08 avril 2025

Ojoloco 2025 : Mamifera

Dernier film en compétition, Mamifera est un film relativement classique dans sa forme, mais qui aborde un sujet bien dans l'air du temps : celui de la reproduction. Ou plutôt du choix qui est désormais celui de l'être humain, de se reproduire ou pas.  La réponse est loin d'être évidente et les 3 jours de réflexion imposés avant l'intervention permettent de tout remettre à plat. Mais le film de Liliana Torres n'est ps un documentaire du planning familial. Non c'est un film joyeux et plein de vie, avec des acteurs très convaincants. 


Et cerise sur le gâteau,  le film doit sortir bientôt sur les écrans (ce qui n'est, hélas, 
pas le cas de la plupart des films vus pendant le festival.

Ojoloco 2025 : Isla negra

Il s'en faut de peu pour que le film de Jorge Riquelme Serrano bascule vers la caricature en opposant, sur le même territoire, deux groupes sociaux radicalement différents : d'un côté, dans une maison somptueuse avec vue sur la mer, un promoteur immobilier et sa maîtresse; de l'autre, un couple et leur vieux père qui après avoir été chassés de leur domicile, ont installé un campement rudimentaire sur la plage en contrebas. 

Les riches et les pauvres, les gens d'en haut et ceux d'en bas, on commence par craindre le pire et on s'inquiète de la vision manichéenne du réalisateur. Qui se révèle beaucoup plus nuancé que cela parce que d'affrontements en affrontements, il laisse entendre que le monde est toujours plus complexe qu'il n'en a l'air. Ce qui permet au spectateur de changer plusieurs fois de point de vue au cours de film et de prendre fait et cause, alternativement pour chaque partie. Qui a tort? Qui a raison ? A chaque spectateur de décider par lui-même. 

Qu'un réalisteur, (ou un auteur), pousse le spectateur à s'interroger sans lui imposer un point de vue, et qu'il le laisse au final libre de ses choix, voilà qui me convient infiniment mieux que le réalisateur qui  tient absolument à faire passer un message. Certains cinéastes comme certains écrivains ont tendance à confondre information et propagande. Ce n'est pas le cas de Jorge Riquelme Serrano.

 





06 avril 2025

Ojoloco 2025 : Salao de baile

 Autrement dit Salle de bal ! Mais ne vous attendez à des valses viennoises ou des tangos argentins. Dans ce documentaire tonique et dynamique, coloré et ... agité, il bien question de danse, mais de celles qui constituent la culture "ballroom" dans sa version brésilienne. Pour qui n'est pas familier de cette culture il est un peu difficile de s'y retrouver tant les structures qui regroupent souvent de façon informelle ou éphémère les danseurs, sont diversifiées et tant les catégories qui permettent d'entrer dans les compétitions sont multiples. On se perd un peu, il est vrai dans le rythme effréné du film de Juru et Vita, mais il est bon de temps en temps de sortir de sa zone de confort et de se laisser emporter par la découverte d'univers différents du nôtre. 



Ojoloco 2025 : Fenomenos naturales

Un film cubain c'est plutôt une rareté depuis trop longtemps. Alors il n'était pas question de rater Fenomenos naturales de Marcos Antonio Diaz Sosa. Sans attaquer directement le régime, le réalisateur s'intéresse à une jeune couple qui rêve de l'avenir radieux que lui a promis la révolution.  Oui mais...

Alors qu'ils rêvaient d'une relative prospérité et d'un appartement à La Havane, après un accident de la vie comme il y en a tant, les voilà,  réfugiés dans une cahute à la campagne en train d'élever des cochons. Survient une tornade... et le film change de direction puisque Vilma, comme la Dorothée du Magicien d'Oz se retrouve propulsée dans un monde radicalement différent, où le champagne coule à flot et où les machos mènent le monde. Et voilà la jeune infirmière soudain transformée en tireuse d'élite ! Changement de registre, la comédie absurde prend le pas sur la tragédie. Se moquer et rire pour ne pas pleurer. C'est toute la force de ce film.


Ojoloco 2025 : Historias de Shipibos

Historia de Shipibos est un de ces film qui penche du côté du documentaire ethnique, même s'il a vaguement recours à la fiction pour montrer à quoi correspond la culture des Shipibos, un peuple indigène d'Amazonie qui vit en marge de la culture dominante. Le film est très démonstratif, didactique, construit en trois volets qui montrent d'abord l'enfance et l'éducation du jeune Bewen par son grand-père, dans le respect des valeurs et des tradition, puis son départ vers la ville, lieu de toute les dérives, avant son retour à la forêt de son enfance.  Aussi louables que soient l'intentions du réalisateur, Omar Ferroro, son film ne m'a pas vraiment passionné. D'autant que le retour à la vie d'avant, supposée infiniment meilleure que celle d'aujourd'hui, ne m'a jamais paru très convaincant. Ni dans la forêt amazionenne, ni ailleurs dans le monde. Je crains même que ce ne soit un leurre dangereux.



31 mars 2025

Ojoloco 2025 : Agarrame fuerte

 Pas le bon film à voir en ce moment avec, en ouverture, une cérémonie funéraire qui n'en finit pas. La suite est un peu plus intéressante puisqu'elle évoque l'amitié qui unissait les amies de la jeune fille que l'on vient d'enterrer. Et l'on se retrouve avec elles, le temps d'un été au bord de la mer. Un film sans grande originalité, sympathique, mais à peine vu, déjà oublié.



Ojoloco 2025 : Los Tonos Mayores

 

Ce qui frappe d'abord dans le film d'Ingrid Pokropek, c'est son côté insolite, à la limite du fantastique  : une prothèse métallique qui émet des vibrations, immédiatement transposées en notes de musiques, et interprétées comme un message venu... d'ailleurs.  Et puis, derrière l'histoire un peu fantasque, il y a surtout le très joli portrait d'une adolescente : Ana, la jeune fille qui avec l'aide de ses amis cherche à déchiffrer le message. Sofia Clausen, la jeune actrice qui tient le rôle d'Ana est stupéfiante de naturel. Une sensibilité à fleur de peau en parfait accord avec l'atmosphère d'un film tout en délicatesse, qui n'explique pas, mais laisse entendre les raisons qui poussent Ana à chercher du sens là où il n'y en a peut-être pas. 





