16 juin 2025

Ce nouvel an qui n'est jamais arrivé


Décembre 1989 ! Timisoara, Ceucescu, la révolution roumaine...  C'est déjà de l'Histoire, mais de celle que l'on n'oublie pas. Et le film de restitue à merveille l'atmosphère de ces jours qui ont précédé la chute du tyran. Mais pas seulement. Parce que c'est tout un climat d'interdits, de suspicion, de méfiance, qui était celui des pays sous domination soviétique. Bogdan Muresanu, pour son premier long métrage, propose au spectateur de suivre 6 personnages, qui s'efforcent de poursuivre une vie "normale" dans un climat de paranoïa totale devant les absurdités d'un régime dictatoriale. Montage alterné pour mieux suivre chacun des personnages et le Boléro de Ravel (un peu incongru il est vrai) pour mieux souligner la montée de la tension jusqu'à l'éclat final. C'est juste, c'est vrai et sur un écran assez drôle, bien que la réalité historique n'ait pas franchement prêté à rire. Mais avec le recul ...


Eowyn Ivey, Une Histoire d'ours

L'Alaska ! Trop loin, trop grand, trop froid, trop montagneux ... et puis franchement, l'Amérique en ce moment n'est pas vraiment fréquentable ... 

Une histoire d'ours, le deuxième roman d' Eowyn Ivey, est en revanche très fréquentable et très dépaysant, bien que sa lecture soit susceptible de causer quelques frissons. Parce que vivre dans une cabane isolée au milieu de la nature, une nature aussi sauvage que grandiose, est certes exaltant et une bonne partie du roman tente à en convaincre le lecteur. Mais l'isolement comporte aussi un certain nombre de dangers, surtout quand Birdie, sur un coup de tête, décide de gagner la forêt avec sa fille Amaleen, et de s'y installer aux côtés d'un homme du genre taciturne et pour tout dire bizarre qu'elle vient à peine de rencontrer. Birdie est une femme pleine d'énergie, une mère attentionnée et la petite fille est pleine d'initiatives. Ce qui devrait leur permettre de faire face à toutes les situations... ou presque. 

Voilà, le roman est lancé, et on ne le lâche plus  parce qu' Eowyn Ivey joue habilement de l'écriture des grands espaces si chère Gallmeister, son éditeur en France, et le fantastique, avec comme une envie de retour à l'état sauvage. La vie au plus près de la nature et des animaux, oui, mais avec un petit filet de sécurité quand même et un gentil vieil homme qui utilise son avion pour venir prendre des nouvelles et compléter l'avitaillement. On n'est aux Etats-Unis, en Alaska. pas dans les Carpates ...

 




14 juin 2025

Amira Ghenim, Le désastre de la maison des notables

Enfin un vrai roman "romanesque ". Plein de personnages, d'émotions et d'événements qui, bien que fictifs pour la plupart, s'accordent parfaitement avec la réalité ou plus exactement se mettent au service de la réalité pour mieux raconter l'évolution de la Tunisie des années 30 jusqu'au fameux "printemps arabe" de bien courte durée. 


Le pari d' Amira Ghenim est particulièrement audacieux, mais totalement réussi. Elle met au coeur du récit un personnage bien réel, Tahar Haddad, "intellectuel, syndicaliste et homme politique" dixit Wikipedia, un progressiste soucieux de l'évolution de la société tunisienne et partisan engagé "de la cause des femmes".     https://lepetitjournal.com/tunis/actualites/histoire-tahar-haddad-militant-feministe-avant-garde-53811

Mais  Amira Ghenim est bien trop maligne pour se contenter d'une biographie. Non ce qu'elle veut montrer, c'est comment la société tunisienne a réagi, a repris ou combattu les idées de Tahar Haddad et pour ce faire elle choisit de faire vivre deux familles l'une plus progressiste que l'autre, l'autre plus conservatrice.  Deux histoires familiales qui se croisent et se décroisent puisqu'un mariage, celui de Mhsen et de Zbeida les a réunies. On va ainsi suivre les familles Naifer et Rassaa  sur 4 générations, soit une bonne vingtaine de personnes (sans oublier les domestiques), qui vont, tour à tour et à des époques différentes, prendre la parole pour raconter leur version des faits dont ils ont été témoins, des propos qu'ils ont entendus et interprétés. Croiser les témoignages, n'est-il pas le B.A. BA de toute enquête policière qui tend à l'objectivité. C'est en tout cas la méthode qu'emploie Amira Ghenim et l'on ne peut qu'admirer sa  virtuosité à entrelacer les voix de ses personnages et à maintenir en alerte la curiosité du lecteur. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas lu un roman aussi complexe et au final aussi passionnant. 

12 juin 2025

Jeunes mères

 Avec les frères Dardenne, ce n'est plus tout à fait du cinéma mais plutôt de l'action sociale. Ou pour le dire plus gentiment une tentative d'éveiller les consciences sur des problèmes sociaux avec les moyens que leur donne leur réputation. Ce qu'ils font depuis le début de leur carrière cinématographique et ils le font très bien. Mais voilà, ce dernier film consacré aux jeunes mères recueillies dans un foyer le temps de leur grossesse, ressemble un peu trop à un inventaire des raisons qui expliquent que ces adolescentes se retrouvent devant le choix d'avorter ou de garder le bébé, de s'en occuper en dépit des difficultés ou de le confier à d'autres pour lui donner les chances qu'elles mêmes n'ont pas eu pour cause de foyer dysfonctionnel. Alors tout y passe, l'alcool, la drogue, la violence, la lâcheté masculine.... 

Le film est irréprochable, crédible, avec comme d'habitude une direction d'acteurs remarquables. Mais parfois, on trouve que le monde est trop lourd à porter, même au cinéma.



03 juin 2025

Tu ne mentiras point

Le film est vraiment très noir, et pas seulement parce que le personnage principal est un charbonnier ! L'histoire est relativement connue désormais puisqu'il s'agit du traitement que l'Eglise irlandaise a réservé aux "filles-mères" jusqu'en 1998 !  D'où le choix d'images presque toujours sombres, avec un éclairage limité pour des scènes nocturnes, souvent pluvieuses ou brumeuses. "Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle ..." L'adéquation entre les images et le récit est totale. 

