en réalité très travaillée. 

https://www.museedegrenoble.fr/oeuvre/176/1922-artichaut-fruits-et-coupes.htm

 

 
Lorsque je suis passée à l'ancien musée de peinture de Grenoble, celui de la place de Verdun, l'accrochage n'était pas tout à fait terminé. Mais les quatre photographes exposés m'ont paru suffisamment intéressants pour programmer une seconde visite; jusqu'au 11 décembre, j'ai le temps ! 
Le temps aussi d'aller voir les 18 lieux partenaires ? Pas sûr, mais on en reparlera.
 
 Et puis il y avait la réouverture très attendue du Magasin, le centre national d'art contemporain tout au bout du cours Berriat, à côté de la Belle Electrique.

 

Pour aimer l'art contemporain, il faut accepter d'être surpris, de perdre ses repères, d'être tout bonnement perdu devant des oeuvres dont on ne voit pas immédiatement l'intérêt parce qu'elles ne sont pas encore inscrites dans une chronologie établie. Elle peuvent séduire, interroger, déranger ou simplement amuser, comme les vidéos projetées dans "la rue" du Magasin; elles m'ont non seulement mise de bonne humeur, mais m'ont donné envie de danser moi aussi !




20 novembre 2022

Polina Panassenko, Tenir sa langue

Parfois le hasard fait bien les choses, un bon livre succède à un autre bon livre et l'envie de lire est soudain décuplée. Et quand, de surcroit, la littérature me fait voyager, je suis comblée.

 Avec Tenir sa langue, on passe incessamment de la Russie à la France en compagnie de Pauline/Polina, fille d'émigrés russes, petite-fille d'émigrés ukrainiens et lituaniens. En racontant son histoire d'enfant coincée entre deux langues, de jeune femme coincée entre deux prénoms, Polina Panassenko permet au lecteur d'imaginer et de mieux comprendre ce qu'émigrer veut dire. Bien que partagée entre deux identités, deux pays, l'écrivaine appartient avant tout à une famille qu'elle évoque avec tendresse et drôlerie, une famille qui reste unie malgré les séparations alors même que l' URSS se désagrège. Tout en finesse et en légèreté, le récit de Polina Panassenko n'a pourtant rien de frivole. Une jolie réussite.

 


 

19 novembre 2022

Gabrielle Filteau-Chiba, Encabanée

 Kamouraska ... à la lecture des premières page, on se croirait au fin fond du grand Nord. Mais non ! Juste au Québec, sur la rive Sud du Saint-Laurent. Mais je veux bien croire qu'il y fait un froid de loup en hiver. 

Anouk a décidé de se la jouer façon Henry Thoreau et de s'encabaner pour fuir les dérives du monde, ses propres dérives et retrouver un monde plus rudimentaire où les tâches quotidiennes - maintenir du feu dans le poêle, fendre du bois, faire fondre la neige - sont tout bonnement vitales.  Entre poésie et drôlerie la lecture est agréable et vire au romanesque lorsque surgit un homme qui se dirige vers sa cabane, un fugitif peut-être .... 

Encabanée est un petit livre qui se dévore plus qu'il ne se lit, léger en apparence, plus profond peut-être à y repenser et bien dans l'air du temps. En tout cas, maintenant que j'ai repéré cette jeune auteur québecoise, je ne vais pas la lâcher. Et puis j'irai peut-être rechercher à la bibliothèque, Kamarouska, le livre d'Anne Hebert à qui Gabrielle Filteau-Chiba rend hommage.

 





18 novembre 2022

Argeddon time

Dans la catégorie film pas trop dur, pas trop méchant, le dernier film de James Gray s'impose, qui retrace la vie d'une famille juive à New York. Le tout vu par le regard d'un enfant puisqu'il s'agit d'un parcours autobiographique. Mais au-delà des souvenirs d'enfance du réalisateur le film propose deux fils thématiques, celui du racisme évidemment puisqu'il s'agit de l'amitié entre un enfant blanc et un enfant noir, mais également celui des différences sociales. Les grands-parents de Paul ont les moyens de lui offrir une école privée. Johnny, qui vit seul avec sa grand-mère handicapée, n'a d'autre choix que l'école publique. 

Le film serait un peu trop caricatural si ce n'était le grand-père, un rôle magnifiquement tenu par Anthony Hopkins et l'affection qu'il porte à son petit-fils à qui il demande de se comporter "en homme". Oui, mais voilà, Paul n'est qu'un enfant et il n'est pas si facile de lutter contre tout le monde, sa famille, la société, sa propre peur et son désir de sécurité. Et je sais gré à James Gray d'avoir choisi pour clore son film, le réalisme plutôt qu'une banale "fin heureuse".