 

Ojoloco 2025 : Los Capitulos perdidos

Un film vénézuélien, dans l'état actuel du pays, c'est déjà un petit miracle en soi. Et avec bien peu de moyens, Lorena Alcarado réussit  à filmer une jolie balade dans les librairies de Caracas. Chronique d'un été entre une fille et son père qui partagent la même passion, celle des livres, des bibliothèques et des librairies, balade nonchalante dans une ville en pleine déliquescence. Ni drame, ni tragédie, juste un état des lieux, à mi chemin entre le documentaire et la fiction.



Hélène Gaudy, Un Monde sans rivage

 Encore un livre d'Hélène Gaudy qui petit à petit me permet de mieux cerner son univers. Cette fois-ci il s'agit d'un récit de voyage, d'un enquête sur la destinée de trois hommes qui se sont lancés dans une aventure périlleuse : gagner le Pôle Nord en montgolfière ! Ils sont partis en juillet 1897, ont été portés disparus peu de temps après; 30 ans plus tard leurs restes sont retrouvés par hasard,  Et avec leurs ossements, des pellicules photos qui depuis ont été développées. C'est à partir de ces quelques images, floues ou peu lisibles que l'écrivaine construit son récit, reconstitue les dernières semaines, les derniers jours de ces trois hommes, sans craindre d'inventer les éléments qui lui manquent, toujours entre fiction et réalité. "Une narration qui finit par se substituer au voyage réel."

Un monde sans rivage peut être lu comme un document historique, qui viendra s'ajouter à tous les récits d'exploration et portraits d'aventuriers déjà rangés dans nos bibliothèque. Mais il est beaucoup plus que cela parce que Hélène Gaudy, en écrivant, entraîne le lecteur dans la construction de son récit. Et la façon dont elle utilise les photos, dont elle relie les documents en sa possession et ceux qu'elle va chercher pour comparer, vérifier, la façon dont elle met en branle son imagination pour combler les vides, tout cela finit par faire le vrai sujet du roman autant que l'histoire de Salomon, Knut et Nils. 

 



 

30 mars 2025

Lire Lolita à Téhéran

Petite interruption dans la suite des films proposés par Ojoloco, pour aller voir le film d'Eran Riklis, adapté du roman d'Azar Nafisi paru en France en 2004.  Reprendre une oeuvre littéraire pour l'adapter au cinéma m'a toujours paru une tâche difficile voire impossible puisque c'est nécessairement restreindre les infinies possibilités d'interprétation d'un texte à une seule vision, celle du réalisateur. Voilà sans doute pourquoi le film m'a paru relativement fidèle au texte (lu il y a plus de 20 ans !) mais passablement laborieux.  Et de surcroit décourageant car la main mise des ayatollahs en Iran, comme celle, encore bien pire, des talibans en Afghanistan, est toujours là. Oui bien sûr lire et étudier Nabokov, Fitzgerald, James, Austen permet aux femmes de s'interroger, de réfléchir, de prendre la mesure de leur désirs comme des limites qu'on leur impose. Mais faut-il que les gouvernement soient bien peu sûrs de leur valeur pour interdire aux femmes de penser par elles-mêmes. 

Oui, il est grand temps de relire la lettre de Voltaire sur l'Horrible danger de la lecture. Il date de 1766 ! Mais il semblerait que certains, en Iran et ailleurs, n'aient rien compris aux antiphrases et se soient contentés de prendre les mots au pied de la lettre. 

 

Ojoloco 2025, Marco l'énigme d'une vie

Film d'ouverture du festival Ojoloco, Marco, l'énigme d'une vie se présente comme un film de fiction, bien qu'il s'appuie sur des faits et surtout sur un personnage emprunté à la réalité : Enric Marco qui, pendant des années, s'est  fait passer pour un survivant des camps de concentration et dont l'imposture n'a été dévoilée qu'en 2005 par un jeune historien obstiné. En 2015 Javier Cercas s'était emparé du sujet et avait publié L'Imposteur, un "roman" qui avait suscité quelques remous.  Le film d'Aitor Arregj et Jon Garano ne cherche ni à confirmer une vérité, désormais largement établie, ni à la remettre en question. Leur propos me semble-t-il dépasse cet enjeu immédiat en proposant au spectateur une réflexion plus large sur l'écart entre vérité et mensonge. 

En effet, Marco ne cesse d'inventer son histoire, de "broder" à partir de fait attestés, de mentir donc, mais avec panache. Il est écouté et son histoire est médiatisée. Elle sert une cause, celle des déportés et du "devoir de mémoire". Une imposture utile? Ou juste une imposture ?  Les raisons qui poussent Marco à s'accrocher à ses mensonges, son besoin compulsif d'en rajouter, son besoin d'être sur le devant de la scène, oui tout cela est bien montré. Mais importe moins que la réflexion sur le rôle des médias et des politiques lorsqu'ils s'essayent à manipuler la vérité. Le film parle d'un imposteur du passé; au spectateur de s'interroger sur les imposteurs du présent. 

Imposteur, subst. masc : Celui qui trompe, qui abuse autrui par des mensonges, de fausses promesses, dans le but d'en tirer un profit matériel ou moral.

27 mars 2025

Ojoloco 2025, Les cavaliers des terres sauvages

Un documentaire pour se lancer, juste avant le film d'ouverture, pourquoi pas? D'autant que celui-ci, tout entier consacré aux gauchos argentin est particulièrement séduisant. La vie des gauchos est, comme celle des marins, "une vie rude et parfois semée de réels dangers", mais c'est une vie libre. 

Le film de Michael Dweck et Gregory Keshaw est avant tout un film de photographes ce qui explique sans doute le parti pris du noir et blanc mais, surtout le nombre de plans fixes qui permettent à la fois d'admirer le  paysage, souvent vide à l'infini, et l'entrée des cavaliers dans le champ. Rien à voir avec ces caméras aussi virevoltantes que fatigantes supposées prévenir l'ennui du spectateur,  ici ce sont les cavaliers et leurs chevaux  qui donnent le mouvement. 


