28 février 2022

Yahia Belaskri, Le Silence des dieux

 Le Silence des dieux est un roman "différent". Différent de ce qu'on a l'habitude d'appeler roman. Parce qu'il inclut des poèmes, qui viennent soulager, aérer la prose ? Un peu sans doute. Parce que dès le premier chapitre on croit reconnaître la voix de Camus à Tipasa, celle qui s'interroge sur le sens de la vie, n'en trouve pas, mais décide de vivre pleinement quand même? Et de refuser la pierre qui l'écrase? Parce qu'il ressemble à un conte, en racontant une histoire qui a l'air totalement imaginaire, mais qui ressemble pourtant à la réalité ? Sans doute aussi .


 Un village tranquille où tous les habitants se connaissent et vivent comme ils ont toujours vécu. Habitués à se contenter de peu et à travailler dur. Mais lorsque du jour au lendemain des soldats bloquent l'accès au village interdisant à quiconque d'entrer ou de sortir, la vie devient plus difficile et les habitants se radicalisent. Le plus riche gagne en pouvoir et désigne un bouc émissaire, Abdelkrim, bientôt contraint de fuir avec sa famille. Les forces du mal sont désormais à l'oeuvre, et la violence se déchaîne. 

La trame du récit n'est pas franchement nouvelle, ni même les personnages qui sont ici un peu comme les santons de la crèche, puisque chacun représente un type social : l'épicier, le fonctionnaire, l'imam, le marabout.... Le roman s'inscrit tout naturellement dans une lignée humaniste, qui s'efforce de faire comprendre comment, dans une communauté pourtant paisible, il suffit de pas grand chose pour que tout dérape. Mais la vraie originalité du livre, ce qui le rend "différent", c'est tout simplement la façon dont Yahia Belaskri raconte l'histoire. Une tonalité douce, une ironie parfois amère qui masque à peine un colère rentrée. A cela s'ajoute l'espoir que le changement viendra des femmes, plus rapides que les hommes à modifier leur comportement.

27 février 2022

Lynx

 Mon chat ressemble à un lynx. Est-ce une raison suffisante pour aller voir le film de Laurent Geslin ? Sans doute, mais il y en a bien d'autres. Le film est tout simplement magnifique, centré sur un couple de lynxs et leurs petits. Une aventure qui pour le réalisateur a duré beaucoup plus que le tournage du film puisqu'il a arpenté les montagnes du Jura pendant près de 9 ans avant de seulement commencer à filmer. 

Lynx est un remarquable, documentaire animalier,  aussi savant que captivant ! c'est plus généralement un superbe film sur la nature : aux scènes sur la vie ordinaire des lynx s'ajoutent tout ce que le cinéaste a filmé au cours de ces repérages : oiseaux, chevreuils, hermines,  sans oublier les forêts enneigées, ou des bancs de brouillards s'enroulant autour d'un sommet comme une écharpe .... extraordinaire survols filmés grâce à des drônes, car Laurent Geslin n'a pas oublié qu'avant d'être cinéaste, il est d'abord photographe.

Mais que vous me croyiez ou non, mon chat ressemble bien à un lynx. En plus gentil !




25 février 2022

Black sea

 

Je ne crois pas l'avoir déjà chroniqué, mais il est grand temps de reprendre dans ma bibliothèque ce livre de Caroline Eden qui associe si joliment récit de voyage et recettes. "Un voyage culinaire entre Orient et Occident. Des histoires, des rencontres et près de 60 recettes". C'est ce que dit la couverture et je confirme : il y a un peu de tout ça dans ce livre que l'on savoure chapitre après chapitre. J'ai lu des histoires, j'ai essayé plusieurs recettes (excellentes!), j'ai surtout beaucoup appris sur cette région, sur les villes autour de la Mer Noire. Odessa ...

Et si je ressors ce livre aujourd'hui c'est parce qu'il m'avait donné envie d'aller à Odessa. Pour les escaliers d'Eisenstein, pour le musée littéraire, pour les écrivains russes en vacances ou en exil au bord de la Mer Noire, pour les crèmes glacées dont se gavait Mark Twain (que je ne m'attendais certainement pas à rencontrer ici, aussi loin de son Mississippi !) 

Je n'ai pas été à Odessa et je n'irai pas à Odessa. Le livre est sorti en novembre 2019, la pandémie est arrivée quelques mois plus tard et désormais .... Non, je n'irai pas à Odessa, mais j'ai rêvé d'y aller et cela me suffit pour pleurer sur Odessa et sur l'Ukraine. 