En mettant au centre du film un homme, désormais père de famille aimant et attentif aux siens - alors qu'il est lui-mème né hors mariage, mais a été recueilli par une famille charitable, ce qui fait toute la différence -  le réalisateur, Tim Mielants, semble suggérer que d'autres choix sont possibles, que la conscience morale individuelle permet d'échapper à la chappe de plomb imposée par la religion. Car le film reste avant tout une attaque en règle contre l'Eglise catholique et ses suppôts, dont la supérieure du couvent est une parfaite représentante. Mais il montre aussi une société soumise, prête à baisser la tête et à laisser faire. Je ne vois rien, je n'entends rien, je ne dis rien ! 

Le film est certes très lent. Mais montrer l'éveil d'une conscience, montrer comme il est difficile de désobéir, de s'opposer à la loi ou du moins à des règles jugées iniques, de mettre ainsi en péril sa famille et sa place dans la société, ne pourrait en aucun cas s'accommoder des agitations d'un film d'action. Non, Tu ne mentiras point est un film lent et sombre et c'est très bien comme cela.


 


29 mai 2025

Art up : en passant par la foire...

 
Abstrait ou figuratif ...
 
 
... la couleur, le mouvement, les techniques ...


la représentation, l'expression


Dans l'art, comme dans les foires il y a un peu de tout.

 

28 mai 2025

Raphaël Quenard, Clamser à Tataouine

 Il écrit comme il parle. Phrases courtes, vocabulaire recherché, parfois savant, parfois juste vulgaire. Prétentieux, rigolard, provocateur... Raphaël Quenard est tout cela et somme toute insaisissable. 

Clamser à Tataouine est un roman enlevé, sur une trame simple : quelque chose comme les confessions d'un psychopathe, tueur en séries - de femmes  exclusivement - selon un schéma préétabli. Ce qui permet à l'auteur, de glisser ici et là, quelques éléments (vrais ou inventés) de sa vie personnelle. 

On le lit parce qu'on aime bien l'acteur, parce qu'on en parle dans les médias. De là à en faire une grande oeuvre littéraire ? Une pochade tout au plus, qui s'appuie sur la fascination de notre société pour les histoires criminelles. 




27 mai 2025

Little Jaffna

 Coloré, mouvementé, agité, en gros plans et caméra à l'épaule : le début du film embarque le spectateur dans un tourbillon effréné et le suite est à peine plus tranquille. Gangs farouchement opposés, activistes et militants, tout s'embrouille facilement pour le spectateur qui n'a pas, dès le départ, repéré le flic infiltré chargé de mettre au clair la situation. Il s'agit de rackets auprès des commerçants, mais entre rackets frauduleux et rackets pour une cause politique (celle des rebelles du Sri Lanka), la différence n'est pas évidente et l'on craint bien sûr pour la peau du flic, coincé entre les affrontements violents.  En tout cas, aucun risque d'ennui en allant voir le film de Lawrence Valin, à moins de relâcher son attention et de perdre le fil de l'intrigue. Le plus étonnant peut-être est que cette histoire se passe à Paris ! Un Paris très exotique pour le coup.




26 mai 2025

Partir un jour

Le film d'Amélie Bonnin, Partir un jour, est un film réjouissant. Une comédie douce-amère, dont on apprécie la justesse des dialogues, l'excellence du casting, la rigueur de la mise en scène, la souplesse des mouvements de caméra et ... le choix des chansons car oui, sans être une comédie musicale à proprement parler, le film est ponctué de chansons. Bref un film dont on n'a envie de dire que du bien, même si le jeu sur le mal-être des "transfuges de classe" n'est pas loin de devenir la tarte à la crème de la littérature et de la sociologie.

Mais ce que je préfère retenir dans le film d'Amélie Bonnin, c'est le moment de bascule d'une vie, le petit détail, chance ou malchance, qui dévie une trajectoire, sans retour en arrière possible. Ne reste que la nostalgie de ce qui aurait pu  arriver... mais n'est pas arrivé

25 mai 2025

James Lee Burke, New Iberia blues

Comme une envie de revenir au polar bien noir autant qu'au bout du bout du Mississipi, entre le bassin d'Atchafalaya et le bayou Teche, en plein territoire cajun.  Celui de Dave Robicheaux et de son ami Clete Purcel, semblables à eux même depuis le premier roman de James Lee Burke. 


Avec New Iberia Blues, le lecteur de Burke est en territoire connu :  on sait que Dave est un inspecteur de police, tendance dépressive, vétéran du Vietnam et ancien alcoolique. On connaît sa maison au bord du bayou, sa fille, ses chats. On connaît ses habitudes, sa façon de faire, plus intuitive que rationnelle, sa violence latente. Comme on connaît son penchant à la contemplation d'un territoire en train de disparaître sous la poussée de la modernité. L'enquête dont il est chargé flirte avec le milieu du cinéma : un homme revient sur les lieux de son enfance après avoir fait fortune à Hollywood.  Il y a un nombre conséquent de meurtres et de scènes de violences, particulièrement morbides et minutieusement décrites comme il se doit dans tout polar; mais il y a aussi des des scènes méditatives et des  descriptions de paysages à vous donner envie de prendre immédiatement un avion pour la Louisiane. C'est à ce mélange de douceur et de brutalité que l'on reconnaît le savoir faire de James Lee Burke. Le premier roman surprend, mais si on accroche, on les lit tous les uns après les autres.