Mais ce que le film donne surtout à voir et à comprendre, c'est qu'être gaucho ce n'est pas seulement une histoire de vêtements, de chapeau, de cheval ou de lasso, mais c'est une vraie culture, à laquelle les plus plus jeunes  - y compris les filles si elles le désirent - sont initiés par leurs parents.


26 mars 2025

Léger et le nouveau réalisme

Fernand Léger. Son travail est sans doute moins connu que celui de Braque ou de Picasso. Mais l'exposition actuellement en cours au musée du Luxembourg permet de mieux mesurer l'influence que le peintre a eu sur un certain nombre d'artistes du XXe siècle, que l'on qualifiait alors de nouveaux réalistes

 

 

La confrontation,  ou plutôt les correspondances entre les oeuvres de Léger et celles d' Arman, Villeglé, Yves Klein, Martial Raysse, Spoeri, Nicky de Saint Phalle, et quelques autres sont tout à fait pertinentes et permettent de voir les oeuvres comme on ne les avait pas encore vues.  Qu'il s'agisse de l'emploi de la couleur,  des formes ou de l'importance du graphisme et du lettrage. Et rien n'interdit au visiteur d'aller plus loin et d'imaginer d'autres rapprochements, d'autres filiations.  Comme pour ce tableau de Robert Indiana  - dont la sculpture jouant avec les 4 lettres du mot Love a été un peu trop multipliée et donc galvaudée - lui même inspirée d'un travail de Charles Demuth.

 
 
J'aime assez retrouver dans une exposition ou un musée ces filiations imaginaires... Mais j'aime encore plus être surprise, par des artistes dont j'ignore tout mais dont l'oeuvre s'impose d'emblée. 


Entre Fernand Léger,  Karel Apel et Nicky de Saint Phalle,  il y a, en effet, comme une évidence  !  Et de quoi ensoleiller un dimanche pluvieux.



24 mars 2025

Seth Greenland, Plan américain

Avec un titre comme celui-là, pas de surprise ! Il est bien question de cinéma. Un film que Paul, jeune scénariste de 23 ans essaye de réaliser avec l'aide de son ami Jay, qui se charge de la production et de celle d'Avery, l'indispensable actrice noire, dont les deux amis sont bien sûr amoureux.  Le sujet du film ? une histoire autour d'un gangster juif dans un monde dont tous les Blancs ont disparu. Une histoire un peu farfelue, mais qui, à mes yeux du moins, a le mérite de parler des attentes, des difficultés, des compromis et des renoncements d'un jeune cinéaste à l'orée de son premier film mais plus encore, le mérite d'être située dans le New York des années 70, que ma mémoire a eu plaisir à retrouver. Un NY nettement moins rutilant que celui d'aujourd'hui.

De là à dire que Plan américain est un bon roman, il y a un pas. Parce que j'ai souvent eu l'impression de lire un scénario plutôt qu'un roman : changement de décor à chaque séquence, déplacements, gestes et attitudes des personnages si précis  qu'ils font penser à des recommandations pour la direction d'acteurs...

Mais bon, dans un train qui met 6 heures au lieu de 3 pour gagner sa destination, un livre quel qu'il soit, permet de passer agréablement le temps.




 


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Helène Gaudy, Plein hiver


 Une petite ville comme tant d'autres, dans le Nord des Etats-Unis. Une petite ville insignifiante, qui n'a pour elle que son nom, Lisbon, sans "e".  Et dans cette ville quelques adolescents, qui s'ennuient et s'inventent des histoires comme tous les adolescents des petites villes où il n'y a rien à faire. Une fille, quatre garçons. L'un d'eux soudain disparaît et resurgit 4 ans plus tard. Et sa présence trouble la petite ville autant que sa disparition.

Hélène  Gaudy part d'un événement plausible, que l'on pourrait qualifier de fait divers, pourtant, ce qui l'intéresse ce ne sont pas les faits en eux-mêmes, mais leur répercussion sur les autres adolescents. Ce qui semble intéresser l'écrivaine, dans Si rien ne bouge comme dans Plein hiver, c'est le difficile passage à l'âge adulte, ce moment de la vie où le corps change, où les aspirations les désirs se précisent, où l'individu se retrouve soudain dans la nécessité de renoncer à l'enfance sans avoir tout à fait les moyens de s'affirmer pleinement comme adulte. Un joli travail d'analyse sur la psyché des adolescents.


Retour dans le monde de l'art, des musées, des expositions ...

... à commencer par celle qui vient d'ouvrir au Magasin, (CNAC Grenoble), intitulée, Good service, good performance.

 
Des oeuvres empruntées à l'Institut d'art contemporain de Villeurbanne, qui datent des 40 dernières années et interrogent notre quotidien. Comme cette oeuvre de Wang Du qui parlera forcément aux lecteurs du Monde.



 http://www.magasin-cnac.org/

23 mars 2025

Hélène Gaudy, Si rien ne bouge

Si rien ne bouge est le deuxième roman d' Hélène Gaudy, dont on retrouve ici la délicatesse d'écriture du précédent. L'histoire est bien banale : des vacances au bord de la mer, un couple et leur fille adolescente. Mais cette année là,  pour tenir compagnie à leur fille qu'ils trouvent trop solitaire, les parents ont invité une autre adolescente, dont ils ne savent pas grand-chose, si ce n'est qu'elle n'appartient pas au même milieu social. Ni drame ni tragédie dans ce roman, mais une restitution très fine de ce qui se passe dans la tête des personnages. Les comportements, les attitudes, les dialogues, tout est juste. Les deux jeunes filles, au demeurant très différentes, l'une plus délurée, plus provocante, l'autre plus réservée, sont observées un peu comme observe un papillon lorsqu'il sort de sa chrysalide, mais dont on ne sait pas encore ce qu'il deviendra. Elles sont à l'âge où l'on se détache des parents, qui eux-mêmes ont du mal à accepter les changements de leur enfant. Pour eux aussi c'est le temps du questionnement et du lâcher-prise. 





