20 février 2022

Julie Ruocco, Furies

Difficile de lâcher ce livre une fois qu'on l'a commencé ! Et pourtant, je l'ai parfois délaissé un court moment, pour laisser passer un trop plein d'émotions. Parce que certaines scènes sont parfois très dures, et d'autres pleines de tendresse.

Furies est le premier roman de Julie Ruocco, une jeune femme qui travaille au parlement européen et n'avait jusqu'alors publié qu'un essai sur les jeux vidéos. Furies est un roman, un vrai c'est à dire qu'il doit beaucoup à l'imagination, à l'invention, à la façon de combiner événements et personnages pour donner sens à un récit parfaitement structuré. Mais, d'une certaine façon c'est aussi un document ou un essai parce que l'histoire et les personnages sont inscrits dans une réalité bien précise, celle du printemps syrien et du chaos qui a suivi, celle du massacre d'un peuple par ceux-là mêmes qui auraient dû être à son service. 

Le premier personnage à entrer en scène est une jeune archéologue française embarquée dans un trafic d'antiquités à la frontière turco-syrienne; dans la confusion des événements aux abords d'un camp de réfugiés elle recueille une petite-fille dont elle se sent désormais responsable. De l'autre côté de la frontière, Asim et sa soeur Taym luttent contre la répression et le désespoir. Lorsque sa soeur disparaît Asim se résigne à l'exil, passe la frontière, vit dans la clandestinité et fabrique sans relâche les faux passeports qui permettront à d'autres de fuir. 

Tous les éléments romanesques sont bien là, un homme, une femme, le danger, l'amour, la mort...sur fond de mythologie. Forcément ! quand on s'appelle Bérénice et que la références aux Furies, filles d'Ouranos, est récurrente tout au long du roman. Mais jamais le romanesque n'a été aussi bien confronté à la réalité, la réalité la plus sombre, la plus sanglante, la plus tragique, celle de cette guerre en Syrie qui dure depuis plus de dix ans déjà.

Julie Ruocco force son lecteur à ouvrir les yeux sur ce Moyen-Orient à feu et à sang depuis trop longtemps. Mais elle le fait par le biais de la littérature qui permet toutes les échappées; qui transfigure, transpose, déplace, embellit même les pires horreurs lorsque les mot sont justes et les paroles vraies. Voilà pourquoi j'ai aimé chacun des personnages, chacun des chapitres  et même chacune des maladresses de ce très beau premier roman.


https://www.fondationlaposte.org/florilettres/entretiens/entretien-avec-julie-ruocco-propos-recueillis-par-nathalie-jungerman

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