 "Quand j'étais enfant, on attrapait les maquereaux avec des taies d'oreiller, mais maintenant, ils sont partis. J'imagine qu'ils détestaient le régime soviétique et qu'ils ont préféré nager vers d'autres horizons." P.39

24 février 2022

Carla Maliandi, Une Chambre en Allemagne

Elle a fui l'Argentine non pas pour des raisons politiques, mais pour des raisons sentimentales et s'est réfugiée à Heidelberg, la ville de son enfance, dans une pension pour étudiants. Elle n'y a pas vraiment sa place puisqu'elle n'est pas étudiante, mais c'est l'occasion pour elle d'y rencontrer toutes sortes de gens, qui n'ont, pas plus qu'elle, une idée claire de ce qu'ils vont faire de leur vie. Le suicide inexpliqué de Shanice, la Japonaise et l'arrivée de ses parents, les retrouvailles avec Mario, son ami d'enfance devenu professeur d'université et son compagnon Joseph, l'amitié protectrice de Miguel Javier, son compatriote, une grossesse à l'origine incertaine ... Les personnages se croisent, sans attaches, sans projets.


Carla Maliandi, dont c'est le premier roman parvient, à coups d'événements plus ou moins insolites, à faire vivre tout un petit monde cosmopolite. Mais tous les personnages, quelle qu'en soit la raison,  donnent surtout l'impression de vivre dans un monde flou et indéterminé.  Personnages d'un monde flottant ...  Notre présent ?

23 février 2022

Ahmet Altan, Madame Hayat


 Ah, Madame Hayat ! Difficile de ne pas en tomber amoureux. De ne pas se laisser séduire par elle comme le jeune Fazil, ce gosse de riches  devenu pauvre du jour au lendemain, à cause d'un revers inattendu. Pauvre et passablement paumé. Solitaire cela va de soi. Le voilà figurant dans une émission de télévision pour gagner trois sous et poursuivre malgré tout ses études. C'est à cette occasion qu'il rencontre la très voluptueuse et très libre Mme Hayat qui l'initie au "Carpe diem". Il y a bien une autre femme, une jeune fille avec qui il lie une relation  amicale et vaguement amoureuse. Ils ont beaucoup à partager. mais, malgré son jeune âge et sa beauté, à côté de Mme Hayat, elle ne fait pas le poids !

On aurait tort pourtant de croire qu'Ahmet Altan n'a rien d'autre à raconter que les ambivalences sentimentales d'un jeune-homme en quête de lui-même. Non, je crois que ce roman est à lire comme une fable, une parabole qui en termes déguisés nous parle de la Turquie. La femme aux cheveux couleurs de miel, si belle, si généreuse, cette femme que la vie a déjà pas mal bousculée, qui parfois disparaît sans que l'on sache pourquoi et toujours réapparaît, cette femme si libre, sans préjugé qui ne cesse de fasciner Fazil, n'est-elle pas l'image idéalisée d'un pays dont rêve l'écrivain alors emprisonné ?  D'ailleurs Hayat n'est-il pas un prénom d'origine arabe signifiant "vie" ? 

Et puis, à côté des trois personnages principaux, il y a dans ce roman tout un microcosme que fait vivre l'écrivain, gens du peuple réfugiés dans une pension un peu minable où chacun a sa chambre, mais partage cuisine et salle de bain. Au fil des pages on croise l'un ou l'autre de ces locataires : Tehvide, une gamine de 5 ans et son père,  Gülsüm, le travesti, Mogambo, un grand noir qui vend des sacs à main, un "poète" qui n'écrit pas de poèmes mais rédige des libelles séditieux...Dans l'immeuble "personne ne commmandait, aucune autorité ne s'imposait, et pourtant chacun s'y sentait en parfaite sécurité."  Le danger est dehors, lorsqu' interviennent les policiers ou les hommes aux bâtons, dont on se sait lesquels sont les plus brutaux. Capables les uns comme les autres de s'en prendre aux femmes, aux travestis, aux intellectuels et jusqu'aux professeurs d'université qui tentaient de prendre la défense de leurs étudiants. 

Roman d'amour, roman d'éducation, roman politique, fresque sociale, Madame Hayat a certainement mérité son Prix Fémina étranger. En le lisant, j'ai parfois pensé à Roman Gary, écrivain humaniste s'il en est ! Et particulièrement apprécié le motif récurrent de la photo d'August Sanders, Trois fermiers s'en vont au bal. Parce qu'il y a comme ça dans la vie ou dans la littérature, des images qui vous marquent et que l'on n'oublie pas. Comme il y a des romans que l'on n'oublie pas.

Bien timides encore ...

 les premiers crocus. Mais le signe indéniable que le printemps, c'est pour bientôt ! 