Hélène Gaudy, Vues sur mer

 Ce premier roman d'Hélène Gaudy ne fait que 110 pages, mais c'est un "objet" tout à fait étonnant. Je dis bien objet parce qu'avant d'être publié, il a été présenté comme diplôme de fin d'étude de l'Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg. Ce que j'ignorais quand je l'ai commencé, mais dès les premières pages j'ai été séduite, puis fascinée par la façon très visuelle dont il a été composé, une structure  à multiples facettes qui ne cesse de se déplier, avec des motifs, des éléments de décor, et des personnages récurrents : un hall d'hôtel, un réceptionniste, une robe rouge, un dessus de lit bleu, 

Une femme arrive dans un hôtel, demande une chambre avec vue sur la mer... Elle s'appelle Jeanne, elle est seule... elle regarde par la fenêtre, une fenêtre qui ferme mal... La scène se reproduit sept fois, toujours un peu pareille, toujours un peu différente comme une vieille photo un peu pâlie dont on cherche à quoi elle correspond.  Fascination totale, impossible de lâcher le livre parce que dès le deuxième chapitre l'imagination du lecteur est mise en branle, invente les non-dits, comble les manques... C'est un livre à lire lentement pour mieux apprécier la finesse avec laquelle l'écrivaine explore la solitude de son personnage et sa façon de porter un regard sur les autres.



 

22 mars 2025

Le Restaurant des N'Guyen

Un deuxième film "feel good" en moins d'une semaine ? Pourquoi pas ?  Celui-ci est une comédie musicale, on y chante, on y danse et bien sûr on y mange puisque la cuisine de Mme N'Guyen est le centre névralgique de l'histoire. La cuisine ... et les scènes de théâtre où sa fille court les casting et rêve d'un rôle qu'on ne lui offrira pas, parce qu'on attend d'elle qu'elle corresponde à une certaine idée que les directeurs de théâtre se font de la femme asiatique; au lieu de s'intéresser à la personne, ils plaquent sur elle clichés et stéréotypes. Mais n'est-ce pas ce que nous faisons tous un peu?  Plutôt que d'en faire un drame, Stéphane Ly-Cuong a choisi d'en rire. Alors, si en faisant vos courses au supermarché vous croisez une asiatique en costume qui veut vous faire goûtez des nems à la betterave (!), souvenez-vous que le costume ne fait pas la personne.




21 mars 2025

En fanfare

Voilà un bout de temps que le film d' Emmanuel Courcol est sorti et a rempli les salles. Je n'ai donc pas grand commentaire à ajouter si ce n'est que le film m'a paru cocher tous les critères du "feel good movie", sans mièvreries excessive même si, au départ l'histoire des retrouvailles entre ces deux enfants adoptés par des familles différentes paraissaient à la fois tirée par les cheveux et convenue (mais traitée de façon moins caricaturale et avec moins de cynisme que dans le film de Chatilliez). 

J'ai particulièrement apprécié la conduite du scénario, qui évite habilement le piège de la fin heureuse, tout en laissant le spectateur dans l'euphorie d'une histoire où la bienveillance l'emporte. J'ai apprécié aussi le jeu des acteurs, surtout celui de Pierre Lottin, parfait dans le rôle du prolo bourru et mal dégrossi, mais avec un gros potentiel. Car ce qui devrait rester de ce film,  à la production duquel a participé Robert Guédiguian, c'est bien l'idée que le milieu social dans lequel vivent les individus pèse lourd dans leur développement. En 1970 était publié le livre de Bourdieu, La Reproduction. Mais c'est toujours la même histoire.




20 mars 2025

Le Brutaliste


 3h45 c'est vraiment long, même avec entracte ! Et le film a beau être "monumental" je suis restée sur ma faim (qu'est-ce qui sous-tend en fin de compte l'architecture brutaliste ?) avec, de surcroît, une impression de lassitude et de trop plein parce que Brady Corbet en fait trop, vraiment trop. A force de vouloir tout dire dans un seul film - traumatisme récurrent de la Shoa, le statut de juif et d'immigré, les fausses promesses de l'Amérique, le mépris de classe et la brutalité des ultra riches, la prédation sexuelle ....  - il est contraint de forcer la note sur chacun des thèmes pour ne pas perdre l'attention du spectateur qui n'en peut plus de cette accumulation.  Alors oui, Le Brutaliste en met plein la vue, mais c'est à peu près tout. 

18 mars 2025

Black dog

 Un film comme j'aime, qui donne envie de toujours plus de cinéma. Qui parle d'humains, de société, avec des images, surtout des images puisque le compagnon du chien noir ne parle pas plus que l'animal. Le cinéma est avant tout un art visuel, ce que beaucoup souvent oublient, remplissant parfois leur film de bien trop de mots, mais que Hu Guan, le réalisateur a parfaitement compris. 

L'histoire tient en quatre mots : un homme, un chien.  Deux paumés, deux exclus dans un monde qui n'a pas besoin d'eux. 

Cela se passe dans le Nord de la Chine aux confins de la Mongolie et du désert de Gobbi. Des paysages immenses souvent filmés dans une lumière crépusculaire, des terres noires que les changements de lumière modulent. Et puis il y a - pur contraste - un paysage que l'on ose à peine qualifier d'urbain, ces  rues, ces maisons qui suintent la misère et la décrépitude. Un territoire loin, très loin de la Chine en pleine expanssion économique.  Entre le désert et la ville, un zoo abandonné, un cirque ambulant, souvenirs d'une vie rêvée qui n'a pas tenu ses promesses.

Dans ce territoire en pleine relégation, la multiplication des chiens errants a contraint les autorités à monter une brigade pour les exterminer. Lang le personnage principal, tout juste sorti de prison, vient d'y être engagé, et c'est ainsi que se fait la rencontre entre l'homme et l'animal. Ah oui, il y a aussi une sombre histoire de vengeance, puisque Lang est accusé d'avoir tué le fils d'un chef mafieux et doit payer sa dette. Mais ce semblant d'intrigue qui permet d'ajouter quelques scènes façon thriller bien noir, ne m'a par paru essentiel; c'est un élément parmi d'autres chargés de montrer la réalité sociale des laissés-pour-compte de la politique chinoise.