15 mai 2025

Dand O'Brien, Adieu Dakota

Depuis Les Bisons de Broken Heart, je ne cesse d'attendre les nouveaux livres de Dan O'Brien, certaine d'y retrouver à chaque fois le même univers. Celui d'un rancher du Sud Dakota, qui a consacré sa vie à l'élevage de bisons, et, plus encore à la restauration de la Prairie, sachant que l'un ne va pas sans l'autre. Ecologiste dans l'âme, profondément humaniste, c'est, entre autres, à travers ses livres que Dan O'Biren partage ses convictions. Parfois sous forme de récit, parfois sous forme de roman comme c'est le cas dans Adieu Dakota

Que ma lecture du roman soit un peu biaisée, j'en conviens parce que je prends toujours plaisir à retrouver l'évocation de lieux que j'ai moi-même parcourus. Mais il y a d'autres entrées pour apprécier ce roman qui se présente en fait comme un récit familial. En effet Jason, le personnage principal, revient auprès des siens dont il s'était éloigné : sa mère est en fin de vie et ces retrouvailles sont l'occasion pour lui de revenir sur les événements du passé et ce qui l'a poussé à partir. La confrontation entre le passé et le présent est certes personnelle, mais elle permet à l'auteur de montrer les changements intervenus dans cet Etat rural de l'Amérique depuis que les réserves de gaz de schiste ont commencé d'y être exploitées de façon intensive ce qui n'est pas sans modifier et l'économie et le mode de vie des habitants de la région. 

Dans un monde qui ne cesse d'évoluer et dont les changements paraissent irréversibles, il appartient à chacun de faire ses choix.  Accepter ? S'habituer ? Partir ? Continuer ? S'adapter ? Renoncer ? Résister ? Adieu Dakota est bien un roman, pas un essai philosophique. Et pourtant ...


James Mc Bride, L'Epicerie du Paradis sur Terre

Ce serait vraiment dommage de passer à côté d'un écrivain comme James Mc Bride et de son dernier livre, L'Epicerie du paradis sur terre, parce que James Mc Bride manipule comme personne la matière romanesque : en l'occurrence un lieu, Chicken Hill en Pennsylvanie (état hautement symbolique puisque c'est à Philadelphie qu'a été signée la constitution américaine), une époque, les années 30, années de grande misère en particulier pour les populations noires (sorties de l'esclavage mais pas de la ségrégation) et les juifs fraîchement immigrés, attachées à leurs traditions européennes et pas tout à fait américains encore. Pour faire le lien entre ces deux groupes sociaux, il y a Moshe qui a fait fortune en organisant des concerts, et surtout sa femme, Chona, qui, malgré leur récent enrichissement s'obstine à tenir l'épicerie de leurs débuts parce que cela lui permet de venir en aide à beaucoup de gens. 

Le roman s'ouvre sur la découverte d'ossements au fond d'un puits, mais avant d'en connaître les raisons, il faut remonter le temps et faire revivre tout un monde depuis disparu. Parce que, en dehors du pourquoi et comment et la résolution de l'énigme policière  - que le lecteur finit presque par oublier -  ce qui intéresse Mc Bride c'est de montrer une foule de personnages, tous représentatifs d'une certaine Amérique et de divertir le lecteur qui ne boude pas son plaisir. L'écrivain sait comme personne créer des personnages, un peu fantasques mais parfaitement crédibles, des situations désopilantes et pourtant plausibles. Il brode, il invente, il imagine, il s'enflamme, mais la réalité n'est jamais loin parce que ce qui le pousse à écrire c'est son humanisme, qui a sans doute beaucoup à voir avec sa propre identité. 

"L'écriture de James McBride se construit au croisement des racines polonaises, afro-américaines, juives et chrétiennes de l'auteur, dont l'œuvre touche ainsi à l'universel. Ses ouvrages ne cessent d'explorer les fondations d'une Amérique qui n'a pas fini d'évoluer." Gallmeister

Lire L'Epicerie du Paradis sur terre  c'est se donner la chance de retrouver non pas une Amérique idéale qui n'a jamais existé, mais une Amérique moins déroutante, moins effrayante que celle d'aujourd'hui.

 



Les Bergers


 Mais non, contrairement aux apparences, la vie de berger n'est pas de tout repos. C'est une vie rude et  semée d'embûches (les patrons d'abord, pas très conciliants, c'est le moins qu'on puisse dire, la météo  parfois redoutable et bien sûr les loups ! ) Tout cela on l'apprend par le biais dans un film qui sous prétexte d'un documentaire, joue plutôt la carte de la comédie légère ... à moins que ce ne soit le contraire ; parce que le film raconte aussi l'histoire d'une rencontre entre Mathias, un Quebécois, venu en France pour changer de vie et devenir berger alors qu'il ne connaît rien au métier, et une jeune fonctionnaire de pôle emploi, Elise, qui lâche tout pour le suivre. 

En jouant sur les deux tableaux, docu et comédie sentimentale, Sophie Deraspe, réussit un film plutôt malin pour le plus grand plaisir du spectateur.

07 mai 2025

Deux soeurs

 J'attendais mieux du film de Mike Leigh qui, de façon un peu caricaturale quand même, fait le portrait de deux soeurs aux personnalités radicalement opposées. Mais Chantal, une femme rayonnante, positive, chaleureuse, drôle n'est là que pour mettre en valeur le comportement insupportable de  Pansy, une personne toxique s'il en est : négative, colérique, agressive, dépressive, etc... qui détruit littéralement sa famille et son entourage. Son comportement a peut-être une explication, mais le réalisateur ne nous la donne pas. Il semble surtout avoir donné carte blanche à son actrice, Marianne Jean-Baptiste qui en fait des tonnes. Trop.




05 mai 2025

Olivier Rolin, Vers les îles éparses


 

Pourquoi cet écrivain me fascine-t-il autant ? Je ne sais pas vraiment... Peut-être parce que ses livres sont presque toujours des objets improbables, rarement de vrais romans, souvent des récits personnels, entre récit de voyage et récit intime. Il parle de lui, de ce qu'il voit, des gens qu'il rencontre et qu'il écoute. Il parle des écrivains qu'il aime, Cendrars en tête. Un peu baroudeur, un peu érudit. Souvent râleur, rarement enthousiaste... Il écrit comme il est, libre avant tout. Et ce petit livre, récemment publié aux éditions Verdier ne se démarque pas des précédents.