 



22 février 2022

L'autre monde

Ce qui est bien, c'est qu'avec Stéphane Brizé et Vincent Lindon, on sait à peu près à quoi s'attendre. Mais cette fois-ci, au lieu de se mettre à côté des petits, des employés, le réalisateur se glisse au sommet de la hiérarchie. La teneur du discours n'a pas changé, il s'agit bien de remettre en cause un système économique qui se soucie avant tout des bénéfices des investisseurs, quel que soit le prix à payer.

Mais comme toujours Vincent Brizé, charge la mule en ajoutant un divorce compliqué et un adolescent en pleine crise psy, conséquences indirectes de la pression que subit le directeur de site industriel;  vraisemblable donc, mais juste un peu trop. Reste que Vincent Lindon, filmé au plus près, habite totalement son rôle et convainc le spectateur de son impossibilité "d'atteindre les objectifs" imposés par la mondialisation sans faire de la casse du côté des humains. Il peut bien renoncer,  abandonner la partie, le système continuera sans lui.

Les films de Vincent Brizé ressemblent de plus en plus à des leçons d'économie, de politique. Ils sont tout à fait convaincants et nettement moins ennuyeux que certains discours politiques. Mais qui va les voir ? Si ce n'est ceux qui savent déjà.

21 février 2022

Vincenzo Todisco, L'Enfant lézard

Phrases courtes, écriture sèche. Peu d'affects. Les premières pages, et même les suivantes, ne sont pas très engageantes. Puis on s'y fait parce qu'on comprend que la vie de ce couple dont le père est parti ailleurs pour faire vivre sa famille est difficile, ballotée entre deux pays. Mais le père travaille dur et sa femme le rejoint bientôt, laissant pour un temps l'enfant à la grand-mère. La mère travaille dur elle aussi, mais l'enfant lui manque. Le propriétaire du logement, qui est aussi le patron ne veut pas que ses employés aient des enfants. Alors, lorsque l'enfant rejoint ses parents il doit se cacher, s'habituer à se glisser sous les meubles, derrière les rideaux, se déplacer comme un lézard. Et les années passent, le retour  au pays c'est toujours pour l'année suivante, l'enfant grandit et rien ne change ...

Pas d'enfants, pas d'étrangers sauf quand ils travaillent comme des esclaves... Le mot est dit. Vincenzo Todisco, enfant d'immigrés lui-même sait de quoi il parle. Et sait ajouter juste ce qu'il faut de romanesque pour serrer le coeur du lecteur. 

L'enfant lézard est certainement un bon roman, mais pas de ceux qu'on lit de gaîté de coeur parce qu'on sait bien qu'il dit la vérité, qu'il montre cette réalité que l'on ne veut pas voir.
 

20 février 2022

Julie Ruocco, Furies

Difficile de lâcher ce livre une fois qu'on l'a commencé ! Et pourtant, je l'ai parfois délaissé un court moment, pour laisser passer un trop plein d'émotions. Parce que certaines scènes sont parfois très dures, et d'autres pleines de tendresse.

Furies est le premier roman de Julie Ruocco, une jeune femme qui travaille au parlement européen et n'avait jusqu'alors publié qu'un essai sur les jeux vidéos. Furies est un roman, un vrai c'est à dire qu'il doit beaucoup à l'imagination, à l'invention, à la façon de combiner événements et personnages pour donner sens à un récit parfaitement structuré. Mais, d'une certaine façon c'est aussi un document ou un essai parce que l'histoire et les personnages sont inscrits dans une réalité bien précise, celle du printemps syrien et du chaos qui a suivi, celle du massacre d'un peuple par ceux-là mêmes qui auraient dû être à son service. 

Le premier personnage à entrer en scène est une jeune archéologue française embarquée dans un trafic d'antiquités à la frontière turco-syrienne; dans la confusion des événements aux abords d'un camp de réfugiés elle recueille une petite-fille dont elle se sent désormais responsable. De l'autre côté de la frontière, Asim et sa soeur Taym luttent contre la répression et le désespoir. Lorsque sa soeur disparaît Asim se résigne à l'exil, passe la frontière, vit dans la clandestinité et fabrique sans relâche les faux passeports qui permettront à d'autres de fuir. 

Tous les éléments romanesques sont bien là, un homme, une femme, le danger, l'amour, la mort...sur fond de mythologie. Forcément ! quand on s'appelle Bérénice et que la références aux Furies, filles d'Ouranos, est récurrente tout au long du roman. Mais jamais le romanesque n'a été aussi bien confronté à la réalité, la réalité la plus sombre, la plus sanglante, la plus tragique, celle de cette guerre en Syrie qui dure depuis plus de dix ans déjà.