Guan Hu se défend d'avoir fait un film politique, et affirme n'avoir cherché qu'à montrer la réalité. Certes. Mais il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas comprendre ce que dit son film, même si, au final, le départ de Lang et du chien noir dans le vieux side-car laissent entendre qu'ailleurs, peut-être ....



16 mars 2025

Ruchika Tomar, Prière pour les voyageurs



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deux couvertures aussi différentes pour un seul et même livre, voilà qui surprend. Laquelle est la plus fidèle aux roman ? Cela dépend sans doute de la lecture de chacun, mais l'illustration de couverture est toujours un indice qui crée une attente. Alors, road trip dans un paysage désertique ?  Ou les limites d'une petite ville américaine et de son unique "diner", restaurant familial et bon enfant où chacun y a ses habitudes ? 

Il semblerait que Ruchika Tomar ait voulu tout mettre dans son roman : le désert qui enferme parce tout est trop loin, l'esprit petite ville où tout le monde connaît tout le monde, la sortie de l'adolescence et les amitiés conflictuelles, le manque d'opportunités pour pouvoir rêver d'un avenir plus grand....  Oui, il y a beaucoup de choses dans le roman de Ruchika Tomar, mené comme un thriller, c'est à dire à vive allure, Les personnages sont bien campés, les situations bien observées.... Certes ! 
Mais le fil du récit est sans cesse fractionné, la chronologie bouleversée et il faut beaucoup de bonne volonté pour ne pas se perdre entre les lieux et les personnages.  Oui, bien sûr, c'est la tendance éditoriale du moment, induite sans doute par la multiplication des ateliers d'écriture. Cela finit pourtant par être lassant et parfois j'aimerais suivre une récit bêtement linéaire, plutôt que d'essayer de reconstituer un puzzle. Même si j'ai toujours aimé faire des puzzles.



12 mars 2025

Enis Batur, La Maison aux livres

 

 

La Maison aux livres est un roman un peu extravagant dans lequel un écrivain hérite de façon très mystérieuse d'une bibliothèque "de plus de trente mille ouvrages rassemblés dans un écrin de verre au coeur d'un vaste domaine arboré surplombant le Bosphore". Pour tous les amoureux des livres et de la lecture, des bibliothèques et des librairies, le deal est fait dès la quatrième de couverture. Et l'on plonge dans cette histoire sans véritable intrigue, qui s'inscrit dans la longue liste des livres qui ont, sous un prétexte ou un autre, fait l'éloge des bibliothèques. Et de la lecture. 

"J'ai passé ma vie avec les livres, parmi les livres. J'en ai écrit quelques-uns, comme éditeur j'en ai publié un bon nombre, j'en ai lu beaucoup plus, j'en ai acheté pour les lire, j'en ai manipulé pour les acheter, j'ai feuilleté leurs pages, et, avec le temps, en en couvrant les murs de ma maison, j'ai fini par acquérir au milieu d'eux une sorte de sécurité. L'origine de presque toutes mes pensées, la source, le puits qui les ont irriguées, toutes les étincelles qui ont enflammé mes sens, c'est dans les livres que je les ai trouvés. Quand j'ai eu peur, c'était surtout à cause d'eux, si j'ai douté d'autrui et de moi-même à m'en ronger les sangs, c'était à cause d'eux.Les raisons pour lesquelles de milliers de livres se sont serrés sur mes étagères, côte à côte, les uns au-dessus des autres et parfois en double rangée, ne se résument pas à une seule. Si j'avais pu briser la geole dans laquelle une imprévoyance compréhensibkle, bien qu'incurable, enchaîne la plupart des amoureux des livres, j'aurais déjà opéré une purge massive, mais je n'en ai pas trouvé la force. Bien plus, je me sujis rendu compte que je ne le ferais probablement jamais, faute de savoir séparer le bon grain de l'ivraie. [...] J'ai vu très peu de gens briser ce carcan." 

Voilà le miroir qu' Enis Batur, écrivain turc m'a tendu, page 42 ... bien que ma bibliothèque rassemble bien moins de 30 000 ouvrages. 

When the light breaks


 "Le jour se lève sur une longue journée d’été en Islande. D’un coucher de soleil à l’autre, Una, une jeune étudiante en art, rencontre l’amour, l’amitié, le chagrin et la beauté."

Deux couchers de soleil oui, mais pas grand chose entre les deux. D'un film islandais j'attendais de beaux paysages, mais l'affiche est trompeuse parce qu'entre l'incipit et l'épilogue la plupart des scènes sont filmées en intérieur ou en ville.

Quant au synopsis il est beaucoup trop vague pour être éclairant. En fait il s'agit surtout du deuil qui frappe deux jeunes femmes, l'une, la petite amie officielle, ayant la possibilité de l'exprimer, l'autre non. Le reste, en particulier les scènes d'art conceptuel ne servant qu'à remplir le vide. Bref, le film de Rúnar Rúnarsson m'a laissée de glace



L'attachement


 La bande annonce laissait entendre que l'attachement, c'était celui de cette célibataire frôlant la cinquantaine, à un enfant qui venait de perdre sa mère, mais c'est plus compliqué que cela. Le titre, en fait pourrait être au pluriel, puisqu'il montre les variations  et la confusion parfois des sentiments entre personnes, enfants ou adultes qui n'ont en commun ni gènes ni liens légaux et dont les relations fluctuent au fil du temps. Rien de dramatique, rien de convulsif, juste ce que Goethe appelait les affinités électives. Le tout fait un assez joli film, plutôt réconfortant et sans mièvrerie excessive.

27 février 2025

Les Damnés

1862, en pleine guerre de Sécession. Ils avancent dans un paysage vide à l'infini, ils ont des uniformes bleus, ce sont donc des soldats de l'Union. 

En 1862, le Montana n'est pas encore un Etat, même pas un territoire. C'est un espace vide qu'un détachement de l'armée de l'Union est chargée d'explorer. 