L'écrivain a eu l'opportunité d'embarquer sur le Champlain, un bâtiment de la marine nationale chargé entre autres de ravitailler les bases militaires ou scientifiques des Îles Eparses, au large de Madagascar. Voyage immobile, puisque ce sont les paysages qui se déplacent et qu' Olivier Rolin n'a, au sens propre rien à faire qu'à regarder, contempler, admirer ... Paysages marins, paysages insulaires, ciel et mer toujours changeants, alors qu'à bord la routine l'emporte.  Olivier Rolin observe, questionne, écoute, comme le ferait un journaliste, et puis se retire dans sa cabine, pour lire, encore et encore. 

Pour avoir un jour traversé l'Atlantique sur un cargo, je n'ai pas eu trop de peine à me glisser entre les lignes, mêlant mes propres souvenirs aux observations de l'écrivain. Ma vie était devant moi, la sienne est derrière lui, mais l'expérience n'est pas si différente.

29 avril 2025

Ehsan Norouzi, Transpotter

 

A chacun sa manie. Ehsan Norouzi fait partie de ces fous du rail qui depuis l'enfance ne rêvent que d'une chose, conduire une locomotive et tout savoir sur les trains. Trainspotter n'est donc pas un récit de voyage comme on pouvait s'y attendre, mais plutôt un documentaire très complet sur l'histoire du réseau ferroviaire iranien. L'auteur a obtenu l'autorisation qui lui ouvre toutes les portes de toutes les gares et de tous les trains avec la possibilité d'interroger tous ceux qui ont contribué et contribuent encore à faire fonctionner le réseau. Sous sa plume, l'histoire de la Transiranienne, qui permet d'aller de la mer caspienne au golfe persique et de la Turquie à l'Afghanistan devient un récit héroïque bourré d'informations techniques, de rappels historiques et d'anecdotes drôles, émouvantes ou édifiantes. Quelques cartes précisent les noms de lieux et permettent au lecteur d'imaginer le trajet des différentes lignes. 

Transpotter n'est pas un roman, pas vraiment un récit de voyage, mais, pour peu qu'on s'intéresse à l'Iran, le livre se lit avec beaucoup d'intérêt. Sans en avoir l'air, il rappelle que l'Iran n'a pas toujours été sous la coupe des mollah et qu'il a compté un temps parmi les nations progressistes.

25 avril 2025

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère)

Du cinéma thaïlandais je ne connaissais jusqu'à présent qu'Apichatpong Weerasethakul; j'ajouterai désormais un autre nom, plus facile à retenir : Pat Boonnitipat qui vient de réaliser un film au titre plus subtil que son titre : Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère). 

Le titre en effet peut laisser croire à une farce du genre "on va plumer la vieille", et le début du film part un peu de ce côté plutôt sordide. Mais la réussite du film tient à l'ambiguïté des personnages et des situations. A commencer par la grand-mère, autoritaire et plus têtue qu'une mûle. Sa fille et ses deux fils sont bien trop contents de se défausser sur le petit-fils pour s'occuper de la vieille dame.  C'est donc M, car tel est son nom qui vient s'installer dans la maison de sa grand-mère pour ... s'occuper d'elle ?  ou pour récupérer la maison ? De quel côté basculera le film, vers le matérialisme le plus cynique ou vers la tendresse et la morale ? Le réalisateur se joue des hésitations du spectateur qui bascule constamment d'un côté à l'autre.

Le rôle de M, est tenu par un acteur dont le jeu m'a paru remarquable, tout en finesse, tout en ambiguïté justement. Son nom : Putthipong Assaratanakul. Oui, pas facile à mémoriser !




24 avril 2025

Le joueur de go

Le film de Kazuya Shiraishi, un film de sabre japonais, un film de samouraïs ? Pas vraiment, parce que si Yanagida, le personnage principal est bien un ancien samouraï, il vit désormais une vie plutôt plan-plan. Austère et taciturne, il excelle au jeu de go... ce qui va, contre son gré l'entraîner dans une intrigue à peu près aussi compliquée que les règles du go ! Fausses accusations, soupçons, tromperies, défis... on n'est pas loin de la prise de tête. Alors je me me suis contentée de me perdre dans la restitution très soignée d'un Japon ancien aussi conventionnel que les estampes des maîtres japonais. 

Mais il faut bien reconnaître que costumes et décors, aussi soignés soient-ils, ne suffisent pas à faire un film, que les parties de go ralentissent le rythme et que l'on ne doute pas un seul instant de la capacité du joueur de go à déjouer tous les pièges et, surtout, surtout,  à préserver son honneur ! 


23 avril 2025

Antoine Choplin, La Barque de Masao

Voilà un livre qui se lit rapidement, et qui s'oublie presque aussi vite sans doute. Son principal intérêt à mes yeux est qu'il se passe au Japon et plus précisément dans les îles de la mer intérieure du Japon : Naoshima,  Teshima, Ogijima ... autant de lieux devenus passages obligés pour les amateurs d'art contemporain et d'architecture.

Mais à lire le roman d'Antoine Choplin, on se demande si les retrouvailles entre le père ouvrier et la fille architecte est le véritable sujet du roman, ou juste un prétexte pour parler des musées et des oeuvres, il est vrai tout à fait exceptionnelles, qui ont fait la fortune de ces îles-musées.

La Barque de Masao un livre agréable à lire ... avant un voyage au Japon ? Au retour d'un voyage au Japon ?  A la place d'un voyage au Japon ?  C'est à chacun  d'en décider... Mais si ni le Japon, ni l'architecture, ni l'art contemporain ne vous intéressent, vous pouvez laisser le livre sur les étagères de la bibliothèque. 






22 avril 2025

Dimanches

Hasard des programmations cinématographiques, mais coup sur coup, deux films passéistes, c'est un peu trop pour moi. 

J'accorde à Vermiglio, le bénéfice du doute parce que le portrait qu'il fait de la conditions des femmes permet en réalité de mesurer tout ce que nous avons gagné en force et en indépendance depuis l'après-guerre.  Mais Dimanches est un film délibérément passéiste ou plutôt une charge - assez drôle parfois et même émouvante - contre le progrès lorsqu'il est imposé. En toute bienveillance, mais imposé. 