17 novembre 2022

Giuliano da Empoli, Le Mage du Kremlin

Il a failli avoir le prix Goncourt, mais c'est l'autre le roman "intimiste" qui l'a emporté. Du coup je me suis dit que celui-ci m'en apprendrait plus sur le monde et m'aiderait peut-être à comprendre les conflits d'aujourd'hui autrement qu'en passant par les médias. 

Déception parce que le livre n'est ni un roman  - trop près de la réalité, pas de distance historique, pas d'intrigue véritable, juste un long monologue mal introduit, genre mémoire d'un conseiller politique mis de côté, mais n'est-ce pas le sort de tous ceux qui un jour se croient maîtres du monde parce qu'ils ont l'oreille d'un gouvernant ... - ni un essai qui aborderait la politique du Kremlin et de son "maître" sous un éclairage un peu différent. Non, juste un ramassis de faits plus ou moins avérés, d'anecdotes et de rumeurs. 

Bref, une lecture décevante.  Le Mage du Kremlin montre simplement que même pour un auteur confirmé comme Giuliano da Empoli, il n'est pas si facile de passer de l'essai à la fiction.  

 

15 novembre 2022

Butterfly vision

 Son boulot c'est d'utiliser des drones pour faire du repérage. Une façon de ne voir la guerre qu'à travers des écrans. De mettre la réalité à distance.... oui mais la réalité l'a rattrapée, elle a été faite prisonnière; lorsque le film commence, elle vient d'être libérée et retrouve sa famille. 

Le film de Maksym Nakonechnyi parle de la guerre du Donbass, celle de 2014. Mais toutes les guerres se ressemblent et elles ont sur les individus qui en réchappent les mêmes effets dévastateurs. Lilia souffre de toute évidence d'un syndrome post traumatique; son mari également. Mais sous une autre forme. Pour Lilia cela se traduit par une forme de mutisme et des visions envahissantes. Pour son mari par de la culpabilité et le refuge dans des groupes extrémistes.

Résumé comme cela le film risque de passer pour un documentaire, ce qu'il n'est aucunement parce que la mise en scène est particulièrement inventive et joue avec toutes les formes d'écrans, toutes les formes de visions et donc tous les points de vue. A chacun sa façon d'affronter la guerre.




14 novembre 2022

Le Couple

 Grande fan de Frederick Wiseman, dont les documentaires, passionnants, sont parfois très longs, je ne pouvais manquer son nouveau film qui lui ne dure que 63 minutes !  Entre deux films un peu durs, un peu sombres comme les derniers chroniqués, Un couple est tout simplement reposant.  Et très séduisant. 

De quoi s'agit-il ? D'une femme, une actrice qui incarne Sophia, la femme de Tolstoi et lit des  extraits de sa correspondance, des lettres qu'elle lui a adressées. Ou pas. Peu importe. Ce que dit cette femme, c'est tout simplement la vie d'un couple, ses joies, ses bonheurs, ses désaccords, ses disputes, ses incompréhensions.... cette alternance de hauts et de bas qui fait la vie conjugale. Mais rien de lourd ou de pesant comme parfois dans les films de Bergman. Une certaine légèreté plutôt que la caméra de Wiseman souligne en faisant se déplacer son personnage dans un paysage insulaire où les gros plans de fleur alternent avec les portraits de l'actrice en train de lire. Je m'attendais à m'ennuyer un peu, élégamment ... En fait pas du tout. J'ai trouvé ce film plutôt ... apaisant, emportée sans doute par la beauté des images, une île, la mer, des rochers, des fleurs, la nature dans toute sa splendeur et sa force. Et la simplicité du procédé pour mettre en scène un texte pourtant très introspectif.



13 novembre 2022

Philippe Cognée

De la Nature. Le thème est vaste et les possibilités quasi infinies, mais le musée de Grenoble a limité son choix à quatre artistes qui avaient déjà exposé au musée : Philippe Cognée, Cristina Iglesias,  Wolfgang Laib et Giuseppe Penone. Des nationalités différentes et des manières de faire très différentes également. Pas de rivalité donc entre les uns et les autres, mais ma préférence va à Philippe Cognée dont les tableaux, vus à distance, donnent l'impression de pénétrer dans un sous-bois enneigés alors que de près on ne voit qu'une accumulation de taches plus ou moins colorées. https://www.museedegrenoble.fr/2684-de-la-nature.htm

Vues de près ou de loin, les fleurs de Philippe Cognée paraissent, elles, franchement monstrueuses. 


Son Amaryllis rouge en particulier n'est pas loin de faire penser à une pièce de boucherie, au Boeuf écorché de Soutine par exemple, qui fait partie des collections du musée. Le monde végétal finalement est peut-être plus inquiétant que l'on ne croit...