Le film de Roberto Minervini n'est pas un western, ni même un film sur la guerre de Sécession; mais c'est un film sur la guerre et l'engagement des militaires. La guerre y est vue à ras de fantassin - un peu comme  Fabrice del Dongo à Waterloo - c'est à dire observée avec minutie, dans ses détails les plus triviaux (l'utilisation d'une arme, le montage d'une tente...) avec une alternance de gros plans et de plans beaucoup plus large destinée à faire comprendre au spectateur le quotidien de ces hommes qui s'efforcent de survivre sur un terrain inconnu et dans des conditions météorologiques difficiles : ils exécutent des ordres, sacrifient leur vie à des objectifs qui ne les concernent pas directement. Loin, très loin de ceux qui les ont envoyés si loin de tout. C'est au bout d'un moment que ce film, légèrement ennuyeux jusque là,  puisqu'il ne se passait rien, a pris son sens. Parce que ces hommes parlent, s'interrogent, expliquent les raison de leur engagement, parfois radicalement différentes. Comme dans le poème d'Aragon, il y ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas... Ceux qui pensent que la terre leur a été donnée par Dieu et qu'il faut la défendre, ceux qui n'en sont pas vraiment certains. 

Peu à peu, Les Damnés prend une autre dimension, ce n'est plus un film de guerre - la seule bataille se fait contre un ennemi invisible (juste des éclats de feu) - c'est un film sur la guerre, sur l'inanité de la guerre, de toutes les guerres, celles du passé ou celles d'aujourd'hui. Et si les premières images montraient une troupe assez importante et soudée dans ses efforts, la dernière ne montre que deux hommes, visage levé vers le ciel, vers la neige qui tombe et va bientôt les recouvrir comme elle a enseveli tous les autres. 

Les Damnés est un film âpre, exigeant, mais c'est un film qui marque. 

25 février 2025

Maya Angelou, Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël

 

 

Le titre était irrésistible. Le nom de l'auteur également car je n'avais pas oublié mon enthousiasme à la lecture de Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage, premier volume de l'autobiographie de Maya Angelou.

Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël est le troisième volume de son autobiographie, paru en 1976. La petite fille élevée par sa grand-mère a grandi, est désormais mère-célibataire d'un jeune enfant et se fraye un chemin dans le monde du showbizz grâce à son talent de chanteuse et de danseuse,  mais surtout grâce à son intelligence et son audace. Voilà une femme qui sait ce qu'elle veut et ce qu'elle ne veut pas, prête à tenter toutes les aventures pourvu qu'elles lui permettent de gagner sa vie et de garder quoi qu'il arrive sa dignité. Femme et noire dans l'Amérique des années 50, elle étonne, elle détonne et fait preuve d'une extraordinaire vitalité. Engagée dans la troupe partie présenter Porgy and Bess en Europe et en Afrique du Nord, elle n'est pas du genre à rester enfermée dans sa chambre d'hôtel, non. Elle achète un dictionnaire et sort à la découverte des villes qu'elle traverse, avide d'expériences nouvelles, qu'elles soient culinaires ou artistiques ! Les pieds sur terre, toujours, un sens de la répartie exceptionnel, une insatiable curiosité et une formidable envie de vivre à fond tout ce que la vie lui propose. Ce qui n'empêche pas la tristesse, la peur parfois. 

Maya Angelou qui plus tard s'activera aux côté de Martin Luther Kingdes et des militants des droits civiques, poète à ses heures, manie la plume avec une facilité étonnante. Son écriture est à son image, tonique, directe. Quelques mots lui suffisent pour croquer un portrait, rendre compte d'un lieu. A Zagreb : "Les couloirs de l'hôtel sentaient le chou et la poussière des siècles.

Lire Maya Angelou est une véritable antidote à la morosité et même à l'angoisse latente provoquée par les informations qui arrivent de l'autre côté de l'Atlantique. 

Et l'éditeur, qu'il en soit remercié, a même inclus dans les pages du livre une play list qu'un QR code permet d'enregistrer pour écouter, en lisant, les musiques évoquées par Maya Angelou !

17 février 2025

Le Jardin Zen

 Le film de Naoko Ogigami, premier film de la réalisatrice sorti en France, m'a laissé particulièrement perplexe et je me demande encore quel était son propos. S'agit-il d'un film féministe qui entend dénoncer la façon dont les femmes sont traitées au Japon et inciter Yoriko, ménagère de 50 ans au service  d'un mari et d'un fils qui abusent de sa docilité à se révolter et à suivre sa propre voie ?  S'agit-il au contraire de souligner les déséquilibres d'une femme toujours prête à se réfugier dans des passions exclusives, qu'il s'agisse de jardinage ou de pseudo spiritualité ? S'agit il de critiquer une société japonaise excessivement normée ou de montrer la faiblesse d'une femme incapable de savoir ce qu'elle veut, ce qu'elle vaut, trop timorée pour imposer ses choix ? 

Il est vrai que le monde n'est pas binaire et que le film reflète sans doute la complexité de la société japonaise autant que celle des individus. Mais le film m'a néanmoins paru trop  chargé - les retombées de Fukushima, le cancer, les sectes, la surdité ... et partant trop confus pour être tout à fait convaincant. 

 


13 février 2025

Pierre Christin, Est-Ouest

"Du grand Ouest américain aux territoires les plus reculés du bloc communiste, le scénariste Pierre Christin raconte ses voyages des deux côtés du rideau de fer, chose rare du temps de la guerre froide."  

 Toujours à la recherche d'une Amérique que j'ai aimée, que j'aime encore, mais dont j'exècre les récents choix politiques, j'ai lu Est-Ouest, attirée par cette confrontation entre deux mondes que cette bande dessinée semblait promettre, et je n'ai pas été déçue.

Scénariste avant tout, Christin a laissé à Philippe Aymond le soin d'illustrer son récit structuré en quatre volets dont le premier évoque sa découverte de l'Amérique, lorsqu'au début des années 60, il part enseigner à Salt Lake city, la capitale du pays mormon. L'occasion de découvrir une Amérique pas encore totalement mythique, les grands paysages de l'Utah et de l'Arizona, comme les villes de San Francisco et Los Angeles. Le récit passe ensuite au noir et blanc pour évoquer l'enfance et l'adolescence, se poursuit avec la période intermédiaire, au retour des Etats-Unis et l'entrée dans le milieu de la bande dessinée. Le dernier volet est consacré aux voyages de l'autre côté du rideau de fer. 