Dimanches est un film ouzbek, une rareté suffisante pour s'y intéresser. Shokir Kholikov, dont c'est le premier long métrage, met en scène un vieux couple de paysans qui vivent comme ils ont toujours vécu et comme avant eux ont vécu leurs parents etc... Leur fils - ils sont apparemment deux, mais leurs apparitions sont si brèves qu'on ne les identifie pas vraiment, et cette absence de personnalisation fait partie du jeu - leurs fils donc remplacent régulièrement le matériel obsolète de leurs parents par du matériel plus performant : une gazinière supposée s'allumer sans allumettes, une télé à écran plat, un smartphone, un réfrigérateur qui ne fait pas de bruit etc... Le problème, et bien des spectateurs en conviendront, c'est que les nouvelles technologies sont parfois difficiles à maîtriser, surtout sans mode d'emploi ! Le vieux père - bougon et autoritaire - a de toute façon renoncé et compte sur sa femme, plus alerte et plus conciliante pour s'en sortir. Toujours est-il que la soit-disant bienveillance des fils perturbe de plus en plus le vieux couple, et finit par les mettre en danger. 

J'avoue ne pas avoir suivi la piste qui suggère que les fils cherchent moins à aider leurs parents qu'à récupérer à leur profit leur propriété. Mais les désarrois du couple devant les progrès techniques m'ont paru bien observés et posent la même question qui faisaient déjà se quereller Voltaire et Rousseau : les progrès des sciences et des techniques contribuent-ils au mieux-être de l'humanité ? Dimanches est  certes un voyage dans l'Ouzbekistan rural, mais il n'est pas besoin de grande réflexion pour pointer les similitudes avec notre propre société. 

Le film est un peu lent - vieillesse oblige ? - mais visuellement intéressant. Et les "acteurs" ... dont c'est la première apparition à l'écran, confondants de naturel. Finalement, pour un film passéiste et après réflexion, pas mal du tout !




21 avril 2025

Vermiglio ou la mariée des montagnes

La vie rude des habitants d'un petit village perdu des montagnes du Trentin pendant la deuxième guerre mondiale. Pour un peu, le film de Maura Delpero passerait pour un documentaire, faisant l'éloge (?) de l'austérité et d'un société fondée sur la religion, la famille et, quand même, l'instruction puisque le père de famille est instituteur.

La beauté des images est certes un atout pour qui aime la montagne, mais ne suffirait pas à sortir le film de son aspect documentaire si la réalisatrice, n'avait construit une histoire autour d'un déserteur recueilli par les habitants dont la fille de l'instituteur tombe amoureuse. Mariage. Grossesse. Fin de la guerre ... Le jeune marié doit partir pour régulariser sa situation, l'absence se prolonge... Et nous voilà dans le mélo. Ou la tragédie. Ce n'est certainement pas un mauvais film, mais j'ai peiné à m'intéresser aux personnages, sans doute un peu trop schématiques.



19 avril 2025

Au pays de nos frères

 2001, 2011, 2021. Voilà trente ans que cela dure. Trente ans que des Afghans ont dû quitter leur pays et se réfugier en Iran. Trois décennies, mais rien ne change. Le dispositif utilisé par les cinéastes, Raha Alirfazli et Alireza Ghazemi est aussi simple qu'efficace : un triptyque  chronologique qui permet de montrer la difficulté de vivre sous la menace permanente d'une expulsion, porte ouverte à tous les abus. A chaque décennie, des personnages différents, des situations différentes, mais toujours la même dépendance, la même nécessité de se soumettre, de se taire pour ne pas risquer l'expulsion. 


Le film est poignant, mais ne sombre pas pour autant dans le pathos. C'est un constat.   Réaliste. Véridique.  Juste. Au spectateur de poursuivre la réflexion. Mais une fois encore je m'interroge. Quel est l'efficacité d'un film que ne vont voir que ceux qui sont déjà convaincus que le monde ne tourne pas si bien que cela ?

Les aborigènes du Clos des Capucins et ceux de la place Victor Hugo

Il pleut, il mouille. L'occasion de faire un petit tour dans les galeries et les musées. Et si la culture aborigène vous a toujours intrigués, c'est le moment d'aller jusqu'aux Clos des Capucins où sont exposés des tableaux aborigènes australiens. L'exposition est mise en place par la galerie Vent des cimes, qui dans ses propres locaux, place Victor Hugo expose actuellement des peintures aborigènes indiennes. 

 A chacun de choisir s'il préfère la minutie quasi monochrome des peintres Warli ....


ou la puissance colorée - et pour nous abstraite - des peintres australiens.

 https://galerie-ventdescimes.com/art-aborigene-catalogues-des-oeuvres/

 

 


José Antônio da Silva

Petite pause cinéma, le temps de passer voir la nouvelle exposition proposée par le Musée de Grenoble. Une exposition relativement petite - tant mieux !  - mais une belle découverte : celle d'un peintre brésilien, plus connu dans son pays qu'en France et c'est une chance d'avoir pour la première fois en Europe une exposition qui lui soit entièrement consacrée.


 Jose Antonio da Silva  est un peintre brésilien. Ce qui n'explique pas grand chose. en revanche, ce qui le définit, me semble-t-il, c'est avant tout la couleur ou plutôt les couleurs : fortes, vibrantes, du rouge, du vert, du bleu, du jaune. 


Son trait est figuratif, naïf, mais surtout vigoureux. Des qualités esthétiques indéniables, auxquelles s'ajoute un engagement social qu'il a porté au coeur de son oeuvre. Car ce qu'il peint c'est la vie de tous les jours des paysans du Sertao, les travaux des champs, les villages, les fêtes ... 

Les couleurs alors se font plus discrètes, plus sobres, une façon d'accorder plus d'importance aux détails de la vie villageoise : quelques cahutes au bord de la forêt, une luxuriance sylvestre rendue par la prolifération des verts.