 

Alors, à nous de rassurer avec ses châteaux de sable, constructions éphémères dont il retient un instant la présence comme il l'avait fait avec ses tableaux  beaucoup plus urbains présentés lors d'une précédente exposition. Comment traduire avec un pinceau le caractère éphémère des choses, qu'elles soient produites par la nature ou construites par l'homme, c'est ce Philippe Cognée semble vouloir exprimer, ou du moins ce que je retiens de ces tableaux. 

12 novembre 2022

Le Serment de Pamfir

Le film de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk est un film à entrées multiples, ce qui permet à chaque spectateur d'y trouver son compte. 

D'abord la photographie, superbe et souvent surprenante, alors même que l'univers dans lequel se meuvent les personnages est souvent boueux, pluvieus, brumeux, sale et il faut bien le dire, misérable. On est dans une région particulière de l'Ukraine, le Tchernivitsi, proche de la Roumanie.  Une région suffisamment pauvre pour que la question de l'émigration se pose.

Le film a donc une dimension sociale puisque dans cette contrée, le travail est rare et qui veut gagner sa vie n'a guère d'autre choix que l'émigration ou la contrebande. Ce qui permet au réalisateur d'orienter son film vers le genre policier : le trafic frontalier étant monopolisé par un chef de bande tout puissant.  Un chef mafieux, cruel et sans pitié, que chacun craint et auquel chacun se soumet par peur plus que par intérêt, un potentat qui garde un ours en cage ... Oui, bien sûr, le film a aussi une dimension politique. Car il est facile d'imposer son pouvoir à un peuple illettré et miséreux. 

Mais Le Serment de Pamfir c'est aussi et surtout la promesse que Pamfir a faite à son fils : de ne pas repartir travailler en Pologne, et d'être là pour la fête de la Malanka, un carnaval pour lequel les masques sont préparés de longue date et qui revêt une importance particulière pour Nazar. Oui, le film est aussi une histoire de famille, une relation entre un père et son fils. Jusqu'où Pamfir est-il prêt à aller pour que son fils ait un avenir meilleur que le sien. Mais on peut aussi se demander jusqu'à quel point un homme peut choisir son destin, échapper aux déterminations sociales ou existentielles. 

Que Le Serment de Pamfir soit un très grand film, un excellent film, c'est une évidence. Reste à espérer que son réalisateur, qui documente actuellement la guerre menée par la Russie dans son pays, ait la possibilité de faire d'autres films... 


11 novembre 2022

La Conspiration du Caire

Le film commence lentement, le temps de mettre en place le personnage principal, ce jeune Candide égyptien élevé avec rigueur par un père exigeant, admis sur recommandation de l'imam de son village, dans la plus grande université islamique du Caire. La mort subite du Grand Imam voit les autorités religieuses et politiques s'affronter pour le choix de son remplaçant. Et voilà le jeune Adam, puisque tel est son nom, jeté dans le panier à crabes et confronté aux intrigues les plus tordues que l'on puisse imaginer. 

Aussi complexe que soit cette bataille pour le pouvoir, il est impossible de lâcher le fil dès que l'on a perçu les croisements d'intérêts en jeu, et les risques encourus par Adam, un pion à la fois capital et insignifiant. Le scénario est parfaitement maîtrisé, et l'intrigue progresse de coups bas en coups bas jusqu'au dénouements final qui oblige le spectateur à s'interroger : pouvoir religieux/pourvoir politique, quel est finalement le pire ? Quel est en fin de compte, le plus grand manipulateur ? Et que l'on n'aille pas s'imaginer que la question soit purement rhétorique, n'est-ce pas ?

D'origine égyptienne par son père mais né en Suède et citoyen suédois , Tarik Saleh semble fasciné par le pays de son père puisqu'avant La Conspiration du Caire il avait déjà réalisé Le Caire confidentiel. Mais ce serait dommage je crois de restreindre son propos à l'Egypte ou à l'Islam.  La dénonciation de telle ou telle religion, de telle ou telle système politiques semble moins l'intéresser que la simple mise à jour des arcanes du pouvoir, quel qu'il soit.


10 novembre 2022

Eddy L. Harris, Le Mississippi dans la peau

 Il a fait le voyage une première fois (*) Le revoilà 30 ans plus tard en train de ramer sur son canoë pour descendre le Mississippi depuis sa source jusqu'à son embouchure. La démarche est surprenante et particulièrement intéressante puisque, comme le suggère Héraclite, on ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve. Alors pourquoi recommencer ? Et bien justement pour chercher ce qui a changé : le fleuve certainement, l'auteur également, qui entretemps a vécu, a voyagé, a accumulé les expériences et revient se confronter au souvenir de sa première aventure. 