Est-Ouest est bien sûr un récit autobiographique, mais pas seulement parce que, visiblement, ce ne sont pas les tourments de son moi intime qui intéressent Christin, mais bien les tourments du monde dans lequel il a vécu. Et le lecteur profite de son regard curieux, qui note un détail, s'étonne, se réjouit sans pour autant asséner sa vérité sur l'un et l'autre monde. 




11 février 2025

Mon gâteau préféré

Le problème avec les films iraniens, c'est qu'ils sont systématiquement couverts d'éloges parce qu'ils sont iraniens et que le réalisateur et les acteurs risquent la prison ou pire pour avoir osé montrer ce qui ne doit pas être montré, dire ce qui ne doit pas être dit.  

Alors oui, je veux bien dire qu'il fallait une sacrée audace pour mettre en scène cette histoire d'amour et de sexe entre deux septuagénaires. Fatiguée de son veuvage et de sa solitude, Mahin s'est lancée à la recherche d'une autre âme isolée,  qu'elle trouve en la personne de Faramaz, chauffeur de taxi. Et c'est parti pour une folle nuit où tous les interdits ou presque sont foulés au pied : Mahin et Faramaz mangent, boivent de l'alcool, prennent une douche ensemble (la meilleure scène ! en tout cas la plus drôle!) écoutent de la musique, rient,  dansent, parlent d'amour.... Mahin bien sûr a posé son voile...

Mon gâteau préféré est indéniablement un film très audacieux, mais un peu lourd aussi.  Tout est  trop appuyé, trop insistant. Sans doute pour bien faire comprendre au spectateur occidental ce que les Iraniens doivent affronter au quotidien. 

Alors non, impossible de chipoter, de chicaner et de pinailler. Il faut aller voir Mon gâteau préféré et saluer le courage de Maryam Moqadam et Behtash Sanaeeha "Nous sommes fier.es de dédier la première de notre film aux dignes et courageuses femmes de notre pays qui sont passées en première ligne de la lutte pour le changement social, qui tentent de faire tomber les murs de croyances dépassées et sclérosées, et qui sacrifient leur vie pour obtenir la liberté.


 

10 février 2025

Je suis toujours là

 Le film de Walter Salles vient à point pour rappeler ce que signifie vivre sous un régime autoritaire où l'arbitraire fait la loi, pour rappeler aussi qu'avant l'Argentine et le Chili, le Brésil avait connu la dictature. 

Emporté par la nécessité de témoigner, de montrer le fonctionnement en l'occurrence plus insidieux que violent de la dictature brésilienne, le réalisateur s'attache à une famille dont le père a brutalement disparu et dont la femme passera sa vie d'une part à protéger ses cinq enfants, d'autre part à chercher ce qu'il est advenu de son mari. Tiré d'une histoire vraie, le film cherche avant tout à présenter Eunice, non seulement comme une femme de grand courage, une véritable héroïne, mais comme une femme parfaite. : toujours tirée à 4 épingles, toujours la bonne attitude, toujours la bonne réponse pour apaiser les inquiétudes des enfants ... Femme à la maison sans souci d'argent, elle vend son patrimoine, déménage, reprend des études, devient avocate, défend les droits des minorités... parfaite, vraiment parfaite! Ce qui finit par nuire à la crédibilité du film, qui ne s'arrête pas là et dans un dernier volet montre la vieille dame qu'elle est devenue, atteinte par la maladie d'Alzheimer. Et voilà, comment avec les meilleures intentions du monde, on fait un film trop long et juste un peu ennuyeux. Mais très édifiant !



08 février 2025

Douglas Kennedy, Ailleurs chez moi

Douglas Kennedy est un écrivain qui porte un regard très critique sur les Etats-Unis au point d'avoir voulu s'en éloigner pendant des années, préférant l'Europe à son pays d'origine. 

Au pays de Dieu, publié il y a une vingtaine d'année était un récit de voyage dans le Sud des Etats-Unis, dans cette région surnommée "Bible belt" parce que la religion y est omniprésente. Je m'attendais à un livre de la même veine en lisant Ailleurs chez moi, mais j'ai été un peu déçue. Il s'agit plutôt d'une autobiographie qui permet certes à l'auteur de s'interroger sur ce que signifie "être américain",  mais c'est un mélange un peu trop hétéroclite pour être tout à fait passionnant. L'impression d'un grand pêle-mêle où souvenirs, anecdotes l'emportent sur la réflexion. Certes il y est question de la passion de l'argent, qui rivalise avec la passion de Dieu pour la plupart des Américains, mais il n'y a là rien de bien nouveau. Il y est question aussi de l'actuel division entre Démocrates et Républicains qui met en péril la démocratie et dont l'écrivain essaye de faire l'historique en partant de 1968 et de la présidence Nixon. En partant surtout de sa propre histoire. Et c'est sans doute ce qui m'a gênée, car en basculant constamment de l'auto-biographie à l'essai, Douglas Kennedy semble sans cesse digresser.







03 février 2025

Jane Austeen a gâché ma vie

 Les comédies romantiques se ressemblent un peu toutes, mais c'est pour cela qu'on les aime. A vrai dire, ce que j'aime surtout c'est repérer les clichés, les scènes, les situations et parfois même les dialogues incontournables et puis me laisser surprendre par l'inattendu, les petites variations qui font l'originalité de chaque film. Un peu comme dans les westerns au fond. "Same, same, but ... different !"

Dans le film de Laura Piani, on a donc au départ une jeune fille pleine de doutes, libraire (dans une librairie souvent vide) célibataire (en quête du grand amour romantique façon Jane Austeen). Elle se voudrait écrivain (mais n'a encore rien écrit). A sa grande surprise, la voilà invitée dans une résidence pour écrivains par ... la Fondation Jane Austeen !  A partir de là le fil se déroule avec ses petites anicroches, ses soubresauts et ses péripéties plus ou moins attendues.  