  

Certains tableaux vus de loin,  frôlent le surréalisme. Mais de loin seulement, parce que, de près, ce sont les nuées d'insectes qui justifient la présence de cet épouvantail dont on imagine sans peine les rotations.  Vaines probablement ! Une scène agricole banale ... magnifiée par le cadrage et les couleurs

 

Les tableaux exposés au musée de Grenoble laissent entrevoir la liberté du peintre, qui, dans ces choix artistiques, semble ne se soucier que des chemins où le mène sa fantaisie. Le voilà soudain qui s'essaye à la nature morte, genre consacré s'il en est, mais à la façon des pointillistes.

 

Du bleu et du blanc. Des points, des taches. Le résultat est saisissant et le champ de coton surgit sous nos yeux avec un bel effet de perspective.

 

Et puis il y a encore dans les tableaux de Jose Antônio da Silva, cette tentative pour rendre le mouvement. Celui du vent qui emporte le parapluie et fait tourbillonner le linge dans lequel une femme enveloppe son enfant. 

 Ou celui de la pluie quand elle tombe si drue qu'elle brouille la vue et mélange les couleurs. 


José Antônio da Silva est un peintre qui nous ferait presque aimer la pluie !


18 avril 2025

Radio Prague

Est-ce qu'il passe encore sur les écrans ? En tout cas c'est un film à ne pas rater,  parce que susceptible de plaire à plusieurs générations, en particulier à celles qui ont suivi en direct les événements du Printemps de Prague, un printemps "révolutionnaire" qui s'est achevé  dans la nuit du 21 au 22 août 68 avec l'entrée des chars russes dans la ville ! Vieille habitude soviétique de résoudre les questions politiques avec des armes.

Mais même les générations qui n'ont "entendu parler" de cet épisode que dans les livres d'histoire suivront avec intérêt la petite équipe de radio qui jusqu'au dernier moment tente de résister. Le film est construit comme un thriller et bien que l'on connaisse tous le dénouement, il est redoutablement efficace pour montrer les enjeux de cette bataille perdue et la détermination de ceux qui croyaient encore à la démocratie. Il montre tout aussi efficacement comment l'Etat soviétique parvenait à manipuler les plus fragiles de ses citoyens pour les contraindre à la délation. Radio Prague est certes un film historique, et l'URSS n'existe plus, mais rien n'empêche le spectateur de faire le parallèle entre les méthodes d'hier et celles de leurs successeurs, à Prague, en Ukraine ou ailleurs ... quand aujourd'hui ressemble furieusement à hier.

 Le réalisateur, Jiri Mádl - trop jeune - pour avoir vécu le Printemps de Prague, est parvenu à restituer l'atmosphère, les couleurs et même la qualité d'image des films de l'époque, tout en faisant un usage modéré, mais efficace, des images d'archives. Un début de carrière qui s'annonce plutôt bien pour ce cinéaste.



17 avril 2025

Ce n'est qu'un au revoir

 

Après L'île au trésor et A l'abordage, Ce n'est qu'un au revoir est le troisième film de Guillaume Brac que je vois.  Toujours avec le même intérêt parce que ce documentariste a une approche étonnante de ses sujets : il parvient  en effet à maintenir micros et caméras à la distance indispensable à la restitution objective de la réalité, tout en jouant de la proximité qui lui permet d'obtenir un récit à la fois intime et totalement naturel. Et ceci, quel que soit l'environnement géographique ou culturel. 

En l'occurrence, Ce n'est qu'un au revoir est composé de deux films, aussi passionnants l'un que l'autre. Le premier s'intéresse à des lycéens de Die, internes pour la plupart, qui vivent avec une certaine exaltation leurs derniers jours avant le bac. Une exaltation teintée de mélancolie puisqu'ils vont se disperser en fonction de leurs choix universitaires, s'éloigner sans être sûrs de se retrouver. La terminale porte bien son nom : c'est la fin d'un cycle, fin aussi d'une certaine insouciance. 

Le deuxième film est centré sur l'amitié qui unit deux adolescentes en classe de seconde dans un lycée d'Hénin-Beaumont.  Le départ programmé de Linda n'est pas une bonne nouvelle pour Irina qui va se retrouver seule. Très proches depuis longtemps, ces deux jeunes filles sont pourtant très différentes et leurs échanges sont loin d'être superficiels. L'une veut être chirurgienne, l'autre s'occuper d'enfants en difficulté. 

Que deviendront ces deux jeunes filles? Que deviendront les lycéens chahuteurs de la Drôme ? On aimerait le savoir...  et suggérer au réalisateur de les retrouver dans quelques années.

09 avril 2025

Ojoloco 2025 : Simon de la montana

 Le film de clôture du festival m'a laissée un peu perplexe. Car pendant toute la durée du film je me suis demandé qui avait vraiment sa carte d'invalidité et qui ne l'avait pas. Car la petite bande de jeunes que rejoint Simon est apparemment composée d'individus "déficients", mais pleins de vie et de drôlerie. Les rejoindre permet à Simon d'échapper à la solitude autant qu'au contrôle parental. Mais Simon n'a pas sa carte d'invalidité. En a-t-il besoin ? Rien n'est moins sûr. Pourtant son ami Pehuen entreprend de le cornaquer pour obtenir le fameux sésame. Fraude ? Imposture ? Le problème n'est pas là je crois, mais la question qui se pose est celle de la différence entre valide et invalide. Sur quels éléments sont fixés les critères administratifs qui permettent d'obtenir la fameuse carte d'invalidité ? Comment définir la normalité ? Surtout quand il s'agit d'un handicap mental. 

Le film de Federico Luis n'est en rien complaisant. Plutôt du genre perturbant pour qui ne rechigne pas à s'interroger. Et comme il sort très prochainement sur les écrans... à chacun de se faire une idée par soi-même.



08 avril 2025

Ojoloco 2025 : Mamifera

Dernier film en compétition, Mamifera est un film relativement classique dans sa forme, mais qui aborde un sujet bien dans l'air du temps : celui de la reproduction. Ou plutôt du choix qui est désormais celui de l'être humain, de se reproduire ou pas.  La réponse est loin d'être évidente et les 3 jours de réflexion imposés avant l'intervention permettent de tout remettre à plat. Mais le film de Liliana Torres n'est ps un documentaire du planning familial. Non c'est un film joyeux et plein de vie, avec des acteurs très convaincants. 