Julie Ruocco force son lecteur à ouvrir les yeux sur ce Moyen-Orient à feu et à sang depuis trop longtemps. Mais elle le fait par le biais de la littérature qui permet toutes les échappées; qui transfigure, transpose, déplace, embellit même les pires horreurs lorsque les mot sont justes et les paroles vraies. Voilà pourquoi j'ai aimé chacun des personnages, chacun des chapitres  et même chacune des maladresses de ce très beau premier roman.


https://www.fondationlaposte.org/florilettres/entretiens/entretien-avec-julie-ruocco-propos-recueillis-par-nathalie-jungerman

19 février 2022

Une jeune fille qui va bien

Voilà un film enjoué, rieur, qui met en scène tout l'allant de la jeunesse. Parfois même un peu trop parce que cette jeune fille insouciante et souvent taquine qui ne pense qu'à jouer et répéter, avec ses amis la scène de Marivaux qu'elle va présenter au concours du Conservatoire, cette jeune fille qui rêve du grand amour et entend bien vivre ses passions jusqu'au bout est juive et nous sommes en 1942. La mention "juif" doit être porté en lettres rouges sur les cartes d'identité et le 7 Juin 1942, le port de l'étoile jaune est rendu obligatoire. 

Le film de Sandrine Kiberlain repose totalement sur cette opposition entre la menace qui pèse sur ses personnages, une menace dont les adultes ont parfaitement conscience, mais que la jeunesse a choisi d'ignorer pour continuer à rire, à jouer, à aimer, à vivre tout simplement. Un beau sujet, mais légèrement gâché par le jeu souvent outrancier de l'actrice principale, qui en fait trop et finit par lasser à force de minauder. Ce n'était pas nécessaire pour que le spectateur comprenne l'enjeu du film parce qu'à rebours, la scène finale tire toute sa force de sa sobriété. 



 


18 février 2022

Enquête sur un scandale d'Etat

L'histoire est compliquée. Le film aussi, et même franchement  brouillon, si bien que j'ai eu du mal à m'y retrouver entre tous ces gens qui prétendent dire la vérité et mentent comme des arracheurs de dents, à moins qu'ils ne se trompent ou se fassent rouler dans la farine par plus malins qu'eux. 

Bien sûr il est question de trafic de drogue, et de manipulations, d'informations fournies par des gens plus ou moins fiables, vérifiées par des équipes de journalistes trop contents de dénoncer les magouilles des "serviteurs" de l'Etat, mais dont l'objectivité est peut-être momentanément occultée par leur élan. 

Les tenants et l'aboutissants de l'histoire ont récemment été résumés dans une vidéo produite par le journaliste à l'origine de l'enquête.


Fort bien ! Reste que sur le plan cinématographique le film est trop confus pour être suivi aisément et il y a trop de plans inutiles  ou simplement trop longs pour que l'on ne s'ennuie pas un peu. Sans doute parce que le réalisateur, Thierry de Peretti,  n'a pas osé tranché entre vrai documentaire genre "envoyé spécial" et vrai film de fiction.

16 février 2022

Bruno Morchio, Nel tempo sbagliato

Grâce au club de lecture italien, j'ai découvert avec plaisir non seulement un bon livre, mais un écrivain. En effet Nel tempo sbagliato est le dernier roman publié par Bruno Morchio qui en déjà publié 13 autres avec le même personnage : Bacci Pagano

Le roman se présente a priori comme un roman policier, mais penche plutôt du côté du roman noir que du roman à suspens, le fameux "whodunit" anglais, lorsqu'il s'agit de découvrir qui est le meurtrier. Ici, on se doute de l'identité du meurtrier dès les premiers chapitres et visiblement l'intrigue sert à présenter tout autre chose. Elle sert d'abord à suivre les méandres psychologiques du détective,  le fameux Bacci Pagano qui est à un tournant important de sa vie, séparé de sa femme, contraint de déménager en même temps et son bureau et son domicile. Rien de terriblement original dans ce personnage entre déprime et mélancolie, mais la façon dont l'écrivain aborde le roman l'est nettement plus puisque l'enquête qui avance à pas très mesuré présente à chaque chapitre un nouveau témoin/suspect qui vient compléter le portrait de la femme disparue, cette Ukrainienne, aussi belle qu'intelligente, qui a soutenu avec succès une thèse sur le poète Martial tout en travaillant dans un boîte de strip-tease. Une femme aimée et idéalisée par tous. Sauf par son mari.

L'intérêt du lecteur se déplace donc vite de l'enquête à la galerie de portraits, dont on se dit qu'ils sont au fond très représentatifs de la société italienne de l'ère Berlusconi puisque le roman est situé en 1994, année de l'arrivée au pouvoir du milliardaire médiatique. Tempo sbagliato le titre est suffisamment polysémique pour lui donner aussi un sens politique

Pourquoi les romans de Bruno Morchio ne sont-ils pas encore traduits en français ? C'est bien la question que je me pose maintenant.