Oui, sans doute tout a changé, mais on retrouve dans Le Mississippi dans la peau, ce même regard porté sur les paysages, sur ce que l'écrivain-rameur-au-long-cours, aperçoit du monde en descendant le fleuve. La même curiosité, la même lucidité, la même facilité à aller à l'encontre de ceux qui, depuis la rive, lui font signe  de venir partager une bière ou juste un moment au bord de l'eau.

Il existe toutes sortes de récits de voyage, mais celui-ci se lit comme une conversation qui progresse à bâtons rompus et passe d'une description lyrique du paysage, à une remarque triviale sur la fatigue, une considération technique sur la façon de ramer, une réflexion sur la marche du monde et l'état de l'Amérique, et toujours cette interrogation sur l'identité américaine, sur une histoire qui est avant tout celle de l'homme blanc. 

30 ans d'écart entre Mississippi solo et Le Mississippi dans la peau : et puisque le monde a changé, on ne s'ennuie jamais en refaisant le voyage dans le canoë d'Eddy Harris. Même pas besoin de ramer !

(*) https://www.blogger.com/blog/post/edit/19175521/7242119632996380258


09 novembre 2022

L'Innocent


 Pas franchement emballée par le dernier film de Louis Garrel qui a pourtant pas mal d'atouts pour lui j'en, conviens : un bon casting et surtout une image un peu "sale" parfois mais qui correspond bien au genre, des harmonies nocturnes, beaucoup de bleu et de noir, (comme les boîtes de caviar ?), une mise en scène dynamique... 

Malgré tout je me suis un peu ennuyée, trop de rebondissements, trop de péripéties, de faux suspens, un scénario sans doute trop marquée de la patte de Tanguy Viel. Un film au fond assez superficiel, plaisant certes mais sans plus.

08 novembre 2022

Marcelle Cahn

 

Cahn avec un C et non un K. Inhabituel. Mais tout chez cette artiste exposée actuellement au Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Etienne est inhabituel et intriguant.


Un parcours artistique commencé brillamment, une longue interruption, une reprise discrète avec des moyens très modestes, la persistance d'une recherche artistique, une vocation évidente, mais une artiste restée apparemment en marge de la renommée. Problèmes familiaux ?  Difficultés financières ?  La guerre et la nécessité de se mettre à l'écart ?

 

Née à Strasbourg, Marcelle Cahn a vécu entre Berlin et Paris, a côtoyé les cercles artistiques les plus à l'avant-garde, s'est essayé au cubisme et à l'abstration géométrique ou lyrique... 

 

Un talent incontestable qui pourtant n'a pas marqué le siècle, mais que le Musée de Saint-Etienne a eu la bonne idée de mettre en valeur. 

07 novembre 2022

Les beaux quartiers de Vichy

 Vichy est une ville délicieusement désuète, une belle endormie qui attend son prince charmant.

 

 

Son architecture, ses grands parcs... 

Et ses guinguettes au bord de l'Allier.


Une ville dédiée à l'oisiveté. Ou peut-être pas ...

Prendre les eaux à Vichy

 ... et voir la vie en bleu. 


Un peu en vert aussi...

Sacrifier au rituel du verre d'eau... puis aller se promener sous les arcades...

 
Faire trois fois le tour du parc, prendre un thé à la terrasse du Fidèle Berger, regarder passer le monde ... 

Avant de finir la soirée à l'opéra ... 


C'est comme cela que j'imagine les curistes vichyssois, à la belle époque.  Celle d'avant Pétain . 

 

06 novembre 2022

La France du milieu

Le centre de la France ... plusieurs communes françaises s'enorgueillissent d'être "le centre géographique de la France", une nomination très disputée et qui dépend beaucoup du mode de calcul des géographes. Mais une chose est sûre, ce centre se trouve certainement dans le département du Cher. Zone rurale assurément, petits bocages plus que grandes plaines céréalières. Routes étroites et tortueuses mais bien peu encombrées.  Volets fermés, villages fatigués, oubliés de la modernité. Pas tout à fait la misère mais certainement pas l'opulence. Difficile d'y trouver de quoi se restaurer le long de la route : un restaurants, un café,  ou même une boulangerie... Rien. Pas même l'ombre d'un bistrot... Et le panneau "épicerie" ne mène qu'à une maison fermée depuis longtemps.

 

 



Pourtant les paysages y sont aussi beaux qu'ailleurs. Et les gens pas moins chaleureux. Les portes de l'église, dont le sol vient d'être lavé de frais, sont restées ouvertes. Les vaches continuent de paître à l'ombre des chênes...

 Oui mais voilà, cette France là, cette France du milieu que l'on dit profonde pour s'en débarrasser, n'intéresse personne. Et surtout pas ceux et celles qui se piquent de politique.