Et cerise sur le gâteau,  le film doit sortir bientôt sur les écrans (ce qui n'est, hélas, 
pas le cas de la plupart des films vus pendant le festival.

Ojoloco 2025 : Isla negra

Il s'en faut de peu pour que le film de Jorge Riquelme Serrano bascule vers la caricature en opposant, sur le même territoire, deux groupes sociaux radicalement différents : d'un côté, dans une maison somptueuse avec vue sur la mer, un promoteur immobilier et sa maîtresse; de l'autre, un couple et leur vieux père qui après avoir été chassés de leur domicile, ont installé un campement rudimentaire sur la plage en contrebas. 

Les riches et les pauvres, les gens d'en haut et ceux d'en bas, on commence par craindre le pire et on s'inquiète de la vision manichéenne du réalisateur. Qui se révèle beaucoup plus nuancé que cela parce que d'affrontements en affrontements, il laisse entendre que le monde est toujours plus complexe qu'il n'en a l'air. Ce qui permet au spectateur de changer plusieurs fois de point de vue au cours de film et de prendre fait et cause, alternativement pour chaque partie. Qui a tort? Qui a raison ? A chaque spectateur de décider par lui-même. 

Qu'un réalisteur, (ou un auteur), pousse le spectateur à s'interroger sans lui imposer un point de vue, et qu'il le laisse au final libre de ses choix, voilà qui me convient infiniment mieux que le réalisateur qui  tient absolument à faire passer un message. Certains cinéastes comme certains écrivains ont tendance à confondre information et propagande. Ce n'est pas le cas de Jorge Riquelme Serrano.

 





06 avril 2025

Ojoloco 2025 : Salao de baile

 Autrement dit Salle de bal ! Mais ne vous attendez à des valses viennoises ou des tangos argentins. Dans ce documentaire tonique et dynamique, coloré et ... agité, il bien question de danse, mais de celles qui constituent la culture "ballroom" dans sa version brésilienne. Pour qui n'est pas familier de cette culture il est un peu difficile de s'y retrouver tant les structures qui regroupent souvent de façon informelle ou éphémère les danseurs, sont diversifiées et tant les catégories qui permettent d'entrer dans les compétitions sont multiples. On se perd un peu, il est vrai dans le rythme effréné du film de Juru et Vita, mais il est bon de temps en temps de sortir de sa zone de confort et de se laisser emporter par la découverte d'univers différents du nôtre. 



Ojoloco 2025 : Fenomenos naturales

Un film cubain c'est plutôt une rareté depuis trop longtemps. Alors il n'était pas question de rater Fenomenos naturales de Marcos Antonio Diaz Sosa. Sans attaquer directement le régime, le réalisateur s'intéresse à une jeune couple qui rêve de l'avenir radieux que lui a promis la révolution.  Oui mais...

Alors qu'ils rêvaient d'une relative prospérité et d'un appartement à La Havane, après un accident de la vie comme il y en a tant, les voilà,  réfugiés dans une cahute à la campagne en train d'élever des cochons. Survient une tornade... et le film change de direction puisque Vilma, comme la Dorothée du Magicien d'Oz se retrouve propulsée dans un monde radicalement différent, où le champagne coule à flot et où les machos mènent le monde. Et voilà la jeune infirmière soudain transformée en tireuse d'élite ! Changement de registre, la comédie absurde prend le pas sur la tragédie. Se moquer et rire pour ne pas pleurer. C'est toute la force de ce film.


Ojoloco 2025 : Historias de Shipibos

Historia de Shipibos est un de ces film qui penche du côté du documentaire ethnique, même s'il a vaguement recours à la fiction pour montrer à quoi correspond la culture des Shipibos, un peuple indigène d'Amazonie qui vit en marge de la culture dominante. Le film est très démonstratif, didactique, construit en trois volets qui montrent d'abord l'enfance et l'éducation du jeune Bewen par son grand-père, dans le respect des valeurs et des tradition, puis son départ vers la ville, lieu de toute les dérives, avant son retour à la forêt de son enfance.  Aussi louables que soient l'intentions du réalisateur, Omar Ferroro, son film ne m'a pas vraiment passionné. D'autant que le retour à la vie d'avant, supposée infiniment meilleure que celle d'aujourd'hui, ne m'a jamais paru très convaincant. Ni dans la forêt amazionenne, ni ailleurs dans le monde. Je crains même que ce ne soit un leurre dangereux.



31 mars 2025

Ojoloco 2025 : Agarrame fuerte

 Pas le bon film à voir en ce moment avec, en ouverture, une cérémonie funéraire qui n'en finit pas. La suite est un peu plus intéressante puisqu'elle évoque l'amitié qui unissait les amies de la jeune fille que l'on vient d'enterrer. Et l'on se retrouve avec elles, le temps d'un été au bord de la mer. Un film sans grande originalité, sympathique, mais à peine vu, déjà oublié.



Ojoloco 2025 : Los Tonos Mayores

 

Ce qui frappe d'abord dans le film d'Ingrid Pokropek, c'est son côté insolite, à la limite du fantastique  : une prothèse métallique qui émet des vibrations, immédiatement transposées en notes de musiques, et interprétées comme un message venu... d'ailleurs.  Et puis, derrière l'histoire un peu fantasque, il y a surtout le très joli portrait d'une adolescente : Ana, la jeune fille qui avec l'aide de ses amis cherche à déchiffrer le message. Sofia Clausen, la jeune actrice qui tient le rôle d'Ana est stupéfiante de naturel. Une sensibilité à fleur de peau en parfait accord avec l'atmosphère d'un film tout en délicatesse, qui n'explique pas, mais laisse entendre les raisons qui poussent Ana à chercher du sens là où il n'y en a peut-être pas. 