15 février 2022

Pilar Quintana, La Chienne

Un roman colombien lu sans grande passion bien qu'il ne soit pas dépourvu d'intérêt. Tout tourne autour d'un personnage féminin, Damaris, qui vit, de façon assez précaire avec son mari dans un cabanon au bord de l'océan pacifique. Elle n'a pas pu avoir d'enfant et la chienne qu'elle adopte sur un coup de tête lui en tient lieu de toute évidence. En décrivant la façon dont Damaris se comporte avec l'animal, Pilar Quintana parvient à faire comprendre le désarroi, la mélancolie de cette femme en mal d'enfant. 



14 février 2022

Red Rocket

 Je me souvenais du précédent film de Sean Baker : The Florida project qui avait su traiter de façon ludique un sujet social grave. Et j'ai retrouvé dans Red Rocket le même mélange, la même capacité à divertir et à faire rire alors que le personnage de Mikey Saber est tout bonnement odieux. 

Star déchu du cinéma porno, Mikey Saber quitte Hollywood sans autre chose que ce qu'il a sur le dos et à la sortie du bus qui l'a ramené dans sa ville natale, c'est à pied qu'il arrive chez son ex, où, c'est le moins qu'on puisse dire, il n'est pas le bienvenu. Mais Mikey est beau parleur et finit par embobiner tout le monde, son ex, sa belle-mère, la serveuse du magasin de donuts à qui il promet une carrière dans le porno. En attendant il reprend les petits trafics qui lui permettent de faire illusion ... Plus "toxique" que Mikey, c'est difficile à imaginer et la réussite du film tient au fait que le spectateur, lui aussi se laisse "avoir" par ce personnage détestable, ce séducteur à la petite semaine, qui ne vit que de mensonges mais parvient à attirer les autres dans ses rets. Enfin presque...

Le film repose donc en grande partie sur le personnage de Mikey (superbement interprété par Simon Rex), mais ce que le réalisateur donne à voir de la petite ville du Texas et de ses habitants est tout aussi intéressant : un trou perdu sur fond de raffinerie de pétrole, où la plupart des gens ne vivent que de l'aide sociale, où le seul commerce fructueux est celui de la drogue. Un trafic mené de main de maître par ... une femme et sa fille !

Ce que montre Sean Baker du Texas (et de l'Amérique en général) est à peine caricatural,  mais surtout remarquablement bien observé, jusque dans les petits détails, comme ces monstrueux barbecues en arrière plan dans la 3e image ! Dans ce  film, et malgré la logorrhée du personnage principal, ce sont avant tout les images qui parlent.


13 février 2022

Sarah Manigne, Quitter Madrid

 


Quitter Madrid est le deuxième livre de Sarah Manigne. Un roman à la fois violent et très doux. Violent parce que tout commence à la gare d'Atocha le 11 Mars 2004. Des terroristes ont placé des bombes dans les trains de banlieue qui se dirigent vers la gare principale de Madrid. Alice est dans l'un d'entre eux. 

Alice est une jeune restauratrice installée depuis peu à Madrid pour y restaurer un tableau de Zurbaran, Allegoria della Caritad. Elle n'a d'autre attache que son travail qui lui permet de s'installer pour plusieurs semaines là ou un tableau a besoin de son expertise. L'attentat évidemment bouleverse tout, y compris sa relation avec Angel, le cuisinier colombien rencontré il y a peu. 

Tout le roman tient sur le contraste entre la violence extrême de l'attentat - bien qu'Alice en soit sortie indemne, elle est totalement brisée psychologiquement par ce qu'elle a vu, entendu, ressenti  - et la délicatesse de son travail, la minutie de ses gestes, l'acuité de son regard. 

 Alors forcément on quitte un moment le roman pour aller chercher les images que Sarah Manigne décrit si bien et l'envie vient d'aller de musée en musée à la recherche des oeuvres de Zurbaran, de ces vierges martyres et saintes transfigurées dont le visage impassible masque la cruauté de la torture.



 

 


12 février 2022

L'impasse

Entre deux films japonais, un bon vieux Brian de Palma, c'est presque reposant. Moins de courbettes, moins de non-dits et un film construit sur le principe de la tragédie grecque avec en personnage principal, un gangster tout juste sorti de prison, fermement décidé à se refaire une conduite, mais dont le projet de vie est constamment contrarié par un destin irrévocable, ce fatum que l'on sent peser sur ses épaules dès les premières séquences. 