Jane Austeen a gâché ma vie est un film plaisant, juste assez anglais (et donc excentrique) pour faire passer un bon moment, loin des tracas du monde.


 


01 février 2025

Hiver à Sochko

 Elle est métisse, née d'une mère coréenne et d'un père français qui a disparu avant sa naissance, alors lorsqu'un auteur de bande dessinée français vient s'installer dans la pension où elle travaille, forcément, elle projette sur lui, bien des espoirs. Mais voilà, l'écrivain est non seulement bourru, mais concentré sur son propre travail, et s'il apprécie l'aide que lui apporte la jeune-fille, il ne se laisse pas distraire de ses propres préoccupations . 

Bella Kim tient tout en finesse le rôle de la jeune fille, mais la prestation de Roschdy Zem, dans le rôle d'un homme maussade, peu amène et même franchement désagréable n'était sans doute pas le plus facile à tenir. Toujours est-il que cette ballade hivernale et souvent nocturne, adaptée d'un roman d'Elisa Shua Dusapin est filmée au plus près des personnages en respectant les non-dits propres à ce type de relation. Ce sont moins les mots que les images qui suggèrent ce qui est en jeu entre les personnages. Accessoirement, le film donne un aperçu intéressant de la vie dans une petite ville de Corée.



31 janvier 2025

Claudie Gallay, Les Jardins de Torcello



 

Un roman où il ne se passe rien pour peu qu'on le lise au ralenti, c 'est ... reposant. Et en fait il ne se passe pas grand'chose dans Les Jardins de Torcello, mais ces petits riens racontés au fil des jours, finissent par faire un roman nonchalant, et parfaitement vraisemblable. Les personnages -  une jeune filles qui joue les guides touristiques en attendant de savoir ce qu'elle veut faire de sa vie et le couple d'homosexuels pour lesquels elle "travaille" sur l'ile de Torcello  - sonnent non seulement juste, mais nous permettent de découvrir quelques aspects de la vie vénitienne, en dehors des grandes foules. 

Passé les premières pages qui empruntent un peu trop aux guides touristiques - mais après tout Jess est bien guide touristique, elle connaît tous les recoins de la ville et met un point d'honneur à personnaliser chacune de ses visites - on découvre avec elle cette île de Torcello, ignorée des touristes et menacée elle aussi par la montée des eaux. A vrai dire, le livre refermé, on ne rêve que d'une chose, aller nous aussi à Torcello et voir de nos yeux les jardins que Maxence s'obstine à restaurer, voire à reconstituer en espérant de cette façon éviter que l'île ne disparaisse définitivement sous les eaux. 

Les jardins de Torcello est un livre qui donne à rêver, qui donne envie de s'évader.  Et son rythme nonchalant laisse aux lecteurs la possibilité d'imaginer tout ce que ne dit pas le texte.

30 janvier 2025

Ernest Cole

 

Ernest Cole était un photographe sud-africain qui, en publiant en 1967 un livre de photos, House of bondage, a le premier montré à quoi correspondait l'apartheid,  à la suite de quoi il a été contraint de s'exiler aux Etats-Unis. Il a séjourné en Suède également et c'est là qu'ont été retrouvées des dizaines de milliers de négatifs. 

C'est en tout cas l'histoire que Raoul Peck met en scène dans un film-hommage à Ernest Cole. Un film qui rappelle ce qu'a été l'apartheid, mais qui insiste tout autant sur le sentiment particulièrement douloureux de l'exil; en effet le photographe est mort en 90 à New York sans avoir jamais pu remettre les pieds dans son pays, et sans avoir connu la fin de l'apartheid. 

Ce film qui met en valeur un photographe resté méconnu, m'a néanmoins laissé perplexe; tout simplement parce que, depuis quelques années, plusieurs films du même genre sont sortis qui racontent peu ou prou la même histoire, celle d'un artiste passé inaperçu et que l'on redécouvre, par le plus grand des hasards, un hasard toujours très romanesque. Je pense à Vivian Maier, je pense à Sugar man ... Il reste toujours dans ces films une grande part de mystère et dans le cas d'Ernest Cole, l'histoire de la banque suédoise paraît bien peu crédible... 

Qu'importe ! Je ne savais rien d'Ernest Cole, j'en sais à peine plus maintenant, mais j'ai hâte de découvrir à travers ses photos, le regard qu'il a posé sur l'Afrique du Sud comme sur les Etats-Unis.



 



29 janvier 2025

Olivier Rolin, Vider les lieux

 Il y a longtemps que je "pratique" Olivier Rolin, mais souvent par à coups. Récemment j'ai décidé d'être un peu plus systématique et d'essayer d'épuiser sa bibliographie. Mais c'est le hasard qui m'a fait découvrir chez un bouquiniste, un de ses derniers récits publiés en 2022. Impossible de résister à la couverture de l'édition de poche.


Sommé de quitter l'appartement où il habitait depuis des années et même des décennies, l'écrivain se retrouve - et c'est le moins qu'on puisse dire - déboussolé ! D'autant que l'injonction est arrivée en pleine pandémie, alors que le confinement avait passablement réduit l'univers de ce grand voyageur : pas d'échappatoire, impossible de fuir au bout du monde, l'écrivain doit faire ses cartons et vider les lieux. 

Il n'est jamais facile de déménager, et pour un écrivain le plus difficile c'est sans doute de vider sa bibliothèque. Mais pour le lecteur, les pages qu'Olivier Rolin consacre à sa bibliothèque sont les plus fascinantes. Parce qu'il a eu la bonne idée de marquer sur le livre en cours de lecture, la date et le lieu où il se trouvait alors On glisse ainsi de considérations littéraires, souvent érudites, à des souvenirs de voyage qui à leur tour en entraînent d'autres, rencontres, anecdotes, paysages

L'écrivain souffre de devoir vider les lieux, c'est certain mais son livre est d'une totale liberté, il progresse à la va comme je te pousse, crée des liens entre des lieux, des moments, des personnes. Avec forcément un peu et même beaucoup de nostalgie car l'âge qui vient - Olivier Rollin est né en 1947 - laisse peu de place au futur alors que le présent est déjà contraint.