 

Ojoloco 2025 : Los Capitulos perdidos

Un film vénézuélien, dans l'état actuel du pays, c'est déjà un petit miracle en soi. Et avec bien peu de moyens, Lorena Alcarado réussit  à filmer une jolie balade dans les librairies de Caracas. Chronique d'un été entre une fille et son père qui partagent la même passion, celle des livres, des bibliothèques et des librairies, balade nonchalante dans une ville en pleine déliquescence. Ni drame, ni tragédie, juste un état des lieux, à mi chemin entre le documentaire et la fiction.



Hélène Gaudy, Un Monde sans rivage

 Encore un livre d'Hélène Gaudy qui petit à petit me permet de mieux cerner son univers. Cette fois-ci il s'agit d'un récit de voyage, d'un enquête sur la destinée de trois hommes qui se sont lancés dans une aventure périlleuse : gagner le Pôle Nord en montgolfière ! Ils sont partis en juillet 1897, ont été portés disparus peu de temps après; 30 ans plus tard leurs restes sont retrouvés par hasard,  Et avec leurs ossements, des pellicules photos qui depuis ont été développées. C'est à partir de ces quelques images, floues ou peu lisibles que l'écrivaine construit son récit, reconstitue les dernières semaines, les derniers jours de ces trois hommes, sans craindre d'inventer les éléments qui lui manquent, toujours entre fiction et réalité. "Une narration qui finit par se substituer au voyage réel."

Un monde sans rivage peut être lu comme un document historique, qui viendra s'ajouter à tous les récits d'exploration et portraits d'aventuriers déjà rangés dans nos bibliothèque. Mais il est beaucoup plus que cela parce que Hélène Gaudy, en écrivant, entraîne le lecteur dans la construction de son récit. Et la façon dont elle utilise les photos, dont elle relie les documents en sa possession et ceux qu'elle va chercher pour comparer, vérifier, la façon dont elle met en branle son imagination pour combler les vides, tout cela finit par faire le vrai sujet du roman autant que l'histoire de Salomon, Knut et Nils. 

 



 

30 mars 2025

Lire Lolita à Téhéran

Petite interruption dans la suite des films proposés par Ojoloco, pour aller voir le film d'Eran Riklis, adapté du roman d'Azar Nafisi paru en France en 2004.  Reprendre une oeuvre littéraire pour l'adapter au cinéma m'a toujours paru une tâche difficile voire impossible puisque c'est nécessairement restreindre les infinies possibilités d'interprétation d'un texte à une seule vision, celle du réalisateur. Voilà sans doute pourquoi le film m'a paru relativement fidèle au texte (lu il y a plus de 20 ans !) mais passablement laborieux.  Et de surcroit décourageant car la main mise des ayatollahs en Iran, comme celle, encore bien pire, des talibans en Afghanistan, est toujours là. Oui bien sûr lire et étudier Nabokov, Fitzgerald, James, Austen permet aux femmes de s'interroger, de réfléchir, de prendre la mesure de leur désirs comme des limites qu'on leur impose. Mais faut-il que les gouvernement soient bien peu sûrs de leur valeur pour interdire aux femmes de penser par elles-mêmes. 

Oui, il est grand temps de relire la lettre de Voltaire sur l'Horrible danger de la lecture. Il date de 1766 ! Mais il semblerait que certains, en Iran et ailleurs, n'aient rien compris aux antiphrases et se soient contentés de prendre les mots au pied de la lettre. 

 

Ojoloco 2025, Marco l'énigme d'une vie

Film d'ouverture du festival Ojoloco, Marco, l'énigme d'une vie se présente comme un film de fiction, bien qu'il s'appuie sur des faits et surtout sur un personnage emprunté à la réalité : Enric Marco qui, pendant des années, s'est  fait passer pour un survivant des camps de concentration et dont l'imposture n'a été dévoilée qu'en 2005 par un jeune historien obstiné. En 2015 Javier Cercas s'était emparé du sujet et avait publié L'Imposteur, un "roman" qui avait suscité quelques remous.  Le film d'Aitor Arregj et Jon Garano ne cherche ni à confirmer une vérité, désormais largement établie, ni à la remettre en question. Leur propos me semble-t-il dépasse cet enjeu immédiat en proposant au spectateur une réflexion plus large sur l'écart entre vérité et mensonge. 

En effet, Marco ne cesse d'inventer son histoire, de "broder" à partir de fait attestés, de mentir donc, mais avec panache. Il est écouté et son histoire est médiatisée. Elle sert une cause, celle des déportés et du "devoir de mémoire". Une imposture utile? Ou juste une imposture ?  Les raisons qui poussent Marco à s'accrocher à ses mensonges, son besoin compulsif d'en rajouter, son besoin d'être sur le devant de la scène, oui tout cela est bien montré. Mais importe moins que la réflexion sur le rôle des médias et des politiques lorsqu'ils s'essayent à manipuler la vérité. Le film parle d'un imposteur du passé; au spectateur de s'interroger sur les imposteurs du présent. 

Imposteur, subst. masc : Celui qui trompe, qui abuse autrui par des mensonges, de fausses promesses, dans le but d'en tirer un profit matériel ou moral.

27 mars 2025

Ojoloco 2025, Les cavaliers des terres sauvages

Un documentaire pour se lancer, juste avant le film d'ouverture, pourquoi pas? D'autant que celui-ci, tout entier consacré aux gauchos argentin est particulièrement séduisant. La vie des gauchos est, comme celle des marins, "une vie rude et parfois semée de réels dangers", mais c'est une vie libre. 

Le film de Michael Dweck et Gregory Keshaw est avant tout un film de photographes ce qui explique sans doute le parti pris du noir et blanc mais, surtout le nombre de plans fixes qui permettent à la fois d'admirer le  paysage, souvent vide à l'infini, et l'entrée des cavaliers dans le champ. Rien à voir avec ces caméras aussi virevoltantes que fatigantes supposées prévenir l'ennui du spectateur,  ici ce sont les cavaliers et leurs chevaux  qui donnent le mouvement. 


Mais ce que le film donne surtout à voir et à comprendre, c'est qu'être gaucho ce n'est pas seulement une histoire de vêtements, de chapeau, de cheval ou de lasso, mais c'est une vraie culture, à laquelle les plus plus jeunes  - y compris les filles si elles le désirent - sont initiés par leurs parents.