On est dans le New York à la fois sordide et clinquant des années 70, lorsque les bandes rivales se disputaient les territoires de la drogue. Le rôle de l'ancien caïd est tenu par un Al Pacino plus ténébreux que jamais et la mise en scène de Brian de Palma est aussi somptueuse qu'audacieuse. il s'offre le luxe de faire mourir l'ancien caïd dès la première séquence avec une rotation de caméra qui ne s'achève qu'à la fin du film. Une façon de tuer le suspense ? Au contraire, la tension ne cesse de monter tout au long du film, le temps de bien prendre la mesure du personnage et de l'échec de sa tentative. Condamné dès le départ. Imaginez la souris dans la gueule du chat et l'on aimerait juste que la souris, au dernier moment, s'échappe ! Alors que tout est déjà joué et on le sait !

Sans compter que le réalisateur joue avec le renversement des valeurs puisque l'avocat, supposé mettre son intelligence au service du bien est infiniment plus pourri que le malfrat qui, lui, respecte les promesses faites et la reconnaissance de ses dettes. Et quant l'avocat en question est joué par un Sean Penn tout roux et tout frisé, c'est assez ... bizarre. 

Un film réjouissant en tout cas.



11 février 2022

Suis moi, je te fuis

Le mythe de la femme fatale réinterprété à la Japonaise ? C'est en tout cas comme cela que l'on peut interpréter le film de Koji Fukada, Suis moi je te fuis, projeté en clôture du festival Hanabi. Et il est vrai que dès la première rencontre entre Tsuji et Ukiyo on devine que les choses vont mal tourner et que ce garçon, si gentil, si serviable, si bienveillant va tomber dans les rets de la jeune femme paumée. Par la suite, et c'est une autre vision de l'histoire, on se dit que le film ressemble un peu trop à une étude de cas, celui d'une jeune fille qui aurait bien besoin d'une aide psychiatrique. Histoire sentimentale ? Histoire psy? L'intervention d'un collecteur de dettes, d'un mari humilié et de quelques yakusas ne fait pas pour autant un film sur la société japonaise. Et encore moins un polar. Suis moi je te fuis est juste un film bizarre, intriguant sans doute et vaguement ennuyeux. Du coup je crains de ne pas avoir très envie d'aller voir le deuxième volet de ce film conçu comme un diptyque par son réalisateur.




Lumières au jardin

 
 
 C'est en ce moment, au Jardin Hébert, et il faut y aller à l'heure juste, lorsque le jour cède sa place à la nuit, que le ciel bleuit doucement et garde encore vaguement la trace rosée du soleil déclinant.




10 février 2022

The housewife

Voilà qui est étrange : le Festival Hanabi serait-il, mine de rien, consacré à la condition féminine au Japon. Un festival militant ? Ou le sujet est-il seulement dans l'air du temps ? Toujours est-il que Housewife l'aborde encore plus frontalement peut-être que les deux films vus précédemment.

 Voici Toko, épouse, mère d'une petite fille et femme au foyer, un foyer qu'elle partage de surcroît avec sa belle-mère. La petite fille est charmante, la belle-mère serviable et le mari lui procure le nécessaire et même le superflu, allant jusqu'à choisir quelle robe elle doit porter dans telle occasion. Evidemment, lorsque Toko croise sur son chemin Kurata, son ancien amoureux, tout change. Elle reprend son ancien métier d'architecte, retrouve un semblant d'indépendance et se lance à corps perdu dans une passion torride avec le dit Kurata ce qui, à bien réfléchir n'est qu'une autre forme de dépendance.

Le portrait que fait Yukiko Mishima de cette jeune femme est plus subtil que ce bref résumé, parce qu'il montre à quel point Toko est formatée, à quel point la soumission est chez elle une seconde nature. Ainsi dans l'agence où elle travaille elle accepte toutes les missions dont ses collègues ne veulent pas, comme elle se soumet aux desiderata de son mari; elle est toujours dans l'acceptation quelle que soient les circonstances. Ce n'est que très progressivement qu'elle apprend à identifier ses propres envies, ses propres besoins et à choisir sa voie. Aussi difficile soit-elle ! Et sans doute scandaleuse pour beaucoup de spectateurs, japonais ou pas.

Il me reste à voir un quatrième film, mais déjà je m'interroge. Et me dis que décidément les femmes japonaise ont encore bien du chemin à faire avant d'être considérées comme des individus à part entière. 


09 février 2022

Aristocrats

Deuxième film vu dans le cadre du festival Hanabi, Aristocrats s'est révélé nettement plus intéressant que Tempura bien que d'une certaine façon le point de départ soit le même : une jeune femme en âge de se marier qui n'a pas encore trouvé le bon prétendant. Mais la trajectoire sentimentale de la jeune femme, personnage principal du film,  importe moins que ce que dit le film sur la condition féminine au Japon et surtout sur l'abîme qui sépare les classes sociales. 

D'un côté une famille de l'élite tokyoïte, c'est à dire riche, éduquée, traditionaliste qui s'est toujours soucié d'avoir un héritier pour occuper un poste politique et ainsi perpétuer l'influence familiale. Continuer pour que rien ne change ! 

De l'autre côté, deux jeunes provinciales, nettement moins fortunée qui ont été contrainte de renoncer aux études pour travailler et se heurtent chaque jour aux préjugés et aux exigences de la vie japonaise sans rien perdre de leur envie de faire quelque chose de leur vie. Un "quelque chose" qui ne passe pas forcément par le mariage et la maternité. 

Posément, le film de Yukiko Sode met en place les personnages, les fait se croiser dans une ville dont la caméra souligne la modernité comme pour mieux marquer l'écart croissant entre la société japonaise accrochée à ses traditions et le monde qui ne cesse d'évoluer.  Le montage parallèle permet de montrer comment chacune des jeunes filles affronte la réalité, mesure les enjeux qui l'attendent et s'efforce vaille que vaille d'accéder à une certaine liberté. On s'aperçoit alors que les contraintes qui pèsent sur les jeunes filles pèsent tout autant sur l'héritier désigné, qui n'a lui aucune possibilité d'échapper au destin que sa famille lui a réservé.

Aristocrats permet ainsi au spectateur de découvrir les arcanes extrêmement complexes de la société japonaise sur lesquels la réalisatrice, derrière une apparente neutralité, porte un regard sans indulgence. Un regard qu'à notre tour nous pouvons porter sur notre propre société qui diffère moins que l'on croît de la société japonaise.



08 février 2022

Twist à Bamako

 C'est du Guédiguian pur jus, le Guediguian dont on ne se lasse pas. Celui qui croit encore - et nous fait croire - à un idéal,  à une humanité généreuse et une société partageuse. Celui qui distille en nous le regret de ce qui aurait pu être et n'a pas été. 

Mais en se déplaçant jusque dans le Mali des années 60, c'est-à-dire juste après la révolution  du 22 Septembre et la reconnaissance de l'indépendance de la République malienne, en renouvelant ses comédiens, Guédidian donne non seulement de l'exotisme et de la jeunesse à son film, mais surtout de la couleur et du rythme. Un rythme effréné et des couleurs si vibrantes que l'on se croirait presque dans une comédie musicale ! Et parvenir à traiter de sujets aussi graves que la politique et les innombrables problèmes que rencontre toute jeune république, la distribution des richesses, l'éducation, la place de la religion, la remise en cause des traditions, l'émancipation des femmes - j'en oublie ? - sans peser ni lasser, est un beau défi aisément relevé par le réalisateur. Etrangement, on sort de ce film plus joyeux qu'amer ou même nostalgique.Avec du soleil et des larmes dans les yeux. Car on sait bien comment la fête a fini.


J'avoue pour ma part avoir particulièrement apprécié l'hommage rendu à Malick Sidibé qui dans les années 60 hantait tous les bals, boîtes de nuits et autres lieux dansants  de Bamako pour y photographier la jeunesse malienne, avide de musique, d'amour et ... de fringues autant que de politique.

https://www.theartcycle.fr/blog/malick-sidibe.html

07 février 2022

Nos âmes d'enfants

J'en attendais sans doute trop et le film ne m'a pas comblée, ou plutôt le sujet, comment gérer un enfant particulièrement imaginatif, sensible et obstiné ne m'a pas passionnée, sans doute parce qu'il est complété, de façon un peu artificielle par les interviews que mène le journaliste, personnage principal. Un drôle d'alliage entre documentaire sur la jeunesse américaine en général et une histoire particulière. 

Je ne sais pourquoi -  la lecture du pitch sans doute -  j'attendais une sorte de road-movie à travers les Etats-Unis. Certes le film commence à Detroit, se poursuit à Los Angeles, revient à New York avant de s'arrêter à la Nouvelle Orléans. Mais les trajets s'effectuant en avion, je n'ai vu là que des clichés touristiques faciles qui n'influent en rien sur le déroulement du film qui pourrait aussi bien se passer en un seul lieu.

Heureusement il y avait l'image en noir et blanc, absolument superbe, lumineuse, et des cadrages, des mouvements de caméra particulièrement réussis. Plaisir des yeux, c'est toujours ça. Auquel s'est ajouté le plaisir de voir jouer Joachim Phoenix dont le naturel - un comble pour un acteur - est toujours étonnant puisqu'il donne justement l'impression de ne pas jouer. 


06 février 2022

Andrew Krivak, L'Ours

 L'Ours est un roman un peu étrange, entre anticipation, survivalisme et fantastique, ce qui fait beaucoup pour un seul livre, mais Andrew Krivak mène à bien son entreprise. 

Anticipation plus que science-fiction parce qu'il n'est guère question de science ou de technique, mais l'incipit est clair : "Les deux derniers étaient un fille et son père qui vivaient le long de l'ancienne chaîne de l'est sur le flanc de la montagne qu'on appelait la montagne isolée." Pourquoi sont-ils les deux derniers, on ne le saura jamais, mais cela n'a pas d'importance, ce qui importe ici c'est de continuer et, lorsque disparaît le père de continuer seule. La fille se retrouve donc bien en mode survie, mais grâce à son père elle a suffisamment appris pour que le lecteur ait confiance en sa capacité à surmonter les obstacles. D'autant qu'elle est aidée - et c'est à ce moment que le roman entre dans le fantastique - par un ours d'abord, un puma ensuite.  

En ouvrant le roman, on pense forcément au livre de Gabriel Tallent, My Absolute darling ou au film de Debra Granik, Leave no trace, mais la voie choisie par Andrew Krivak n'est pas celle du réalisme social ou psychologique, non, sa réflexion est plutôt ... anthropologique  (?) puisqu'il s'agit de l'espèce humaine et de son rapport avec la nature. Mais l'Ours reste un roman qui se lit comme un roman d'aventure, tendre, émouvant, avec une héroïne particulièrement attachante parce que si fragile et si, en cours de lecture,  on se dit parfois qu'il préfigure la fin de l'humanité, alors, vite, on se rassure en se souvenant qu'il s'agit d'une fiction, seulement d'une fiction. Ou bien ....



Tempura

Tempura a été choisi comme film d'ouverture du festival Hanabi (7 films japonais en 7 jours), j'en attendais donc beaucoup. Mais je n'ai trouvé qu'un Journal de Bridget Jones à la japonaise. On y retrouve une jeune femme célibataire en attente du grand amour et le motif du journal est ici remplacé par le dialogues de deux voix intérieures, ce qui ne simplifie pas la compréhension.  Mais j'ai surtout trouvé le film très chichiteux avec des effets de mise en scène très - trop - appuyés. Un effet premier film peu-être avec une réalisatrice, Akiko Ohku, désiruese sans doute de montrer tout ce dont elle est capable et qui pour cela dilate son film à l'excès. Grosse déception donc mais je m'en remettrai.



05 février 2022

Ludovic Manchette, Christian Niemec, Alabama 1963

 C'est un petit polar de rien du tout qui se lit à toute allure. Mais c'est un petit polar qui en dit beaucoup sur ce qui passait en Alabama en 1963 et plus généralement dans les années 60. 

Les deux auteurs reprennent un schéma assez classique : un duo d'enquêteurs mal assortis lancés sur la piste d'un tueur en série qui ne s'en prend qu'aux petites filles noires.  Mais la grande trouvaille est de mettre, à côté de l'ancien policier déchu, alcoolique et déprimé, une femme de ménage noire plutôt dégourdi, qui n'a pas sa langue dans sa poche,  au demeurant veuve et mère de famille autoritaire et respectée. Le récit progresse comme il se doit entre tragédie et comédie. Mais surtout, les deux auteurs ont l'art et la manière d'informer leurs lecteurs sur la façon dont les Blancs et les Noirs vivaient en Alabama dans les années 60. Pour rappel : l'attentat de l'église baptiste noire de Birmingham où 4 petites filles ont trouvé la mort; l'entrée à l'université d'Alabama de deux étudiants noirs à laquelle le Gouverneur Wallace s'oppose physiquement après avoir proclamé, lors de son discours d'investiture : "segregation now, segregation tomorrow, segregation forever"; sans oublier la grande marche de Washington, le pont de Selma etc.  Mais les deux auteurs n'inscrivent pas seulement leur polar dans la grande histoire, il l'inscrivent avant tout dans les petites vexations, les humiliations, les frustrations quotidiennes des gens ordinaires. 

Alabama 1963 est un petit polar de rien du tout, pas prétentieux pour un sou, mais, finalement, très ambitieux. Une réussite en tout cas.


04 février 2022

Sur la Croisette ...

 Pas d'Apollon sur la Croisette,  mais un coursier, la tête dans son pot de peinture ! 

David David, Shopping man in art

Recto/verso


L'Apollon de la fontaine du Soleil


 

03 février 2022

Le charme d'une ville

Architecture XIXe siècle

Architecture XXe siècle

  

C'est pour moi le mélange des styles architecturaux qui fait le charme d'une ville

 



02 février 2022

Nice


Un palmier, une plante exotique, des agrumes et du mimosa, un clocher rose et un mur jaune, 
ce pourrait être n'importe quelle ville de la Côte d'azur. 

Mais les chaises bleues de la Promenade, 
bleues comme le ciel ...
 

Ce ne peut être qu'à Nice !